Kätlin Hommik-Mrabte, ex-chrétienne, Estonie
Mon premier souvenir remonte à l’âge de trois ans. Je me souviens avoir
demandé à mon père ce que j’allais devenir si jamais je mourais. Il était très
étonné d’entendre une telle question de la part d’une enfant de trois ans et fut
incapable d’y répondre. Ici, en Estonie, durant l’ère soviétique, la foi était
considérée comme une chose tabou et nul n’avait le droit d’en parler ouvertement;
seuls les fous croyaient en Dieu, car comment pouvait-on croire à une chose que
l’on ne pouvait voir? Nos astronautes sont allés dans l’espace et n’ont pas vu Dieu
assis sur un nuage, dans Sa robe blanche et avec sa longue barbe blanche, alors Il
ne peut exister! En tant que produit de cette société, mon père fut donc incapable
de me donner une réponse acceptable. Il me dit : « Et bien, ma chère, tu dormiras
tout simplement sous la terre... »
Jamais par la suite je n’ai entendu quoi que ce soit d’aussi illogique et
terrifiant que la réponse de mon père, ce jour-là. C’est la raison pour laquelle je
me mis plus tard à la recherche de la vérité. J’ai toujours su, ou plutôt senti, que
Dieu existait, même si je ne pouvais Lui donner un nom. J’avais conscience de
Son existence, et je savais qu’Il me surveillait en tout temps. Si je décidais d’être
une bonne fille, je ne le faisais pas pour mes parents mais pour Lui, car je savais
qu’Il pouvait me voir peu importe où j’étais, contrairement à mes parents.
Lorsque j’entrai à l’école, mes questions devinrent si difficiles à répondre,
pour mon père, qu’il m’envoya voir sa mère. Elle était née lors de la première
république d’Estonie, elle était donc baptisée, comme toutes les personnes de sa
génération. C’est elle qui m’apprit le mot « Dieu » et qui m’enseigna le « Notre
Père » chrétien. Elle me dit également de ne jamais la réciter en public, sous peine
de mettre mes parents dans l’embarras; je me promis donc de chercher à en savoir
plus lorsque je serais grande.
Et c’est ce que je fis. À l’âge de 11 ans, l’Estonie devint enfin indépendante
de l’Union Soviétique. Mes parents m’inscrivirent donc à l’école du dimanche (un
cours pour enfants sur le christianisme, habituellement donné par l’épouse du
pasteur pendant que les parents sont à la messe), mais je fus rapidement expulsée
sous prétexte que je posais trop de questions et que je manquais de foi. Je ne
comprenais pas; je ne voyais rien de mal à chercher à savoir pourquoi Jésus était
considéré comme le fils de Dieu, puisque Dieu ne s’était pas marié avec Marie, et
pourquoi Adam n’était pas considéré comme le fils de Dieu alors qu’il avait été
créé par Lui, sans père ni mère. Mais ces questions étaient plus que ce que notre
enseignante pouvait supporter.
À l’âge de 15 ans, je fis mes propres recherches sur le christianisme. Je me
considérais comme chrétienne, mais à la condition de laisser tomber ceci et de
laisser tomber cela... Puis je réalisai que je ne pouvais me considérer chrétienne
tout en rejetant autant de principes chrétiens. Je devais donc chercher autre
chose...
Après avoir fait le tour de diverses religions, je découvris enfin
l’islam. Comme le christianisme m’avait beaucoup déçue, mon apprentissage de
l’islam fut lent, au début. Mais je ne l’ai jamais regretté.
Lorsque les gens me demandent pourquoi j’ai choisi de devenir musulmane, je
leur réponds souvent que je ne le suis pas devenue, que je l’avais toujours été,
mais sans le réaliser. J’ai mis trois ans à prendre cette décision; alors quand les
gens me demandent si je suis certaine de mon choix, je leur réponds « oui » sans
hésiter. C’est à l’âge de 21 ans que j’ai embrassé l’islam et j’en remercie Dieu. Je
suis musulmane et je l’ai toujours été.
J’ai embrassé l’islam immédiatement après la fin du Ramadan de
2001. Ramadan est un moment extraordinaire dédié au jeûne et à l’abstinence, un
moment où l’on amène notre esprit à dominer notre corps et où l’on a une pensée
spéciale pour les personnes défavorisées. C’est ce genre de privation que je
ressentais avant de devenir musulmane : j’étais privée de la nourriture dont l’être
humain a le plus besoin, c’est-à-dire celle de l’âme et du coeur.
Je ne peux m’expliquer pourquoi j’ai décidé d’embrasser l’islam après la fin
du Ramadan et non pas avant ou durant. J’ai jeûné tout le mois, puis je me suis
convertie. Peut-être que je ressentais le besoin de me purifier avant d’aller de
l’avant.
Être privé de nourriture et d’eau est une chose; être privé du savoir et de la
vérité est plus difficile. Lorsque nous jeûnons, en plus de penser au moment où
nous romprons le jeûne et pourrons manger et boire de toutes ces bonnes choses
préparées durant la journée, ayons aussi une pensée pour les gens qui sont non
seulement privés de nourriture et d’eau, mais aussi de la chance d’être musulmans
et de connaître la vérité. En tant que musulmans, nous sommes réellement bénis :
nous jeûnons un mois par année pour nous purifier, tandis que la majorité des gens
jeûnent toute leur vie car ils n’ont pas trouvé la vérité.