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Qui sont ces Assassins, en arabe Hachâchiyûn (ceux qui consomment du haschisch) ? Ces derniers constituent une secte ismaélienne fatimide nizârite d’Orient, elle s’est séparée du chiisme ismaélien qui était la doctrine de l’Etat fatimide ; en effet, cette secte rassemble ceux qui parmi les Ismaéliens souhaitaient que l’imamat aille à Nizâr ibn al-Mustansir Billâh et à sa descendance. Le fondateur de la secte est un certain al-Hasan ibn al-Sabbâh, lequel fit de la forteresse d’Alamout en Perse son quartier général, ce dernier devait lui servir à diffuser son message et à poser les bases de son Etat.


Cette secte se distingua par sa grande maîtrise de l’assassinat politique et religieux et par le fanatisme insensé qui animait ces opérations. D’ailleurs, le mot « assassin » a été emprunté, sous des formes différentes, par diverses langues européennes dans lesquelles il a pour sens le meurtre avec préméditation.





 





Al-Hasan ibn al-Sabbâh:





 





Al-Hasan ibn al-Sabbâh ou Hasan-i Sabbâh en perse est né en 1036, il a grandi en tant que chiite, puis il a adhéré à l’ismaélisme fatimide à l’âge de 17 ans. Et en 1078, il décida d’aller auprès de son imam al-Mustansir Billâh, puis il revint dans sa région afin de diffuser parmi les Perses l’enseignement appris, il prit la possession de plusieurs forteresses, dont la plus importante est celle d’Alamout qu’il fit sienne en 1090, cette dernière devint la capitale de son Etat. Quelques années après, en 1094, al-Mustansir Billâh vint à mourir, mais le vizir Badr al-Djamâlî fit procéder au meurtre du successeur légal d’al-Mustansir Billâh, son plus grand fils Nizâr, afin que l’imamat aille au plus jeune fils du défunt prénommé al-Musta’lî qui était en même temps le fils de la sœur du vizir. Et c’est ainsi qu’il y eut une scission au sein de l’ismaélisme qui produisit deux tendances : les Nizârites (c’est-à-dire les partisans de Nizâr) à l’est et les Mustaliens à l’ouest.


Ibn al-Sabbâh commença donc à appeler les gens à soutenir l’imamat de Nizâr, en prétendant, ce dernier étant mort, qu’il revenait à un petit-fils de Nizâr qui avait été amené secrètement à Alamout. La question de ce nouvel imam resta donc entourée de mystère.


Ibn al-Sabbâh rendit l’âme en 1124, mais sans laisser aucune descendance, car il avait fait tuer ses deux fils durant sa vie.





 





Les grandes figures de la secte :





 





 





Kia Buzurg-Ummîd : il remplaça Ibn al-Sabbâh à la mort de celui-ci et dirigea la secte de 1124 à 1138. Il avait d’abord été le chef de la forteresse d’al-Amâsâr pendant près de 20 ans ; durant son règne il combattit à plusieurs reprises ses voisins Seldjoukides, de même qu’il était plus libéral et politique que son prédécesseur.


 





Muhammad Buzurg-Ummîd (1138-1162) : il était très préoccupé par le fait d’appeler les gens à suivre l’imam, de même qu’il obligeait ses disciples à observer extérieurement les obligations de l’Islam ; par ailleurs, il fit tuer, chasser ou torturer beaucoup des adeptes de la secte, et notamment ceux qui croyaient en l’imamat de son fils.








Al-Hasan al-Thânî ibn Muhammad (1162-1166) : en 1164, celui-ci proclama la « Résurrection des Résurrections » (Qiyâmât al-Qiyâmât) devant une assemblée de croyants réunis à Alamout. Cette proclamation initiait les croyants au sens caché de la révélation afin de dévoiler la vérité, elle avait pour conséquence la levée de la Charia non pas en l’abolissant mais en la considérant comme une étape préliminaire avant de la parachever avec la signification intérieure (bâtin). Le cycle prophétique de Mohammed () désormais achevé, les imams avaient pour mission de dévoiler le sens caché, en expliquant la dimension intérieure du Coran, en allant au sens premier, c’est-à-dire à la source de la révélation. Puis al-Hasan franchit une étape encore plus dangereuse lorsqu’il prétendit qu’il n’était qu’en apparence le petit-fils de Kia Burzug-Ummîd et qu’il était en réalité l’imam du siècle et le fils de l’imam précédent descendant de Nizâr.


Muhammad al-Thânî ibn al-Hasan al-Thânî (1166-1210) : il développa la théorie de la « Résurrection » et la consolida, il fut aidé en cela par la décomposition de la domination des Seldjoukides et leur affaiblissement qui eurent lieu à son époque ainsi que par l’apparition des Turcomans et le début de l’expansion turque.








Djalâl al-dîn al-Hasan al-Thâlith ibn Muhammad al-Thânî (1210-1221) : il renia les croyances de ses pères concernant la « Résurrection », il les maudit et les considéra comme des mécréants, il brûla en outre leurs livres et déclara ouvertement son Islam. Par ailleurs, il tissa des liens avec le monde islamique, c’est ainsi qu’il envoya une missive au calife abbaside al-Nâsir lidîn Allah, au sultan seldjoukide Khwârazm-Shah ainsi qu’à d’autres souverains et princes musulmans dans laquelle il leur confirmait sa sincérité dans la volonté d’apprendre les fondamentaux de l’Islam authentique ; les diverses Etats islamiques furent heureux d’apprendre cette nouvelle et à partir de là les adeptes de ce Djalâl al-dîn étaient perçus comme des nouveaux convertis.








Muhammad al-Thâlith ibn al-Hasan al-Thâlith (1221-1225) : il succéda à son père alors qu’il n’avait que neuf ans, mais le ministre de son père continua à diriger Alamout. Il est important de noter que sous le règne de ce Muhammad al-Thâlith les gens renouèrent avec les péchés, l’égarement et les croyances erronées. Ce jeune garçon régna cinq ou six ans puis il fut atteint par la démence, et c’est alors que le vol, le brigandage et les agressions en tout genre se répandirent.


Rukn al-dîn Khurshah (1255-1258) : en 1256, le petit-fils de Gengis Khan, Houlagou Khan, mena une large expédition dont l’un des buts principaux était la prise des places fortes ismaéliennes ; ainsi, les Mongols firent flancher les Assassins et s’emparèrent d’Alamout ainsi que d’une quarantaine d’autres forteresses et citadelles, la plupart d’entre elles furent complètement rasées. Toutefois, Houlagou Khan prit soin de Rukn al-dîn, lui fit tous les honneurs et le maria même à une jeune fille mongole, mais, en 1258, le chef mongol en finit avec lui en le faisant assassiner traîtreusement. C’est ainsi que s’acheva politiquement l’Etat des Assassins en Perse.








Chams al-dîn Muhammad ibn Rukn al-dîn : les chroniques ismaéliennes disent que Rukn al-dîn cacha son fils Chams al-dîn Muhammad qui put échapper à la tyrannie de Houlagou en se déguisant, il partit donc pour le sud du Caucase, puis il s’installa dans le village d’Anjouda qui se trouve sur la route qui rejoint Ispahan à Hamdan. Il y resta jusqu’à sa mort qui survint durant la première moitié du quatorzième siècle, il fut succédé par une chaîne d’imams ismaéliens, l’un d’entre eux fut en l’occurrence à l’origine de la famille des Aghas Khan.


Ainsi, après le décès de Chams al-dîn la secte des Assassins se scinda en deux groupes distincts :


- Les adeptes du premier groupe considérèrent que l’imamat devait aller à Muhammad Shah, ils le reconnurent donc comme tel ainsi que ses descendants, et ce, jusqu’à ce que la chaîne soit rompue au milieu du seizième siècle ; le dernier représentant de cette lignée d’imams fut un certain Thâhir Shah al-Thâlith, celui-ci émigra vers l’Inde où il décéda au milieu du seizième siècle. Cette branche des Assassins s’éteignit donc, même s’il subsiste jusqu’à aujourd’hui des adeptes de celle-ci à Masyaf et à Qadmous en Syrie.


- Les adeptes du second groupe étaient convaincus que l’imamat revenait à Qâsim Shah, ces derniers représentent la partie la plus grande de la secte des Assassins, ils émigrèrent en amont du fleuve Jihoun en Asie centrale.





Nous verrons dans une seconde partie la partie de la secte qui prit racine dans le Cham.





Après avoir présenté dans une première partie les Assassins de Perse, voici ceux du Cham.





Les Assassins dans le Cham (Syro-Palestine) :





Le Cham connut divers grands chefs Assassins comme Bahrâm al-Istrâbâdî ou encore le prédicateur Ismâ’îl al-Fârisî, ces chefs profitèrent du fait que le gouverneur d’Alep, Ridwân ibn Tutuch, devint favorable à leur doctrine ; ceci facilita donc grandement la venue de nombreux Ismaélites perses à Alep, ce qui augmenta considérablement la force des Assassins dans le Cham.


Parmi les plus grandes figures de la secte dans le Cham on trouve le « Vieux de la montagne » Sinân ibn Salmân ibn Mahmûd plus connu sous le nom de Rachîd al-dîn, ce dernier grandit à Bosra, puis il fit l’apprentissage des sciences de sa doctrine au sein de la citadelle d’Alamout, il était un ami proche du chef de la secte d’alors al-Hasan ibn Muhammad, lequel, lorsqu’il accéda à la position suprême, lui ordonna de partir pour le Cham. C’est ainsi que Rachîd al-dîn s’installa dans le Cham où il rassembla autour de lui les Ismaélites de la région qui devinrent alors beaucoup plus puissants, et s’ils reconnurent son imamat, après sa mort, ils recommencèrent néanmoins à obéir aux imams d’Alamout. Ce Rachîd al-dîn était un être effrayant, et les Ismaélites disent de lui que c’était incontestablement leur personnage le plus important. Ses successeurs étaient faibles, ce qui facilita leur déchéance et le fait qu’al-Zâhir ibn Baybars eut raison d’eux.


Les Assassins étaient maîtres dans le Cham de diverses forteresses dont : Baniyas, Qadmous, Masyaf, al-Kahf, al-Khawâbî, al-Manîqa ou encore al-Qalî’a. Ils prirent en outre par la force d’autres places fortes, de même qu’ils étaient en lutte avec les Zankides et tentèrent à plusieurs reprises d’assassiner Salâh al-dîn al-Ayyûbî ou Saladin.





La collaboration des Assassins avec les Croisés :





Voici ce qui confirme leur collaboration avec les Croisés :


1- Aucun Croisé ne fut fait prisonnier ou tué par les Assassins


2- Les Assassins furent combattus par le maître seldjoukide de Mossoul qui se rendit à Damas afin d’aider ses frères musulmans à contre-attaquer à l’offensive des Latins.


3- Les Assassins remirent leur forteresse de Baniyas aux Croisés et son chef Ismâ’îl trouva refuge auprès de ces derniers et il mourut parmi eux.


4- La collaboration de troupes ismaélites et croisées à Antioche après que Nûr al-dîn Zankî se fut emparé d’Alep.





Croyances et idéologies des Assassins :





-Les Assassins partagent avec la majorité des Ismaélites à peu près les mêmes croyances et notamment la nécessité d’avoir un imam infaillible et annoncé par les textes, ce dernier doit en outre nécessairement être le plus grand fils de l’imam précédent.


-Tous ceux qui furent chefs des Assassins étaient considérés comme étant les propagandistes et représentants de l’imam caché, et ce, à l’exception d’al-Hasan al-Thânî et de son fils qui prétendirent être des imams de la lignée de Nizzâr.


-L’imam des Assassins du Cham, Rachîd al-dîn, alla au-delà des croyances des Ismaéliens lorsqu’il évoqua la réincarnation des âmes, de même qu’il prétendait connaître l’Inconnaissable.


-Al-Hasan al-Thânî ibn Muhammad proclama la « Résurrection des Résurrections », de même qu’il abolit la Charia et les obligations religieuses.


-Pour eux il y a le pèlerinage apparent, celui à La Mecque, et le « vrai » pèlerinage, celui qu’ils effectuent vers les deux imams du temps, l’apparent et le caché.


-A certaines étapes de leur évolution, les Assassins avaient pour devise : « La réalité n’existe pas et tout est permis ».


-La pratique de l’assassinat était chez eux quelque chose de très bien organisé ; c’est ainsi que dès l’enfance les adeptes étaient entraînés à obéir aveuglément et à croire sans douter à tout ce qu’on leur apprenait, puis lorsqu’ils devenaient plus robustes, on les entraînait au maniement des armes et surtout à celui du poignard, ils apprenaient en sus à se cacher et à pratiquer le secret, de même que s’ils étaient pris lors d’une mission, ils apprenaient les manières de se suicider avant de dévoiler à l’ennemi un seul de leurs secrets. C’est pour ces raisons qu’ils étaient extrêmement redoutés dans tout le monde islamique à l’époque.


-Ils se cachaient derrière les murs de diverses citadelles et autres places fortes, ils en avaient dans toute la région qui était sous leur domination ; par ailleurs, s’ils perdaient une place forte, ils ne perdaient jamais de vue la possibilité de la reprendre.


-L’historien Kamâl al-dîn ibn al-‘Adîm dit à leur propos en 1176 la chose suivante : « Les habitants de la montagne d’al-Samâq se noyèrent dans les péchés et la perversion, ils se nommaient néanmoins les « purs », les hommes et les femmes se mélangeaient lors de fêtes alcoolisées durant lesquelles un homme pouvait avoir des relations charnelles avec sa sœur ou sa fille, les femmes portaient des vêtements masculins ou bien encore l’un d’entre eux affirma que Sinân était son dieu ».





Les origines de la croyance et de l’idéologie de la secte :





-Les origines idéologiques et religieuses des Assassins sont d’abord chiites puis ismaélites.


-L’assassinat était pour les adeptes de la secte un moyen politique et religieux dont le but était d’implanter leurs croyances et de remplir d’effroi les cœurs de leurs ennemis.


-Le concept de la réincarnation des âmes que prônait Rachîd al-dîn avait été emprunté aux Alaouites.





Leur expansion et les lieux sous leur domination :





-Leur prédication partit des provinces de Kerman et de Yazd vers le centre de l’Iran et Ispahan puis elle gagna la province du Khuzestan puis Hadaba-i-daylem et elle s’enracina enfin dans la citadelle d’Alamout ; les adeptes de la secte s’étendirent également vers le nord, ils atteignirent donc la province de Mazandaran puis celle de Qazvin, puis ils s’emparèrent des régions de Rodbar, de Lamasar et de Kohastan ; ils prirent en outre de nombreuses forteresses et poussèrent jusqu’au fleuve Jihoun.


-Leur prédication finit par arriver jusqu’en Syrie, les Assassins se rendirent maîtres de diverses citadelles et places fortes à travers le pays dont notamment Baniyas, Masyaf, Qadmous, Kahf, al-Kawâbî ou encore Salmiya.


-Le Mongole Houlagou Khan les anéantit en Iran et en Syrie et c’est al-Thâhir Baybars qui en finit avec eux.


-Les Assassins ont toutefois des adeptes encore jusqu’à aujourd’hui en Iran, en Syrie, au Liban, au Yémen, dans la province de Najran, en Inde ou encore dans certains Etats satellites de l’ex-Union soviétique.





En résumé, nous pouvons affirmer que la secte des Assassins est une branche de l’ismaélisme nizârite, ses adeptes firent de l’assassinat un moyen d’arriver à leurs fins, ils commirent des attentats dans de grandes proportions, ils s’attaquaient aux grandes personnalités qui s’opposaient aux Ismaélites telles que des rois ou de grands chefs militaires ainsi qu’à tous ceux qui leur semblaient être des adversaires. Les oulémas ont de manière systématique émis des avis juridiques qui autorisent à les tuer, incitent à laver la surface de la terre de leur présence impure, interdisent de manger la viande sacrifiée par leur soin ou de se lier d’amitié avec eux.



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