La seconde phase des sciences du hadith est celle du parachèvement et elle s’étend du début du 2ème siècle de l’Hégire au début du 3ème. Tous les domaines furent achevés pendant cette phase, et ils ont été définis chacun à part, ont été soumis à des règles que les savants se sont transmises et sur lesquelles ils s’étaient mis d’accord. Les caractéristiques les plus importantes de cette époque étaient :
1. La faiblesse de la capacité de mémorisation des gens, comme ce fut mentionné par al-Dhahabî dans ‘Tadhkirat al-Huffâdh’ ;
2. Les longues chaînes de transmission et leurs ramifications, en raison de la longueur du temps révolu et du grand nombre de ceux qui avaient mémorisé les hadiths. En effet, nombreux sont ceux qui, dispersés dans tous les pays, avaient mémorisé des hadiths auprès de chaque Compagnon. C’est ainsi que le nombre de hadiths s’était accru et qu’ils subirent de nombreuses altérations et furent entachés de défauts évidents et cachés ;
3. Le grand nombre de sectes égarées du droit chemin et de la méthode que suivaient les Compagnons et les successeurs avec sincérité ; telles que les Kharidjites, les Rawâdidh, les Mutazilites, les membres de la Djabriya, etc.
C’est la raison pour laquelle, les savants de l’Islam se sont mobilisés pour agir contre ces changements et y faire face, ce qui a conduit à :
1. La transcription officielle : ‘Umar ibn 'Abd al-Azîz a ressenti le besoin impérieux de préserver la Sunna, et il envoya des messages dans les différentes régions pour que les hadiths soient transcrits et préservés.
L’imam Boukhari a rapporté que ‘Umar ibn 'Abd al-Azîz avait envoyé un message à Abû Bakr ibn Hazm, qu'Allah leur fasse miséricorde, et lui avait dit : « Cherche les hadiths du Prophète () et transcris-les, car je crains la disparition de la science religieuse et des savants. » Et al-Zuhrî et Abû Bakr ibn 'Abd al-Rahmân et d’autres ont également écrit tout ce qu’ils avaient comme hadiths.
La transcription classée par chapitres s’est vite propagée et ainsi les hadiths furent réunis dans des Djâmi’-s (recueils) et Mussannaf-s’(livres), tel que le Djâmi’ de Mu’ammar ibn Rachîd (154), celui de Sufyân al-Thawrî (161), le Djâmi’ de Sufyân ibn ‘Uyayna (198), et le Mussannaf de 'Abd al-Razzâq (211), le Mussannaf de Hammad ibn Salama (167) ; de même, l’imam Mâlik a composé son livre al-Muwatta, et il est considéré comme le plus authentique des ouvrages composés à l’époque, mais il comporte un petit nombre de hadiths (estimé à 500) ; et il y mentionna les avis des Compagnons et des successeurs. Nombreux furent ceux qui l’imitèrent jusqu’à ce que le nombre de Muwatta-s composés eut atteint 40. De plus, Mâlik a été minutieux dans le choix des hadiths qu’il mit dans son Muwatta, et l’imam al-Châfi'î dit : « Je ne connais pas sur la terre entière après le Coran de livre plus authentique que le Muwatta de Mâlik ».
Dans ces compositions, ils ont également classifié les hadiths marfû' (élevés), les hadiths mawqûf (paroles ou actes des Compagnons) et les hadiths maqtû' (interrompus), car ils tenaient à les réunir tous pour les préserver, et ainsi, ils y ont inclus tout ce qui a été rapporté sur un sujet et ont mentionné les chaînes de transmission pour remonter à la source des hadiths.
2. Les savants ont approfondi la science du Djarh wa-t-ta’dîl wa naqd al-ridjâl (critique et évaluation des narrateurs), et ce, en raison de la propagation de défaillances liées à la mémorisation, et à la diffusion d’aberrations et d’innovations. Ainsi, un groupe de savants s’étaient consacrés à la critique des narrateurs et étaient devenus célèbres pour cela, parmi lesquels Chu’ba ibn al-Hajjaj (160), Sufyân al-Thawrî et 'Abd al-Rahmân ibn Mahdî (198) et d’autres.
3. Ils cessèrent d’accepter les hadiths de la part de ceux qui n’étaient pas connus pour leur compétence dans ce domaine. Mouslim avait rapporté dans l’introduction de son Sahîh selon Abû al-Zinâd : « J’ai rencontré à Médine une centaine d’individus dignes de confiance, mais desquels on ne pouvait pas prendre le hadith. » On dit qu’ils n’en étaient pas habilités.
4. Ils ont analysé les hadiths pour mettre en évidence leurs aspects cachés, et ils ont établi pour chaque nouvelle catégorie une règle qui l’identifiait et indiquait la prescription qui lui était relative. Et ainsi, toutes les catégories de hadiths furent complétées et adoptèrent leur propre terminologie. De plus, un intérêt particulier fut porté à l’étude approfondie des narrations et à leur suivi pour en connaître les lacunes.
Ce siècle connut une activité accrue dans le domaine des voyages, dans ce but, jusqu’à ce qu’il fût considéré comme une des exigences de l’apprentissage pour celui qui était en quête de hadiths. Ainsi, tous les narrateurs célèbres voyagèrent à travers le monde pour chercher les hadiths. Et leurs voyages furent d’une grande utilité, car ils purent grâce â eux voir ce que les Compagnons avaient diffusé dans les contrées lointaines, et ils purent faire une comparaison entre les chaînes de transmissions et les textes, ce qui fut très profitable. Les explorateurs en quête de science religieuse acquirent un rang élevé parmi les oulémas, et le titre de voyageur, d’explorateur et d’itinérant, celui vers lequel on voyage, etc. devint une marque des grands narrateurs de hadiths. Et beaucoup d’entre eux voyagèrent en Orient et en Occident plus d’une fois, et les gens se narrèrent avec admiration les récits de leurs voyages, et les difficultés et merveilles qu’ils avaient rencontrées.
L’imam al-Zuhrî fut le premier, pendant ce siècle, à s’intéresser à la collecte des règles et à leur transmission, et il ordonna à ses adeptes de les collecter, au point où certains le considérèrent même comme le fondateur des sciences du hadith.
Cependant, ces sciences et règles qui existaient jusqu’à cette époque étaient mémorisées par les transmetteurs et n’étaient pas transcrites dans des livres d’après ce que l’on sait, et encore moins réunies dans un livre spécifique qui établirait leurs règles. Ceci à l’exception des chapitres et différentes études qui ont leur importance dans ce domaine que nous avons trouvés chez l’imam al-Châfi’î, qu'Allah lui fasse miséricorde. En effet, ce dernier mentionna dans son livre al-Risâla le hadith qu’il utilise dans son argumentation et il le soumit aux conditions du hadith authentique. Tout comme il discuta des conditions de la mémorisation du narrateur, du fait de rapporter le sens du hadith sans les termes exactes, et de l’acceptation de la narration du mudallis. De même, il mentionna dans ‘son livre al-Umm, le hadith hasan (bon), et discuta du hadith mursal (détaché) et utilisa des arguments forts pour prouver sa valeur argumentative. Il étudia également d’autres domaines de la science du hadith, et ainsi, ce qu’a écrit al-Châfi’î fut la première chose transcrite concernant les sciences du hadith qui nous parvint.