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Dans un hadîth rapporté par al-Bukhârî (4524, 3027) le Prophète (sur lui soit la paix) a dit à Abû Dharr : "Sais-tu où se couche ce (soleil) ? Il part se prosterner sous le Trône".  . Par rapport à la littéralité de ce hadith, quelques questions se posent :


Comment comprendre l'idée que le soleil se prosterne ?  


Une des explications émises par les ulémas est que c'est "l'état de soumission du soleil à Dieu" qui a été décrit par le terme "prosternation" ; il s'agit donc d'une prosternation non pas physique mais d'état (sûrat ul-hâl) (explication relatée parmi d'autres dans Fat'h ul-bârî 6/360 : "Wa ta'awwalahû qawmun 'alâ mâ hiya 'alayhi min at-taskhir id-dâ'ïm"). Ceci exactement comme dans le verset, où Dieu dit : "N'as-tu pas vu que devant Dieu se prosternent ceux qui sont dans les cieux et ceux qui sont sur la terre, le soleil, la lune, les étoiles, les montagnes, les animaux et beaucoup d'hommes ?" (Coran 22/18) : ici le terme "prosternation" ("yasjud", "se prosternent") désigne "la soumission à Dieu".


"Prosternation du soleil" signifie donc : "marche selon l'ordre de Dieu" ; mais que signifie que le soleil se prosterne sous le Trône ?  


Ibn Hazm écrit que le soleil est à chaque instant en dessous du Trône, qui se trouve au-dessus de toute la création (cf. Al-Fissal fi-l-milal wa-l-ahwâ' wa-n-nihal, tome 1 p. 355).


Les trois questions suivantes se posent alors :


- si c'est à chaque instant que le soleil est au dessous du Trône, pourquoi a-t-il été dit que le soleil est au dessous du Trône au moment où il se prosterne ?


- et si c'est la soumission du soleil à Dieu qui a été décrite par le terme "prosternation", le soleil est, à chaque moment, soumis à Dieu ; pourquoi a-t-il été dit que le soleil se prosterne au moment où il se couche ?


- et puis il n'y a pas vraiment de coucher du soleil ; c'est l'homme qui se trouve sur un point x de la terre qui voit le soleil comme "se couchant" à l'horizon ; alors qu'en fait le soleil ne fait que disparaître du champ de vision de cet homme pour "se lever" dans le regard de l'homme qui se trouve dans un point situé aux antipodes de ce point x !
 


La réponse qui suit est celle que Cheikh Thânwî a apportée à la première de ces trois questions ; elle m'apparaît cependant également valable pour les deux autres. Cheikh Thânwî dit : "Il n'est pas nécessaire que l'objectif ait été de spécifier un moment particulier. Il est possible que le moment spécifié ait été mentionné sans objectif d'exclure les autres moments ("qayd wâqi'î"), l'objectif étant seulement d'informer que le soleil se prosterne ; avoir employé ce terme ["prosternation"] permet d'exprimer (plus) clairement que le soleil est soumis à l'ordre de Dieu" (Bayân ul-qur'ân 9/111). Le Prophète a donc parlé de "prosternation du soleil" au moment où celui-ci "se couche" par rapport au regard des hommes vivant, comme lui, à Médine. Si l'on élargit cette façon de voir à l'ensemble de l'humanité, qui est répartie sur l'ensemble des points du globe, le "coucher du soleil" se produit à chaque instant. Ceci rejoint dès lors l'idée que nous avons vue plus haut : le soleil est toujours au-dessous du Trône, et est à chaque instant en "prosternation".


Considérer la prosternation comme se produisant au moment de ce que, soi, on voit être le "coucher" par rapport au point du globe sur lequel on vit, n'a donc pas – comme l'a fait remarquer Cheikh Thânwî – de valeur exclusive, mais part du point de vue d'un humain vivant sur la terre et considérant les astres comme il les voit.



Après avoir affirmé que le soleil se prosterne quand où il se couche, le Prophète a dit : "C'est là son mustaqarr". Que signifie ce terme ?


"Mustaqarr" signifie "lieu d'arrêt", ou "lieu de résidence", et il s'agit en fait d'un terme présent dans un passage coranique, que, juste après avoir dit que le soleil se couchait, le Prophète a d'ailleurs cité : "Le soleil vogue vers un mustaqarr, à lui [assigné]. C'est là ce qu'a déterminé le Puissant, l'Omniscient" (Coran 36/38).  





·  An-Nawawî écrit que certains savants, "se fondant sur la littéralité de ce Hadîth" [en fait de certaines version de ce Hadîth], ont dit que, chaque jour, quand il se couche, le soleil parvient à un "lieu d'arrêt", évoqué dans ce verset (Shar'h Muslim 2/195-196). 





·  An-Nawawî a aussi écrit que d'autres savants ont cependant dit que ce "lieu d'arrêt" est en fait le lieu à partir duquel le soleil changera de cap pour apparaître aux terriens se levant de l'est (ce phénomène est décrit dans de nombreux Hadîths authentiques comme étant un signe qui se produira peu avant la fin des temps) (Shar'h Muslim 2/195-196).   





·  D'autres savants, enfin, sont d'avis que le "lieu d'arrêt" mentionné dans le verset du Coran est en fait le lieu – ou bien le moment, car le terme "mustaqarr" peut tout aussi bien signifier "moment d'arrêt" que "lieu d'arrêt" – où le soleil parviendra à son terme, à cause de sa destruction à la fin des temps (Tafsîr Ibn Kathîr). Si on retient cette dernière interprétation, le Hadîth du Prophète appliquant ce terme à un moment précédent la fin du monde élargit en fait à plusieurs choses l'étendue d'un concept coranique s'appliquant à l'origine à une seule chose. Car le Prophète faisait parfois ainsi : Shâh Waliyyullâh a évoqué ce procédé d'application secondaire, par élargissement, que le Prophète pratiquait parfois, et l'a désigné  par le terme de "tarîq ul-i'tibâr" (cf. Al-Fawz ul-kabîr fî ussûl it-tafsîr, p. 118). Le Prophète l'a fait par exemple à propos de ces termes coraniques : "La mosquée bâtie sur la piété depuis le premier jour mérite plus que tu t'y tiennes" (Coran 9/108) : il est ici question de la mosquée de Qubâ, et pourtant le Prophète a appliqué ces termes à la mosquée de Médine : en fait il n'a pas voulu nier qu'il s'agisse de la mosquée de Qubâ' mais a voulu souligner que le contenu du verset "avoir été bâtie sur la piété" et "mériter plus que l'on s'y tienne pour prier" s'applique aussi à la mosquée de Médine (voir Fat'h ul-bârî 7/306-307, Tafsîr Ibn KathîrBayân ul-qur'ân 4/142-143). Le Prophète a fait de même à propos du verset : "Dieu ne veut qu'éloigner de vous l'impureté, gens de la maison, ainsi que vous purifier" (Coran 33/33) : "les gens de la maison" du Prophète sont ses épouses, comme l'indiquent les termes de ce verset, et pourtant le Prophète a appliqué le verset à sa famille : il s'agit également d'un élargissement (voir Bayân ul-qur'ân 9/48). 





·  Ibn Hazm se fonde quant à lui sur la version de ce Hadîth qui dit : "Le mustaqarr du (soleil) est en-dessous du Trône". Il a considéré le terme dans son sens de "lieu de résidence", puisqu'il écrit : "Nous savons que le mustaqarr d'une chose est le lieu où elle reste et dont elle ne sort pas, même si elle s'y déplace d'ici à là." "Le Prophète a dit vrai, car le soleil est toujours en-dessous du Trône, jusqu'à la fin du monde" (cf. Al-Fissal fi-l-milal wa-l-ahwâ' wa-n-nihal, tome 1 p. 355).





 





 "Et celui qui fait revivre ma Sunna m'aime. Et celui qui m'aime sera avec moi dans le Paradis." Quel musulman et quelle musulmane ne connaissent pas ces mots du célèbre Hadith du Prophète () ? Et qui ne voudrait pas être en compagnie du Prophète () dans le Paradis ? Et qui ne voudrait pas mettre en pratique la Sunna, c'est-à-dire "la voie du Prophète" () ?





Le problème c'est que trop souvent certains musulmans ont adopté une vision étriquée de "la Sunna du Prophète" (). En effet, celle-ci est considérée par ces musulmans comme se constituant avant tout – voire presque uniquement – des faits de "manger avec ses doigts, manger en s'asseyant par terre, porter des sandales" et d'autres sunna de ce genre, qui relèvent des sunna 'âdiyya". Or la Sunna est constituée avant tout des "sunna ta'abbudiyya" (dont certaines sont obligatoires, d'autres fortement recommandées, d'autres conseillées). La Sunna, c'est ce que le Prophète () a dit, fait ou approuvé, et elle concerne, en tant que telle, tous les domaines auxquels est lié l'islam.




Voici ci-après, des paroles du Prophète () où il a employé le mot "Sunna" pour décrire certains de ces domaines :




Suivre la Sunna du Prophète à propos des croyances ('aqâ'ïd) :




Le Prophète a dit : "… Et celui d'entre vous qui vivra verra de nombreuses déviances. Attachez-vous alors à ma Sunna et à la Sunna des califes bien guidés après moi (al-khulafâ ar-râshidûn) ... " (Rapporté par al-Tirmidhî). Ces déviances dont parlait le Prophète () sont celles qui allaient surgir à propos des croyances, comme celles d’Ibn Sabâ qui ont conduit au kharidjisme etc., ou encore comme celles qui ont conduit au mutazilisme, etc.




Face à des déviances, qui concernent donc les croyances, le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallm) demande de s'attacher à la Sunna, donc aux croyances que lui il a enseignées. Suivre les croyances ('aqâ'ïd) qu'a enseignées le Prophète (), c'est donc suivre la Sunna du Prophète.




Suivre la Sunna du Prophète à propos de ce qui est purement cultuel (ta'abbudât) :




Le Prophète () a dit : "Chaque fois qu'un peuple invente une innovation (bid'a), une quantité semblable de Sunna est enlevée de lui. Car s'en tenir à une Sunna vaut mieux que rajouter une innovation (bid'a)." (Rapporté par Ahmad, hadîth qalifié de faible, dha'îf, par al-Albânî, mais il y a un hadîth dans le même qu'il qualifie d'authentique, sahîh, et qui est rapporté par ad-Dârimî). Il s'agit ici de tout ce qui est purement cultuel, où il faut s'en tenir strictement à ce que le Prophète () a fait, et où on ne peut rien rajouter sous peine de tomber dans la Bid'a. S'en tenir, dans le domaine du purement cultuel, à ce qu'a fait le Prophète (), c'est donc suivre la Sunna du Prophète.




Suivre la Sunna du Prophète à propos des règles du droit (fiqh) :




Deux Compagnons étaient partis en voyage. L'heure de la prière arriva et n'ayant pas d'eau, ils firent la purification par la poussière (tayammum) et accomplirent leur prière. Mais ensuite, avant que l'heure de cette prière se termine, ils trouvèrent de l'eau. L'un se dit alors que la prière accomplie avec la purification par la poussière (tayammum) était suffisante. Mais l'autre fit les ablutions (wudhû) et refit la prière qu'il avait déjà faite après avoir fait la purification par la poussière (tayammum). Arrivés auprès du Prophète () à Médine, ces deux Compagnons lui racontèrent ce qu'ils avaient fait. Le Prophète () donna alors raison au premier et lui dit : "Tu as pratiqué la Sunna" (Rapporté par Abû Dâoûd). Voici ce que nous avons appris être une "règle de droit" dans les "ouvrages de jurisprudence" : "On n'avait pas d'eau, on a fait la purification par la poussière (tayammum) et on a accompli la prière. Puis, avant la fin de l'heure de la prière, on a trouvé de l'eau. Il ne faut pas refaire cette prière." C'est vrai : cela relève du droit. Mais c'est aussi une Sunna du Prophète. Les règles du droit musulman sont, ainsi, soit directement, soit indirectement issues des paroles du Prophète (que ces règles concernent ce qui est purement cultuel ou ce qui est financier, ce qui est social, etc.). Suivre les règles juridiques (fiqh) qu'a enseignées le Prophète (), c'est donc suivre la Sunna du Prophète.




Suivre la Sunna du Prophète à propos de ce qu'on pense et dit des autres, et de son comportement vis-à-vis d'eux :




Le Prophète () avait dit à Anas ibn Mâlik : "Mon petit, si tu es capable d'avoir, chaque matin et chaque soir, le cœur pur de rancœur ("ghissh") vis-à-vis de chacun, fais-le. Mon petit, cela fait partie de ma Sunna. Et celui qui fait revivre ma Sunna m'aime. Et celui qui m'aime sera avec moi dans le Paradis" (Rapporté par at-Tirmidhî, hadîth faible mais pas une faiblesse qui empêche qu'il soit pris en considésation dans ce qui se rapporte aux actes de bienfaisance ou qu'il soit utilisé pour appuyer une règle jurisprudentielle).




Où est notre mise en pratique de la Sunna par rapport à cette parole ? Les cœurs sont-ils purs de rancœur vis-à-vis de ceux que l'on côtoie ? Ou bien sont-ils pleins de ce qui fait de leur possesseur un "double visage" (dhu-l-wajhayn selon les mots du Prophète) ? En plus, c'est dans cette parole que se trouve justement la phrase que l'on aime répéter : "Et celui qui a fait revivre ma Sunna m'aime. Et celui qui m'aime sera avec moi dans le Paradis". Où est-elle dans notre Communauté, la Sunna, sur ce point ?




Certains frères disent : "Par amour pour le Prophète (), nous, nous portons des sandales qui ressemblent aux siennes plutôt que des chaussures européennes, de même que nous mangeons par terre plutôt qu'à table". C'est un choix respectable pour ce qui relève de "sunna 'âdiyya". Mais le problème c'est que ces mêmes personnes, ensuite, vous racontent des rumeurs qu'elles ont entendues ici et là. Et quand vous leur dites que le contenu en est faux, elles vous récitent le proverbe : "Il n'y a pas de fumée sans feu !"




Bravo. Tu considères que, par amour pour le Prophète, il s'agit de ne pas adopter des chaussures qui sont différentes du modèle de celles du Prophète. Mais ça ne gêne pas ta conception de l'amour du Prophète que d'adopter le proverbe "Il n'y a pas de fumée sans feu" bien que celui-ci contredise les paroles du Prophète ()?




– En effet, le proverbe dit que s'il y a une rumeur, c'est qu'il y a forcément une vérité.




– Et le Prophète, lui, a dit qu'il y a des gens qui inventent des propos, que ces propos se répandent ensuite partout sous forme de rumeur sans que ce soit vrai, et que ces gens subiront dans leur tombe (al-barzakh) le châtiment d'avoir le visage sans cesse déchiré (rapporté par al-Bukhârî, hadîth n° 5745 et n° 1320). Le Prophète () a dit aussi : "Il est suffisant, comme mensonge, qu'un homme répète tout ce qu'il entend" (rapporté par Muslim). Le Prophète () dit : "Allah déteste le "qîla wa qâla ..." (rapporté par Muslim) ("qîla wa qâla" désigne les rumeurs et les on-dit). Le Prophète a dit encore : "Quelle mauvaise monture pour un homme que "za'amû" (on dit que…)" (rapporté par Abû Dâoûd).




Et malgré toutes ces paroles du Prophète (), on adopte l'autre proverbe la conscience tranquille… et on prétend être de ceux qui suivent le modèle du Prophète.




La vérité est là, affligeante : on s'est focalisé, en matière de Sunna du Prophète, uniquement sur la forme de ses chaussures, la couleur de ses vêtements, et le fait de manger par terre. Le reste, est devenu secondaire, à la limite de l'utile. Est-ce là la conception de la Sunna qu'avaient le Prophète () et ses Compagnons ?!




Conclusion :




1. La Sunna concerne non pas seulement la façon de s'habiller, de manger et de boire, mais aussi et surtout les croyances, les règles juridiques, le fait de s'en tenir à ce que le Prophète a fait comme acte purement cultuel, le comportement vis-à-vis d'autrui, etc.




2. Certaines Sunna sont obligatoires, d'autres fortement recommandées, d'autres conseillées.




3. On ne peut pas – et cela relève de l'enseignement même du Prophète ()– considérer ce qui est conseillé comme étant primordial, et considérer ce qui est obligatoire comme étant secondaire !




4. Pour toute chose relevant du domaine de ce qui est purement cultuel (al-'ibâdât), on ne peut rien faire que le Prophète () n'ait pas fait, sous peine de tomber dans l'innovation religieuse (bid'ah). Par contre, pour ce qui relève du domaine de ce qui n'est pas purement cultuel (al-'âdât), pratiquer la Sunna du Prophète revient à intégrer de nouvelles choses aux principes laissés par le Prophète (les "sunna 'âdiyya"), même si le Prophète () n'avait pas fait ces nouvelles choses.




5. Et si le Prophète () avait, dans ce domaine des 'âdât, pratiqué certaines choses liées à son époque à lui, on peut les pratiquer par amour pour lui, ce qui relèvera alors des "sunna 'âdiyya" et sera source de récompenses pour un acte recommandé, comme on peut ne pas les pratiquer sans les mépriser. Ainsi, on ne doit pas mépriser une "sunna 'âdiyya" telle que manger avec ses doigts – car c'est une chose qu'a faite le Prophète () – , mais on ne doit pas non plus faire de reproche à ceux des musulmans qui choisissent de manger avec une fourchette dès qu'ils tiennent compte des "sunna ta'abbudiyya" du Prophète () en la matière (entre autres utiliser sa main droite, ne pas manger de choses interdites dans les Hadîths, etc.).




"Pratiquer et faire revivre la Sunna du Prophète" "pratiquer l'excellent modèle (uswa hassana) que constitue le Prophète, c'est tenir compte de tout cela


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