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apparence que les autres. Je vis cette corne faire la guerre aux saints, et l'emporter sur eux, jusqu'au moment où l'ancien des jours vint donner droit aux saints du Très Haut, et le temps arriva où les saints furent en possession du royaume. Il me parla ainsi : « Le quatrième animal, c'est un quatrième royaume qui existera sur la terre, différent de tous les royaumes, et qui dévorera toute la terre, la foulera et la brisera. Les dix cornes, ce sont dix rois qui s'élèveront de ce royaume. Un autre s'élèvera après eux, il sera différent des premiers, et il abaissera trois rois. Il prononcera des paroles contre le Très Haut, il opprimera les saints du Très Haut, et il espérera changer les temps et la loi. Et les saints seront livrés entre ses mains pendant un temps, des temps, et la moitié d'un temps. Puis viendra le jugement, et on lui ôtera sa domination, qui sera détruite et anéantie pour jamais. Le règne, la domination, et la grandeur de tous les royaumes qui sont sous les cieux, seront donnés au peuple des saints du Très Haut. Son règne est un règne éternel, et tous les dominateurs le serviront et lui obéiront. » (Daniel, chapitre 7)


Selon l’interprétation chrétienne la plus communément admise, les quatre bêtes de la vision de Daniel symbolisent les quatre empires qui, à partir de l’époque de Daniel, ont dominé l’ancien monde, en particulier la terre promise à la descendance d’Abraham, du Nil à l’Euphrate, qui englobe donc la terre sainte25, et qui ont persécuté le peuple de Dieu : l’empire babylonien, l’empire médo-perse, l’empire grec et enfin l’empire romain qui, en 63 avant J.C., assoit son autorité sur la terre sainte mais qui, selon le songe de Daniel, sera détruit, la domination revenant finalement au peuple de Dieu. Le Dictionnaire de la Bible de Vigouroux consacre un très long article au livre de Daniel où il désigne les quatre empires symbolisés par les quatre bêtes : « Le premier, symbolisé par le lion ailé, est l’empire assyro-babylonien. Ce symbole, familier à ce peuple, signifie combien grande fut sa puissance, et rapides ses conquêtes […] Le deuxième, figuré par l’ours, est l’empire médo-perse, dans lequel les Perses prévalent sur les Mèdes, et où l’ambition des conquêtes et la cruauté des


25 La Palestine, si importante aux yeux du prophète juif Daniel et centrale dans l’histoire du Salut.


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supplices rappellent la nature gloutonne et féroce de l’ours. Il dévora, en effet, trois proies choisies, la Babylonie, la Lydie et l’Egypte, sans parler d’autres […] Le troisième, représenté par le léopard aux quatre ailes et aux quatre têtes, est l’empire gréco-macédonien. Il se forme très rapidement, en douze ans. Son auteur, Alexandre, ce héros aux dons extraordinaires, variés comme la robe d’une panthère, vole de victoire en victoire. Il meurt, et son empire, très peu après (312), est partagé en quatre grands royaumes, - les quatre têtes (7, 6) et les quatre cornes (8, 22), - savoir : l’Egypte, la Syrie, la Thrace et la Macédoine. Le quatrième enfin, signifié par la bête terrible, est l’empire romain. Il est impossible, en effet, d’y reconnaître aucun des empires précédents. Aucun, du reste, ne l’a égalé en étendue et en intensité de puissance et en gloire. »26


Les commentateurs musulmans voient dans cette vision l’annonce de l’instauration du royaume de Dieu, l’empire musulman, fondé sur la religion de Dieu, au détriment de l’empire romain d’Orient dont la chute est symbolisée par l'entrée des musulmans à Jérusalem en 638. Nul doute que la vision de Daniel correspond très précisément aux données historiques avec une succession de quatre empires païens qui domineront l’ancien monde, en particulier la terre sainte, et persécuteront le peuple juif puis les premiers chrétiens, avant l’avènement de l’empire musulman qui proclamera l’adoration d’un Dieu unique et réhabilitera les vrais croyants. Et si, à partir du quatrième siècle, l’empire romain devient chrétien sous le règne de Constantin (305-337), il n’en demeure pas moins profondément païen comme nous le verrons par la suite.


C’est d’ailleurs ce même Constantin que certains musulmans associent à la « petite corne » qui, dans le songe de Daniel, sort de la quatrième bête (l’empire romain) à la suite de dix cornes symbolisant dix rois :


26 Dictionnaire Vigouroux de la Bible, tome deuxième, deuxième partie, Paris, 1912, p. 1274.


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Et il avait dix cornes. Je considérai les cornes, et voici, une autre petite corne sortit du milieu d’elles, et trois des premières cornes furent arrachées devant cette corne.


Vision que l’ange interprète ainsi :


Les dix cornes, ce sont dix rois qui s’élèveront de ce royaume. Un autre s’élèvera après eux, il sera différent des premiers, et il abaissera trois rois.


Les paroles « il abaissera trois rois » s’appliquent parfaitement à Constantin qui s’est emparé du pouvoir au détriment de trois rivaux : Maxence, Maximin Daia et Licinius. A la mort de l’empereur Galère, en 311, l’empire romain est en effet dirigé par quatre tétrarques : Maximin Daïa et Licinius en Orient, Constantin et Maxence en Occident. La tétrarchie, système de gouvernement collégial de l’Empire romain entre quatre princes, a été mis en place en 293 par Dioclétien. Peu de temps après, Constantin décide de se débarrasser de son rival le plus gênant, Maxence. Les deux hommes s’affrontent en octobre 312 à la bataille du pont Milvius, surplombant le Tibre, sur la route de Rome. Suite à sa victoire contre Maxence, en octobre 312, Constantin est accueilli en libérateur à Rome. En 313, à Milan, Licinius épouse Constantia, la soeur de Constantin. Profitant de l’absence de Licinius, Maximin Daïa attaque ses provinces. Pénétrant en Grèce, il s’empara de Byzance et d’Héraclée, et progresse jusqu’à Andrinople. Licinius quitte précipitamment l’Italie et affronte les troupes de son adversaire. Maximin Daïa, vaincu, doit se retirer devant les troupes de son rival. Il meurt peu de temps après, en mai 313. Constantin et Licinius se retrouvent ainsi maîtres de l’Empire romain. Cependant, un premier conflit opposa les deux hommes, entre 315 et 316. Licinius, vaincu, par son adversaire, doit lui céder une grande partie de ses possessions occidentales (Grèce, Macédoine, provinces du Danube). Cette situation reste stable jusqu’en 324, date à laquelle Constantin décide d’attaquer une nouvelle fois Licinius. En juillet, il prend le dessus sur son rival à Andrinople, puis s’empare de Byzance. En septembre 324, Licinius est une nouvelle fois vaincu, cette fois en Chalcédoine. Quelques mois


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plus tard, Licinius est exécuté. En 324, Constantin se retrouve seul maître de l’Empire romain. Quant aux « dix cornes » symbolisant dix rois, elles semblent désigner les dix empereurs romains qui, avant Constantin, ont persécuté les premiers chrétiens. En effet, l’histoire de l’Eglise mentionne dix vagues de persécutions durant l'Empire romain : la première, sous le règne Néron (54-68), à laquelle la tradition rattache les martyres de Pierre et de Paul de Tarse, la seconde sous Domitien (81–96), la troisième sous Trajan (98–117), la quatrième sous Marc Aurèle (161–180), la cinquième sous Septime Sévère (193–211), la sixième sous Maximin (235–238), la septième sous Dèce (249–251), la huitième sous Valérien (253–260), la neuvième sous Aurélien (270–275) et enfin la dixième sous l’empereur Dioclétien (284–305)27, la dernière des persécutions.


Revenons à la « petite corne » de la vision de Daniel qui semble jouer un rôle central. Elle représente un empereur qui vaincra les vrais croyants et tentera de modifier la loi et les temps avant l’instauration définitive du royaume de Dieu. L’ange dit : « Il prononcera des paroles contre le Très Haut, il opprimera les saints du Très Haut, et il espérera changer les temps et la loi. Et les saints seront livrés entre ses mains. » Or, l’on sait comment Constantin a modifié les enseignements de Jésus à travers notamment le concile de Nicée (325) où, alors qu’il vient de réunifier l'Empire romain (324) mais qu’il n’a pas encore été baptisé, il impose aux évêques présents une loi (doxa, c’est-à-dire un dogme) commune aux chrétien, « le symbole de Nicée ». Cette confession de foi chrétienne, encore en vigueur aujourd’hui, fait de Jésus le Fils de Dieu et la troisième personne de la Trinité28. Constantin qui 27 Dioclétien, rappelons-le, est l’empereur qui a mis en place la tétrarchie, système de gouvernement collégial de l’Empire romain, qui ouvrira la voie à Constantin pour se rendre maître de l’Empire romain. 28 Le Concile confesse que Jésus est le Fils de Dieu, sa divinité étant « égale » et « consubstantielle » à celle du Père, et condamne par là-même l'arianisme qui affirme que si Dieu est divin, son Messager, Jésus, est d'abord humain et apporte la parole de Dieu sur terre, ne disposant pas d'une part de divinité.


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préside la réunion du concile de Nicée, intervient pour définir ce que doit être l'orthodoxie et impose celle-ci de force, en particulier en exilant les évêques récalcitrants. Nul doute que la Trinité est une parole « contre le Très Haut » et s’oppose au premier des dix commandements, le Chema Israël : « Ecoute, Israël ! L’Eternel, notre Dieu, est le seul Eternel. » Constantin, qui désire assurer l’unité et la stabilité de l’Empire romain dont il est devenu le maître incontesté, persécute les chrétiens unitaristes, en particulier les partisans de l’arianisme, qui rejetaient le dogme de la trinité.


Saint Jérôme interprète les paroles : « Il espérera changer les temps et la loi », ainsi : « Il s’efforcera de changer les lois de Dieu et les cérémonies », c’est-à-dire, le calendrier des fêtes religieuses29. Et, de fait, Constantin fait du jour du soleil païen (dies solis), le dimanche, un jour de repos légal, modifiant ainsi l'institution du sabbat et impose la célébration de la Pâques chrétienne à une date différente de la Pâques juive. En outre, c’est sous son règne que la fête de Noël, qui célèbre la naissance du Christ, est instituée et sa date fixée au 25 décembre30.


Quant aux paroles : « Et les saints seront livrés entre ses mains pendant un temps, des temps, et la moitié d'un temps », elles signifient selon certains que son règne durera trois ans et demi ou, selon d’autres, qu'il sera de trois décennies et demie. Or, Constantin régna entre 305 et 337, soit environ 35 années lunaires, celles utilisées par le juif Daniel.


En résumé, Constantin, tout en favorisant l’Eglise, maintient celle-ci dans une situation de sujétion : il siège parmi les évêques, comme s’il était l’un d’entre eux, se pose en gardien du dogme et de la discipline et intervient dans toutes les affaires de l’Église,


29 OEuvres complètes de Saint Jérôme, traduites en français et annotées par l’abbé Bareille, tome septième, p. 437, Paris, 1879. Les traducteurs de la TOB rendent ce passage ainsi : « Il se proposera de changer le calendrier et la Loi. »


30 Dès le premier siècle avant J-C, on célébrait à Rome le culte de Mithra, d’origine persane, importé à Rome par les légionnaires romains. Mithra était la divinité perse de la lumière. On faisait une fête le 25 décembre, pour le solstice d’hiver, la naissance de Mithra le soleil invaincu (Dies natalis solis invicti).


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légiférant et jugeant pour elle. On a même donné un nom à ce système instauré par Constantin : le césaropapisme qui correspond parfaitement à la description que fait Saint Jérôme de l’attitude de ce roi injuste, la « petite corne » de la vision de Daniel : « Il se croira au-dessus de Dieu et de la religion, qu’il soumettra toute à sa puissance. »31 Précisons qu’une partie des protestants assimile cette « petite corne » à la Rome papale, à l’Eglise catholique, ce qui rejoint l’interprétation musulmane, Constantin étant en quelque sorte le fondateur de cette église.


Le royaume de la vision de Daniel est à la fois profane et religieux, il désigne un empire qui applique la loi de Dieu et qui succède à des empires terrestres fondés sur le paganisme. L’empire musulman fut d’ailleurs le seul de l’Histoire fondé sur une religion, comme l’écrit le sociologue français Gustave Le Bon : « L’idéal créé par Mahomet fut exclusivement religieux, et l’empire fondé par les Arabes présente ce phénomène particulier, d’avoir été le seul grand empire uniquement établi au nom d’une religion, et faisant dériver de cette religion même toutes ses institutions politiques et sociales. »32


Qedar


L’Ancien Testament, livre foncièrement juif, décrit l’histoire de l’alliance des fils d’Israël, descendants d’Isaac, avec l’Eternel. Rien d’étonnant donc à ce que les descendants d’Ismaël soient généralement absents de ces récits. Malgré cela, parmi les fils d’Ismaël, un nom retient l’attention dans les oracles des prophètes juifs, ceux d’Esaïe en particulier33 : Qedar, que les historiens arabes


31 Ibidem. 32 La civilisation des Arabes, Gustave Le Bon, éditions La Fontaine au Roy, 1990.


33 Esaïe tient une place toute particulière dans la longue liste des prophètes juifs. Il est le premier des « Grands » prophètes de l’Ancien Testament et ses prophéties sur l’avènement du Messie sont reprises plus que toute autre dans le Nouveau Testament où elles sont appliquées à Jésus.


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considèrent comme l’ancêtre du prophète Mouhammad34. On peut ainsi lire dans cette prophétie d’Esaïe :


Porte tes yeux alentour et regarde. Tous ils s’assemblent, ils viennent vers toi. Tes fils arrivent de loin, et tes filles sont portées sur les bras. Tu tressailliras alors et tu te réjouiras. Et ton coeur bondira et se dilatera. Quand les richesses de la mer se tourneront vers toi, quand les trésors des nations viendront à toi. Tu seras couverte d’une foule de chameaux, de dromadaires de Madian et d’Epha35. Ils viendront tous de Saba, ils porteront de l’or et de l’encens, et publieront les louanges de l’Eternel. Les troupeaux de Qedar se réuniront tous chez toi. Les béliers de Nebajoth36 seront à ton service. Ils monteront sur mon autel et me seront agréables, et je glorifierai la maison de ma gloire. (Esaïe 60, 4-7)


Dans son Dictionnaire de la Bible, André-Marie Gérard voit dans cet oracle « les pèlerins d’Arabie du Nord (Madian) et du Sud (Saba) en route vers la Jérusalem messianique »37. Mais quelle peut bien être cette Jérusalem du futur vers laquelle se dirigent les pèlerins arabes ? Nous y reviendrons au chapitre suivant.


Qedar occupe donc une place toute particulière parmi les fils d’Ismaël qui donneront naissance aux tribus arabes38. Il est ainsi mentionné avant son frère aîné, Nebajoth, par Esaïe dans le passage précédent. Il semble même symboliser à lui seul tous les Arabes dans ces paroles d’Ezéchiel :


34 At-Tabari, le plus fameux historien musulman, mentionne en effet Qedar comme l’ancêtre du prophète Mouhammad parmi les fils d’Ismaël (Chronique de Tabari, traduction Hermann Zotemberg, p. 430, Editions de la Ruche, 2003).


35 Fils de Madian (Genèse 25, 4).


36 Nebajoth est, selon la Bible, le premier-né d’Ismaël, tandis que Qedar est son second fils : « Voici les noms des fils d’Ismaël, par leurs noms, selon leurs générations : Nebajoth, premier-né d’Ismaël, Qedar, Adbeel, Mibsam, Mischma, Duma, Massa, Hadad, Tema, Jethur, Naphisch et Qedma. » (Genèse 25, 13-15)


37 Dictionnaire de la Bible, André-Marie Gérard, p. 831, éditions Robert Laffont, 1989.


38 Après avoir cité les douze fils d’Ismaël, André-Marie Gérard écrit dans son Dictionnaire de la Bible (p. 556) : « Ce sont là les noms de tribus nomades ou semi-nomades du nord de l’Arabie. »


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L’Arabie et tous les princes de Qedar trafiquaient avec toi, et faisaient le commerce en agneaux, en béliers et en boucs. (Ezéchiel 27, 21)


Jean-Augustin Bôst confirme, dans son dictionnaire de la bible (1849), que « la langue de Qedar, chez les rabbins, désigne l’arabe. » Or, Saint Jérôme place les fils de Qedar « dans le désert des Sarrasins », qu’Eusèbe et lui-même situent « à l’orient de la mer Rouge »39, c’est-à-dire précisément au nord-ouest de l’Arabie, dans le Hedjaz actuel où se trouvent notamment les villes de Médine et de la Mecque.


39 Voir Dictionnaire de la Bible Vigouroux, tome 2, première partie, p. 358, Paris, 1912.


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Conclusion


Nous avons montré dans ce chapitre que deux nations ont été particulièrement bénies par le Seigneur :


- celle née d’Isaac, par Jacob, son second fils : le peuple juif d’où sont issus la majorité des prophètes.


- celle née d’Ismaël, par Qedar, son second fils : le peuple arabe d’où sortira le prophète Mouhammad.


Isaac et Ismaël sont eux-mêmes les fils d’Abraham, lui-même béni par l’Eternel, et descendent de Sem, le seul des trois fils de Noé à être béni par ce dernier.


Nous avons indiqué comment la mission prophétique, conformément à ce qui fut annoncé par le dernier prophète juif, Jésus, fut retirée aux fils d’Israël - coupables d’avoir rompu l’alliance en vouant un culte aux faux dieux et en tuant les prophètes - pour être confiée à un autre peuple : les descendants d’Ismaël, à travers le prophète Mouhammad.


Le schéma qui suit récapitule les noms de ces hommes et de ces nations sur lesquels s’est porté le choix divin :


Noé


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Sem


|


Abraham


| |


Ismaël Isaac


| |


Qedar Jacob


| |


| Moïse


| |


| Jésus


| |


| Rupture de l’alliance


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Mouhammad


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Chapitre 2


La terre de la Révélation


Oracle sur l’Arabie


Oracle sur l’Arabie. Vous passerez la nuit dans les broussailles de l’Arabie, caravanes de Dedan ! Portez de l’eau à ceux qui ont soif. Les habitants du pays de Tema portent du pain aux fugitifs. Car ils fuient devant les épées, devant l’épée nue, devant l’arc tendu, devant un combat acharné. Car ainsi m’a parlé le Seigneur : Encore une année, comme les années d’un mercenaire, et c’en est fait de toute la gloire de Qedar. Il ne restera qu’un petit nombre des vaillants archers, fils de Qedar, car l’Eternel, le Dieu d’Israël, l’a déclaré (Esaïe 21, 13-17)


Cet oracle d’Esaïe décrit, selon les commentateurs musulmans, deux événements marquants de la vie du prophète de l’islam. Le premier est si important qu’il marque le début du calendrier musulman : l’hégire, l’exil forcé du Prophète et de ses compagnons de leur patrie, la Mecque, occupée par Qouraych, sa propre tribu qui descend de Qedar40, vers la ville qui lui donnera refuge, Médine, le « pays de Tema ». Tema est à la fois le nom d’une localité au nord de Médine et celui de l’un des douze fils d’Ismaël41. Quant à Dedan, c’est le nom d’une tribu dont l’ancêtre est Dedan, petit-fils d’Abraham, et le nom d’une ville dont les vestiges se trouvent également dans la région de Médine, à Al-‘Ulâ42. Fait


40 Voir The Historical Geography of Arabia (Londres, vol. 1, p. 238-266) de Charles Forster qui démontre, en citant notamment Ptolémée et Pline, que les fils de Qedar ont vécu dans le Hedjaz avec pour capitale la Mecque, la Macoraba de Ptolémée.


41 Voir Genèse 25, 13-15.


42 L’identification de l’antique Dedan avec la moderne Al-‘Ulâ a été établie dès 1890 par Eduard Glaser.


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remarquable, ces deux villes furent longtemps habitées par des tribus juives.


Le second événement qui, selon les commentateurs, est prophétisé ici par Esaïe, à travers ses paroles : « Encore une année, comme les années d’un mercenaire, et c’en est fait de toute la gloire de Qedar », est la première grande bataille de l’islam, celle de Badr qui opposera, une année après l’hégire, les païens de la tribu mecquoise de Qouraych, descendants de Qedar, aux musulmans nouvellement installés à Médine et qui se soldera par la victoire musulmane. Cette bataille revêtait une telle importance que le Prophète Mouhammad avait imploré Dieu de secourir ses compagnons, disant notamment : « Si tu décides d’accorder la victoire à leurs ennemis, tu ne seras plus jamais adoré sur terre après ce jour. »


Quel que soit le sens qu’il faut donner à cette prophétie, elle démontre que l’Arabie occupe une place particulière dans les oracles des prophètes bibliques, comme nous le verrons encore par la suite. Rien d’étonnant d’ailleurs lorsque l’on sait que le berceau de la nation juive se trouve en Arabie, comme l’écrit sans détour Alexandre Westphal dans son Dictionnaire encyclopédique de la Bible, à l’article « Arabie » : « Le peuple hébreu sortit probablement de l’Arabie à un moment semblable, tout comme l’Islam, des siècles plus tard, émergea du désert. Ils émigrèrent vers le nord et firent partie des peuples sémitiques septentrionaux, distincts des Sabéens ou branche méridionale des Sémites. La nation hébraïque eut donc une origine “arabe”. »


Le Mont Sinaï


Débutons ce paragraphe par une déclaration qui en surprendra plus d’un : le mont Sinaï ne serait pas en Egypte, comme le veut la thèse officielle depuis plusieurs siècles, mais en…Arabie43. Cette


43 C’est, dit-on, au 4ème siècle de l’ère chrétienne, soit bien après l’Exode que l’on situe entre 1250 et 1230 avant J.C., que l’emplacement du mont Sinaï aurait été fixé, sans aucun élément tangible, après une vision de l’empereur…Constantin,


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opinion a aujourd’hui l’approbation d’une grande partie de la communauté académique, y compris de spécialistes réputés comme Hershel Shanks, éditeur de la fameuse Biblical Archaeology Review44, ou Frank Moore Cross (1921-2012), professeur d’hébreu et de langues orientales à l’Université d’Harvard, connu pour ses travaux sur les manuscrits de la mer Morte45.


Ceux qui s’étonnent d’une telle affirmation seront plus étonnés encore d’apprendre que Paul, l’homme le plus influent du christianisme46, situe lui-même le mont Sinaï en Arabie, et ce, en Galates 4, 25 où il écrit sans ambiguïté : « Car Agar, c’est le mont Sinaï en Arabie. » Les chrétiens se gardent bien de citer ce texte qui détruit la thèse officielle et place l’Arabie au centre de la Révélation divine puisque c’est là que Moïse aurait reçu les Tables de la loi et que, selon les musulmans, le Coran a été révélé à Mouhammad.


Même son de cloche chez le plus fameux historien juif, Flavius Joseph qui, dans Antiquités judaïques situe le mont Sinaï dans la région de Madian où Moïse a trouvé refuge après avoir fui l’Egypte. Or, le dictionnaire de la Bible Vigouroux, en se fondant notamment sur des écrits d’Eusèbe et de Jérôme qui parlent d’une « cité de Madian, au sud de la province romaine d’Arabie, à l’orient de la mer Rouge, vers le désert des Sarrasins », situe Madian au nord-ouest de l’Arabie47. Jean-Augustin Bôst écrit dans son Dictionnaire de la Bible : « Les géographes arabes du moyen-âge (Edrîsi el Abulféda) parlent des ruines d’une ville nommée Madian


qui a donc ainsi non seulement modifié la loi et les temps, mais aussi les lieux. Constantin méritait bien d'être le principal personnage de la vision de Daniel.


44 Hershel Shanks qui, dans un article publié par Newsweek le 23 février 1998 affirme que Jabal al-Lawz, une montagne du nord-ouest de l’Arabie saoudite, est le site le plus probable du mont Sinaï.


45 Voir le livre en anglais : Frank Moore Cross-Conversations With a Bible Scholar.


46 Plus influent encore que Jésus, comme nous le verrons dans la troisième partie de cette étude.


47 Dictionnaire de la Bible Vigouroux, tome 4, première partie, p. 533-534, Paris 1912.


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qui était située sur les côtes orientales du golfe élanitique ; Jospèhe connaît de même une ville Madiène au bord de la mer Rouge, ce qui placerait le pays de Madian entre la partie du golfe d’Arabie, l’Arabie Heureuse, et les plaines de Moab. » John Philby48, Alois Musil49 et James Montgomery50, parmi les plus grands spécialistes de l’Histoire de l’Arabie, placent également Madian à l’est de la mer Rouge et non à l’ouest de la mer Rouge correspondant au Sinaï actuel. Madian est l’un des six fils que Qétoura, sa troisième femme, a donné à Abraham. Les Madianites se sont donc installés dans cette région qui porte le nom de leur ancêtre, entre leurs frères israélites, en pays de Canaan, au nord, et leurs frères ismaélites, plus au sud, au centre du Hedjaz. Flavius Joseph précise même que le mont Sinaï est « la plus haute montagne de cette région ».


Deux passages du chapitre 3 de l’Exode accrédite l’avis de Flavius Joseph selon lequel le mont Sinaï se situe en Madian. Dans le premier, l’on apprend que Moïse se trouvait à Madian lorsqu’il se rendit pour la première fois au mont Sinaï :


Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian. Et il mena le troupeau derrière le désert, et vint à la montagne de Dieu, à Horeb51. » (Exode 3, 1)


Quelques versets plus loin, l’Eternel, après avoir ordonné à Moïse de retourner en Egypte afin de délivrer son peuple sous le joug de Pharaon, ajoute :


Je serai avec toi. Et ceci sera pour toi le signe que c’est moi qui t’envoie : quand tu auras fait sortir d’Egypte le peuple, vous servirez Dieu sur cette montagne. (Exode 3, 12)


Or, c’est immédiatement après la sortie d’Egypte que Moïse reçoit les Tables de la loi sur le Sinaï.


48 The Land of Midian, Londres, 1957.


49 The Northern Hegaz, New York, 1926.


50 Arabia and the Bible, Philadelphia, 1969.


51 Autre nom biblique du mont Sinaï (Voir Dictionnaire de la Bible d’André-Marie Gérard, p. 530).


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Alexandre Westphal résume parfaitement ce point de vue à l’article consacré à « Madian » de son Dictionnaire encyclopédique de la Bible où il écrit : « D’après les données assez vagues de l’Ancien Testament (Genèse 25.6 ; Juges 6.3 ; 1Rois 11.18 ; Esaïe 60.6) et celles de Joseph (Antiquités judaïques, II, 11.2), d’Eusèbe (Onomast.) et de Ptolémée (VI, 7.2), on place le pays de Madian sur la côte orientale du golfe Aelanitique (Akaba), au nord-ouest de l’Arabie […] On devra donc localiser Horeb (Sinaï) dans l’Arabie du nord (Exode 3.1, cf. Galates 4.25). »


A l’article Sinaï, Alexandre Westphal écrit donc, au sujet du mont Sinaï : « Beke (Discoveries of Sinai in Arabia and of Midian, Londres, 1878), suivi par Sayce (Higher Criticism and the Monuments, pages 263ss) et par d’autres critiques, le place en Madian. »


Côté musulman, enfin, Ibn Taymiyyah appelé à juste titre « le cheikh de l’islam » par les orientalistes eux-mêmes, compte tenu de son érudition, écrit dans son fameux Al-jawab as-sahih li man baddala dina al masih52 que « le désert situé entre le Hedjaz53 et le mont Sinaï est appelé le désert de Paran54 », ce qui place nécessairement le mont Sinaï en Arabie.


Le désert de Paran


L’Éternel est venu du Sinaï, Il s’est levé de Séïr, et Il a resplendi de la montagne de Paran (Deutéronome 33, 2)


Les commentateurs modernes de la Bible placent généralement le désert de Paran au nord de la péninsule du Sinaï55, soit à l’ouest de


52 Que l’on pourrait traduire ainsi : Réponse cinglante à celui qui a transformé la religion du Christ.


53 Région du nord-ouest de l’Arabie qui englobe notamment les villes de Médine et de la Mecque.


54 Désert de Paran qui, comme nous le montrerons au chapitre suivant, est le désert du nord de l’Arabie.


55 « Le désert de Parân occupe, au nord de la péninsule sinaïtique, la région au sud et au sud-est de Qadech. » (Dictionnaire de la Bible d’André-Marie Gérard, p. 1046)


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la mer Rouge, mais cette localisation nous semble erronée - ou pour le moins incomplète56 - pour plusieurs raisons.


Premièrement : la Bible nous apprend qu’Ismaël, après avoir été chassé avec sa mère Agar, « habita dans le désert de Paran »57 et, précise André-Marie Gérard dans son Dictionnaire de la Bible, le désert est resté hanté par les tribus ismaélites notamment à l’époque où, selon le document sacerdotal, les Hébreux le traversent après avoir quitté le Sinaï. »58 Or, la Bible affirme par ailleurs que les fils d’Ismaël « habitèrent depuis Havila jusqu’à Chour, qui est en face de l’Egypte, en allant vers l’Assyrie (l’Irak) »59. Or, Havila se trouve au sud de l’Arabie. En effet, Emil G. Hirsch et A. H. Sayce, dans un article de la Jewish Encyclopedia (1906), affirment que Havila a été identifié par Bochart et Niebuhr à Khawlan, dans la région de Tihamah, entre la Mecque et Sana (Yémen). Selon Jean-Augustin Bôst (Dictionnaire Biblique), « Bohlen voit dans ce pays l’Arabie méridionale ». Par ailleurs, Havila est le nom de l’un des fils de Youqtân60. Or, on trouve parmi les noms des autres fils de Youqtân, des noms bien connus de régions du Yémen comme Hadramawt et Saba (Seba). S’agissant de Chour, le passage de Genèse 25, 18 qui vient d’être mentionné, mais aussi Exode 15, 22, le placent au nord de la péninsule arabique. Les fils d’Ismaël ont donc vécu entre le nord et le sud de l’Arabie, c’est-à-dire, au centre de la péninsule arabique, dans la région du Hedjaz, à l’est de la mer Rouge, où se trouve nécessairement tout ou partie du désert de Paran.


Deuxièmement : un autre passage de la Bible établit un lien étroit entre Paran et l’Arabie. On peut ainsi lire en Habacuc :


56 Le désert de Paran pourrait en effet englober à la fois une partie de la péninsule du Sinaï, le pays de Madian et le littoral occidental de la péninsule arabique. Vu de Canaan, c’est le même désert qui débute à Madian et s’étend à l’ouest vers le Sinaï et au sud vers l’Arabie.


57 Genèse 21, 21.


58 Dictionnaire de la Bible (p. 1046).


59 Genèse 25, 18.


60 Genèse 10, 26-29.


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Dieu vient de Teman, le Saint vient de la montagne de Paran. (Habaquq 3, 3)


Or, le terme Teman signifie « le midi » en hébreu, à tel point que la Vulgate rend plusieurs fois Teman par « midi », ce qui place cette région en Arabie, au sud de la Palestine, que nous la situions au nord de l’Arabie, comme certains le pensent61 ou au sud, au Yémen actuel, comme d’autres l’affirment. C’est ainsi, en effet, que les juifs désignent le Yémen à l’époque de Maïmonide, auteur, au 12ème siècle, d’une fameuse épître qu’il adressa aux juifs yéménites et connue sous le nom de « Iggeret Teiman » (l’épître du Yémen).


Par ailleurs, les prophètes associent la région de Teman à la sagesse (Jérémie 49, 7 ; Abdias 8-9 ; Job 2, 11) ce qui correspond parfaitement au Yémen, de tout temps réputé chez les Arabes pour la sagesse de ses habitants. Le prophète Mouhammad a dit à ce sujet : « La sagesse est yéménite. »62


Troisièmement : Origène, Père de l’Eglise, écrit ce qui suit : « Abraham prit une autre femme qui s’appelait Qetura qui lui enfanta Zimran. Des enfants de Qetura naquirent beaucoup de nations, qui vécurent dans le désert de Troglodyte et l’Arabie heureuse, et au-delà, jusqu’aux terres de Madian et la ville de Madian, situés dans le désert au-delà de l’Arabie dans la région de Paran, à l’est de la mer rouge63. » Quatrièmement : dans sa traduction en latin d’Onomasticon d’Eusèbe, saint Jérôme fait ce commentaire au sujet d’Horeb : « Il s’agit de la montagne de Dieu dans la région de Madian, à côté du Sinaï64, au-delà de l’Arabie, dans le désert, à l’endroit où se


61 Eusèbe place Teman dans l’Arabie Pétrée (Voir Dictionnaire historique et critique de la Bible, Augustin Calmet, à « Théman »).


62 Recueil de Boukhari, hadith 4388.


63 Selecta in Genesim. Patrologiae, Series Graeca, Ed. J.P.Migne. Vol. 12, (Paris : Petit-Montrouge, 1857), 119-120.


64 Jérôme distingue ici le mont Horeb et le mont Sinaï tout en affirmant qu’ils sont proches l’un de l’autre. Pour d’autres, il s’agit d’un seul et même mont. Voilà en tout cas un autre témoignage qui place le mont Sinaï en Madian et donc en Arabie.


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rencontrent la montagne et le désert des Sarrasins, qui s’appelle Paran. »65


Cinquièmement : dans son Dictionnaire biblique, Jean-Augustin Bôst place Paran en Arabie, et même dans la région du Hedjaz. Décrivant l’Arabie Pétrée ou rocheuse, il écrit : « C’est maintenant la province d’Hedjaz : on y trouve au sud-ouest les villes fameuses de La Mecque et de Médine, lieux de pèlerinages chers aux mahométans. Cette contrée se divisait autrefois en pays d’Édom, désert de Paran, pays de Cusan, etc. »


Sixièmement : la Bible indique que les Hébreux traversèrent le désert de Paran après avoir quitté le Sinaï :


Et les enfants d’Israël partirent du désert de Sinaï, selon l’ordre fixé pour leur marche. La nuée s’arrêta dans le désert de Paran. (Nombre 10, 12)


Or, nous avons montré au chapitre précédent que le mont Sinaï se trouvait très probablement au nord de l’Arabie, à Madian. C’est d’ailleurs l’erreur de localisation du mont Sinaï qui a dû conduire les commentateurs chrétiens à situer Paran dans la péninsule égyptienne désignée aujourd’hui comme le Sinaï.


Or, l’emplacement du désert de Paran et de la montagne du même nom revêt une importance capitale. En effet, les commentateurs musulmans interprètent ce passage de Deutéronome : « L’Éternel est venu du Sinaï, Il s’est levé de Séïr, et Il a resplendi de la montagne de Paran » comme l’énumération des trois lieux où s’est manifestée la Révélation divine qui est comparée ici à la lumière du soleil : le Sinaï où Moïse reçut les lois, Séïr en Palestine où vécut Jésus66, et la montagne de Paran, en Arabie, plus précisément dans le Hedjaz, que les musulmans considèrent comme les montagnes de la Mecque où le Prophète


65 Voilà un autre texte qui place clairement le Sinaï en Arabie.


66 On peut lire dans le Dictionnaire Biblique de Westphal, à l’article Séir : « La montagne de Séir, située sur la frontière nord du territoire de Juda (Josué 15.10), est probablement marquée par les ruines actuelles de Sâris, à environ 15 km à l’ouest de Jérusalem. »


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Mouhammad reçut ses premières révélations67. Ce passage de la Bible est, selon eux, à rapprocher de ces versets coraniques où Dieu jure par ces trois lieux saints :


Par le figuier et l’olivier !


Par le mont Sinaï !


Par cette cité sûre !


(Coran 95, 1-3)


Le « figuier et l’olivier » désigneraient donc la Palestine où Jésus a prêché l’Evangile. Rappelons qu’une colline bien connue porte à Jérusalem le nom de mont des Oliviers et que le figuier est un arbre très répandu dans cette région. Quant à la « cité sûre », il s’agit, selon l’avis unanime des exégètes musulmans, de la Mecque.


La nouvelle Jérusalem


Nous avons vu dans le chapitre consacré à Qedar qu’André-Marie Gérard voyait dans un oracle d’Esaïe68 « les pèlerins d’Arabie du Nord (Madian)69 et du Sud (Seba)70 en route vers la Jérusalem messianique »71. Or, le seul sanctuaire vers lequel se sont rendus en pèlerinage les Arabes, et ce, avant même l’islam, est celui de la Mecque, la Kaaba, construite par Abraham et son fils Ismaël. On peut en effet lire dans le Coran :


Au moment où ils établissaient les fondations du Temple, Abraham et Ismaël priaient : « Veuille, Seigneur, accepter cette oeuvre de notre part ! Tu es, en vérité, Celui qui entends tout et sais tout. Seigneur ! Fais de


67 Dans un poème où il vante les mérites du prophète de l’islam, Victor Hugo compare judicieusement la lumière du soleil aux révélations faites à Jésus et Mouhammad qu’il fait parler en ces termes : « J’ai complété d’Issa (Jésus) la lumière imparfaite. Je suis la force, enfants; Jésus fut la douceur. Le soleil a toujours l’aube pour précurseur. » (La Légende des siècles, Première série, III, L’Islam ; Collection Bouquins, Robert Laffont, OEuvres complètes de Victor Hugo, Poésie II, p 599)


68 Esaïe 60, 6.


69 Nouvelle confirmation que Madian se trouve au nord de l’Arabie.


70 Qui, comme nous l’avons démontré au chapitre précédent, est une région connue du Yémen, patrie de la fameuse reine de Saba.


71 Dictionnaire de la Bible (p. 831).


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nous des êtres entièrement soumis à Toi et de nos descendants une nation soumise à Ta volonté. Indique-nous les rites de notre culte et accorde-nous Ton pardon. Tu es, en vérité, le Très Miséricordieux, Celui qui acceptes toujours le repentir de Ses serviteurs. Seigneur ! Suscite l’un des leurs comme Envoyé qui leur récitera Tes versets, leur enseignera le Livre et la Sagesse et purifiera leurs âmes. Tu es, en vérité, le Tout-Puissant, l’infiniment Sage. » (Coran 2, 127-129)


Le prophète qu’Abraham implore ici son Seigneur de susciter aux Arabes n’est autre que son descendant, Mouhammad, le seul prophète arabe issu de la Mecque.


La suite de l’oracle d’Esaïe mentionne une autre partie des Arabes, Qedar, représentant les Arabes du Hedjaz, le centre et nord-ouest de l’Arabie, et Nebayot, premier fils d’Ismaël :


Les troupeaux de Qedar se réuniront tous chez toi. Les béliers de Nebajoth seront à ton service. » (Esaïe 60, 7)


André-Marie Gérard commente très justement ce passage en ces termes : « Esaïe cite ce Nebajoth avec son frère Qedar parmi les tribus arabes qui apporteront leurs troupeaux en offrande à la Jérusalem future »72.


Nous avons donc ici les tribus arabes du sud, du centre et du nord de l’Arabie, c’est-à-dire, de toute la péninsule arabique, qui se rendent en pèlerinage à la Jérusalem future, lui apportent leurs troupeaux en offrande et sont à son service. Cette Jérusalem future ne peut donc être que la Mecque vers laquelle les Arabes se rendent en pèlerinage, apportant avec eux les bêtes du sacrifice.


De même, à la Samaritaine qui dit à Jésus : « Nos pères ont adoré sur cette montagne73 et vous, vous affirmez qu’à Jérusalem se trouve le lieu où il faut adorer », celui-ci répondit :


Crois-moi femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. (Jean 4, 21)


72 Dictionnaire de la Bible (p. 984).


73 Allusion à Garizim, mont dominant l’actuelle Naplouse en Samarie, où les Samaritains disposaient encore d’un temple à l’époque de Jésus.


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Ce texte est à rapprocher de celui de Matthieu 21, 43 étudié précédemment où Jésus annonce que le royaume de Dieu leur sera « enlevé et sera donné à une nation qui en rendra les fruits ». L’alliance ayant été rompue par les descendants d’Isaac, Dieu a accordé le royaume de Dieu aux descendants d’Ismaël, confié la mission prophétique à l’un d’entre eux, le prophète de l’islam, et remplacé le temple de Jérusalem, définitivement détruit en l’an 70 après le rejet de Jésus par son peuple, par le sanctuaire de la Mecque.


La vallée des baumiers


La Mecque est nommément mentionnée dans ce psaume de David :


Heureux ceux qui habitent ta maison ! Ils peuvent te célébrer encore. Heureux ceux qui placent en toi leur appui ! Ils trouvent dans leur coeur des chemins tout tracés. Lorsqu’ils traversent la vallée de Baca, ils la transforment en un lieu plein de sources, et la pluie la couvre aussi de bénédictions. Leur force augmente pendant la marche, et ils se présentent devant Dieu à Sion. (Psaumes 84, 4-7)


En effet, au sujet de la Kaaba, la Maison de Dieu située à la Mecque, le Coran dit :


La première maison établie pour les hommes est celle de Baca, bénédiction74 et sûre direction pour les hommes. S’y trouvent des signes manifestes, au nombre desquels la station d’Abraham. Quiconque y pénètre se trouve en sécurité. Se rendre en pèlerinage à cette maison est un devoir envers Dieu pour quiconque en a les moyens. (Coran 3, 96-97)


Le terme Baca du psaume de David a laissé perplexes les traducteurs de la Bible qui, bien souvent, le maintiennent tel quel. Certains, pourtant, choisissent de rendre le terme par « Baumiers ». Voici, par exemple, la traduction de ce passage dans la Bible de Jérusalem : « Quand ils passent au val du Baumier, où l’on ménage une fontaine, surcroît de bénédiction, la pluie d’automne les enveloppe. » Il en va de même de la Traduction oecuménique de la


74 Le psaume parle également de la bénédiction de ce lieu.


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Bible (TOB) qui rend le passage ainsi : « en passant par le val des Baumiers ». Le dictionnaire Vigouroux nous explique ce choix : « Certains auteurs, en effet, disent que baka’ a le sens de « dégoutter » (comme des larmes) ; d’où le nom pluriel bekâ’im, employé pour désigner un arbuste d’où découle un suc résineux semblable au baume. Cet arbuste, appelé en arabe bakâ, aurait donné son nom à la vallée. »75 Le baca hébreu de la Bible, qui désigne un baumier, aurait donc une origine arabe. L’origine arabe du nom de cet arbuste s’explique en réalité par son origine géographique, l’Arabie et plus précisément…la Mecque. Ainsi, on apprend dans le commentaire de l’Ancien Testament de Keil et Delitzsch au niveau de Psaume 84, 7, que le baca est « un arbre ressemblant au baumier qui laisse s’écouler une résine et qui est appelé en arabe baka’un. Il est répandu dans la vallée aride de la Mecque ». Et en 2 Samuel 5, 24, où un terme identique est utilisé, on peut lire : « Baca, selon Abulfadl, est le nom donné en arabe à un arbuste qui pousse à la Mecque et qui ressemble au baumier, sauf qu’il a des feuilles plus longues et plus larges, et des fruits plus ronds, et duquel, si une feuille est cassée, coule une sève blanche. » Quelle est donc cette sorte de baumier qui pousse à la Mecque et qui a donné son nom à sa vallée ? Son nom scientifique est le Opobalsamum et son nom commun en France… : « le baumier de la Mecque ». Le dictionnaire Vigouroux le présente ainsi à l’article « Baumier » : « Le vrai balsamier ou baumier, qui fournit le baume de la Mecque, est le Balsamodendron Opobalsamum. »76 Dans sa thèse de doctorat sur le « baumier de la Mecque » soutenue à l’Université Paris Descartes en 2013, Anne-Sophie Malapert écrit : « En France, on le nomme de façon vernaculaire « baumier de la Mecque », nom que l’on retrouvait déjà dans le livre d’Achille Richard en 1823. » Et plus loin : « Dans son livre paru en 1802, Duplessy rapportait que “le baume de la Mecque est regardé comme la plus précieuse de toutes les substances qui portent ce


75 Dictionnaire de la Bible, tome 2, deuxième partie, p 1372.


76 Dictionnaire de la Bible Vigouroux, tome 1, deuxième partie, p. 1519.


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