Nous allons étudier, aujourd'hui un Hadîth très important auquel l'Imam al-Nawawî, qu’Allah lui fasse miséricorde, a consacré un chapitre à part dans son ouvrage d'interprétation des hadiths de Sahîh Mouslim sous le titre : « Avertissement contre le fait de se laisser leurrer par les jouissances du bas monde et de ses faux espoirs »
Abû Sa'îd al-Khudrî, qu’Allah soit satisfait de lui, a dit : « Le Messager () se tint debout et prononça le sermon suivant devant les gens : 'Ce que je crains le plus pour vous, c’est la parure de ce bas monde dont Allah vous comblera "
- Ô Messager d'Allah, dit un homme, un bien engendre-t-il un mal ?
Le Messager () se tut, puis lui demanda : 'Qu'as-tu dit?'
- Ô Messager d'Allah, un bien engendre-t-il un mal?", reprit l'homme.
- Un bien n'apporte qu'un bien, répondit le Messager (). Certes, ce qui pousse au printemps peut tuer en distendant l'estomac, sauf s'il s'agit d'une bête qui se nourrit d'herbe jusqu'à être rassasiée puis fait face au soleil et évacue des excréments et de l'urine, avant de remâcher et se remettre à manger. Donc celui qui prend de l’argent qu'il mérite, cet argent sera béni pour lui, alors que celui qui prend un argent qu'il ne mérite pas est comme celui qui mange sans jamais se sentir rassasié. » (Mouslim)
Ce hadith est un appel à méditer sur les conséquences des choses, car quiconque est capable, grâce à la perspicacité qu'Allah, exalté soit-Il, lui a accordée, de voir l'issue de son chemin avant de l'emprunter, obtient le bien et est sauvé du mal. Quant à celui qui ne voit pas la fin du chemin, il subira une douleur dont il ne sera jamais sauvé et récoltera la fatigue alors qu'il cherchait le repos. Allah, le Très Haut, nous a ordonné de tirer les leçons des situations dont nous sommes témoins (sens du verset) : « Méditez cette leçon, vous qui êtes doués d’intelligence ! » (Coran 59/2)
Le Prophète () a commencé son sermon en avertissant les Compagnons contre le fait de se laisser tenter par la parure, la beauté, le plaisir et les jouissances du bas monde. Les gens sont séduits par le charme de ce monde et admirent sa splendeur malgré son caractère éphémère, tout comme la fleur dont la beauté et le parfum tentent les gens en dépit de sa courte vie et du fait que de petites fleurs s'épanouiront après elle. Ainsi est la jouissance temporaire du bas monde. Où est le royaume de Pharaon qui a dit (sens du verset) : « Ne suis-je pas le maître absolu du royaume d’Égypte avec tous ces canaux d’eau qui coulent à mes pieds ? » (Coran 43/51) ? Où est la fortune de Coré (Qârûn) qui a dit (sens du verset) : « Ce que j’ai, je le dois uniquement à la science que je possède » (Coran 28/78) ? Où est la force des habitants de `Âd qui ont dit (sens du verset) : « Quel peuple, disaient-ils, a une puissance supérieure à la nôtre ? » (Coran 41/15) ? Ils ont été tous tentés par la splendeur de ce bas monde. Ces dons accordés à des esprits malades ont été à l'origine de leur rébellion et leur tyrannie.
Face à ce noble avertissement prophétique, l'un des éminents Compagnons s'est aperçu de l'importance de cette cause qui a amené le Prophète () à se lever pour prononcer son sermon, à jurer par Allah, exalté soit-Il, et à exprimer sa crainte pour eux. Et pour être mieux renseigné, il a posé une question au prophète () : comment cette parure du bas monde qui englobe tant de biens mène-t-elle au mal ? Comment ces biens ; les femmes, les enfants, l’or, l’argent, les chevaux de race, les troupeaux et les champs, peuvent-ils engendrer un mal ?
Le Prophète () garda un moment le silence en attente de la Révélation. Dans une variante du hadith, le Compagnon, qu'Allah soit satisfait de lui, a dit : « Nous voyions qu'il recevait la Révélation ; il reprit la parole tout en essuyant sa sueur abondante », ce qui prouve la grande importance de cette cause. Le Prophète () a indiqué à ce compagnon que tout bien décrété par Allah, exalté soit-Il, ne peut jamais être un mal. Le bien véritable et pur est celui qu'Allah, exalté soit-Il, a favorisé à Son serviteur en l'aidant à accomplir les actes d'obéissance et à rechercher l'agrément d'Allah, exalté soit-Il. Quant à la parure de ce bas monde, c’est une tentation, et non pas un bien pur. Il est à craindre que celui qui reçoit la parure de ce bas monde, soit amené à commettre des actes susceptibles de provoquer le mal et qu’il ne soit pas motivé par l'au-delà.
Ensuite, le Prophète () a expliqué l'une des formes de ce mal qui résulte de la mauvaise utilisation des grâces divines. La pluie tombe à torrents, puis coule dans des cours d'eau, les plantes ainsi arrosées, poussent et grandissent. La saveur agréable de ces plantes pousse les bêtes à les manger et à savourer leur goût. Elles se mettent à dévorer si avidement les plantes qu'elles finissent par attraper une indigestion et ne sont plus en mesure de déféquer. Quiconque les voit les croit grosses et charnues, et rapidement, elles sont atteintes d'horribles maux ou périssent à cause de maladies intestinales.
C’est la même chose avec la parure de ce bas monde que les gens admirent, et cherchent à collecter avec avidité et cupidité. Ils ne se contentent ni du peu, ni de l’abondance. Ils plongent dans l'illicite et finissent par périr parce que les gens les envient et leur disputent ce qu’ils ont. Ils périssent en raison de la mort de leur cœur et de la religion dans leurs âmes. Allah, le Très Haut, dit (sens du verset) :
« Mais les infidèles ne pensent qu’à jouir de la vie terrestre et à se repaître comme de vils animaux. Aussi, c’est le Feu qui constituera leur dernière demeure » (Coran 47/12)
Combien de fois l'argent, le prestige, la santé et le temps libre ont tué des gens ! Combien de peuples ont péri alors qu’ils cherchaient un plaisir éphémère ! Si les âmes malades obtiennent la parure de ce bas monde, elles marcheront dans des chemins obscurs et renonceront à leur religion et à leur vie pour des apparences trompeuses et des illusions. Plus le souci de ce bas monde est grand, et plus les peines sont grandes, plus le cœur est dispersé, et plus le serviteur est attaché à cette vie et croit être à l'abri de toute adversité, en oubliant les versets où Allah, exalté soit-Il, relate les récits des peuples précédents (sens des versets) :
• « Pensent-ils que les richesses et les enfants dont Nous les pourvoyons soient une avance que Nous Nous empressons de leur faire sur les biens de la vie future ? Quelle inconscience ! » (Coran 23/55-56)
• « Et lorsque ces gens-là eurent oublié ce qui leur avait été rappelé, Nous ouvrîmes toutes grandes devant eux les portes de la jouissance. Et c’est au moment où ils exultaient de joie devant tant de richesses qu’ils avaient reçues que Nous les saisîmes soudain et les jetâmes dans la consternation et le désespoir » (Coran 6/44)
• « En vérité, ceux qui n’espèrent pas Notre rencontre, qui s’abandonnent en toute quiétude aux plaisirs de ce monde et se montrent indifférents à Nos signes, ceux-là, comme prix de leurs œuvres, auront pour refuge l’Enfer » (Coran 10/7-8)
Que chacun prenne garde de ne pas s'attacher au bas monde et de ne pas suivre inconsciemment le chemin de la perdition, pour ne se réveiller qu'au moment où il tombe dans la ruine et ne lui restera que les remords.
Même ceux qui pensent qu’ils sont, grâce à Allah, loin de toute adversité car ils n'ont obtenu que peu de choses de la parure du bas monde doivent rester sur leurs gardes.
En effet, nous avons tous recueilli de ce bas monde une part abondante, mais que pouvons-nous faire alors que les jouissances de ce bas monde ont verrouillé les cœurs, bien qu'Allah, exalté soit-Il, nous ait mis en garde dans le verset (sens du verset) :
« Ne porte pas tes regards vers les jouissances éphémères que Nous avons accordées à certains groupes d’entre eux. Ce n’est là que le vain clinquant de ce monde, destiné à les mettre à l’épreuve. Mais les biens que ton Seigneur te réserve sont meilleurs et plus durables » (Coran 20/131) ?
Savez-vous que nous disposons aujourd’hui de plus de jouissances que les rois d’autrefois ? Savez-vous qu’un notable de la période préislamique se vantait de boire de l'eau pure des puits. Aujourd’hui, nous buvons de l'eau pure sans avoir besoin de nous rendre à un puits ou une source d'eau.
La réalité cachée est que notre nourriture est plus délicieuse que celle des rois d’autrefois, notre boisson est plus délectable que leur boisson, nos vêtements sont plus souples et plus doux que les leurs nos véhicules sont plus rapides et notre lumière est plus limpide et plus claire que la leur. Nous sommes des rois mais nous nous n’en rendons pas compte.
Dans la deuxième partie de cet artcile nous répondrons à la question suivante :
Comment réaliser qu'on est sur la voie de la perdition ?
Le chemin de la tentation est un chemin ambigu, formé d’une multitude de chaînes, chacune liée à l'autre. Lorsqu’on obtient une partie des jouissances éphémères de ce bas monde, on devient avide et on cherche à accaparer ce qui n'est pas entre nos mains. On ne veut rien céder de ce qu’on a. La tentation commence lorsqu’on acquiert de plus en plus de choses licites : biens, prestige, luxe ou autres.
Parallèlement, on trouve de la peine à accomplir les d'actes d'obéissance car l'âme tend naturellement au repos et à la quiétude, ce qui l’amène à négliger beaucoup de choses comme les actes surérogatoires, le Coran, ou le fait de vouer nos actes à Allah, exalté soit-Il. Après avoir exagéré dans ses ambitions profanes licites, on commence à se soucier du bas monde et à y consacrer d'énormes sommes d’argent et du temps précieux. On vit ensuite dans la crainte de perdre le bas monde et on en tire une joie immense. Et cela se termine par la ruine, qu'Allah nous en préserve. Celui qui se rapproche de la tentation perd le salut et celui qui prétend être patient s’abandonne à lui-même. Ces étapes sont souvent accompagnées des maux du cœur comme la faiblesse de la foi, l'abandon de la dévotion, l'incertitude, l’insatisfaction, l'impatience et le fait de ne pas s'en remettre à Allah, exalté soit-Il,
Prenons, à titre d'exemple, la tentation de la richesse au sujet de laquelle Allah, le Très Haut, dit (sens du verset) : « Et qui vouez à la richesse un amour sans fin ! » (Coran 89/ 20). On peut faire des dépenses excessives et chercher ensuite à gagner de l’argent de diverses manières, sans se soucier de leur licéité, ce qui mène à des transactions suspectes et parfois à des manœuvres malhonnêtes, à l'atermoiement et au mensonge. Et on en arrive parfois à l'usure explicite, à la corruption et au vol, ou même à la pauvreté et à l'humiliation. L’argent qu’on gagne est alors dépourvu de bénédiction. L’envie se répand alors entre les membres d'une même famille, l'hostilité s’installe entre les amis et la rancune sévit entre les membres de la société.
Tout cela arrive et on finit alors par basculer dans la pauvreté et l'humiliation. Il s’agit là de la ruine mentionnée par le Prophète () dans le hadith :
« Celui qui prend un argent qu'il ne mérite pas est comme celui qui mange sans jamais se sentir rassasié »
Il encourra aussi la colère divine. Allah, exalté soit-Il, dit (sens des versets) :
« Il en est parmi eux qui se sont engagés vis-à-vis d'Allah en disant : "S’Il nous gratifie de Ses largesses, nous ferons de larges aumônes zakât et nous serons du nombre des vertueux !" Mais lorsqu'Allah les combla de Ses dons, ils s’en montrèrent avares et tournèrent le dos en oubliant leurs promesses» (Coran 9/75-76)
Actes licites avec excès → Souci du bas monde → Crainte de perdre ses jouissances éphémères → Précipice de la ruine
Comment ne pas se laisser tenter par la parure du bas monde ?
La réponse à cette question se trouve dans l’exemple donné par le Prophète () sur les bêtes qui mangent des herbes sèches. Celles-ci, contrairement aux bêtes qui ont péri en raison de leur consommation excessive de plantes délicieuses, mangeaient les herbes à l’état sec faute d'une autre alimentation. Elles n’en abusaient pas car elles les trouvaient difficiles à digérer. Elles en mangeaient peu à peu, et lorsqu'elles se sentaient rassasiées, elles s’en détournaient et s’exposaient aux rayons du soleil qui les aidaient à bien digérer ce qu'elles avaient mangé et à l’évacuer facilement par les voies naturelles. Ces bêtes ont été ainsi sauvées de la suralimentation et de la ruine encourues par les autres ovins.
C’est la même chose pour celui qui recueille sans exagération les biens de ce bas monde. Il ne prend que ce qu’il a le droit de prendre et ne garde jamais ce qu'il doit donner. Quiconque agit de la sorte est sauvé des tares du bas monde. La vie pour lui est un moyen d’accéder à la béatitude dans l'au-delà et une voie vers la bénédiction. Le Prophète () a dit :
« Celui qui prend un argent qu'il mérite, cet argent sera béni pour lui »
Il faut donc faire preuve de vigilance pour atteindre l'adoration absolue. Allah, exalté soit-Il, dit (sens des versets) :
« Dis encore : "Ma Salât et mes actes de dévotion, ma vie et mon trépas sont entièrement voués à mon Seigneur, le Maître de l’Univers, qui n’a point d’associé» (Coran 6/162-163)
En vouant sa vie sincèrement à Allah, exalté soit-Il, le musulman suit la bonne voie l’âme apaisée. Ne vous affligez donc pas pour quelques débris manqués dans ce monde profane et ne soyez jamais fier d’un gain. Seule une âme comblée de foi, obtient le bien de ce bas monde et de l'au-delà : lorsqu’on lui donne une chose, elle est reconnaissante, et lorsqu’elle est privée d'une chose, elle est patiente. Lorsqu’elle cherche à gagner sa vie, elle s'en remet à Allah, exalté soit-Il, et lorsqu’elle elle fait face à des choses suspectes, elle les évite et la satisfaction d'Allah, exalté soit-Il, illumine son cœur.
Ces âmes obtiennent le vrai bonheur, car elles demandent le bien de Son détenteur. Allah, le Très Haut, dit (sens des versets):
• « C’est Allah qui est le Dispensateur de tous les biens, le Tout-Puissant, l’Immuable» (Coran 51/58)
• « Recherchez-la plutôt auprès d'Allah ! » (Coran 29/17)
Ces âmes connaissent la valeur véritable de la jouissance dans ce bas monde. Le Prophète () a dit :
« Celui qui est en sécurité auprès des siens, en bonne santé et qui a son pain quotidien, a certes réuni les plus grands bienfaits de ce bas monde »
Le croyant est conscient qu'Allah, exalté soit-Il, accorde à certains de Ses serviteurs une part de la béatitude de ce bas monde en raison de leurs actes d'obéissance. C’est une bénédiction qu'Allah, exalté soit-Il, accorde à qui Il veut. Allah, exalté soit-Il, dit (sens des versets) :
« Je leur disais : “Implorez le pardon de votre Seigneur ! Il est Plein de mansuétude ! Il vous enverra du ciel des pluies abondantes, accroîtra vos richesses et le nombre de vos enfants ; Il vous assignera des jardins, Il vous assignera des rivières » (Coran 71/ 10-12)
Le Prophète () a dit :
• « Que celui qui veut que sa subsistance lui soit fournie en abondance et qu'Allah lui accorde longue vie maintienne les liens de parenté»
• « Si vous vous en remettez à Allah comme il sied, Il vous apportera votre subsistance comme Il l'apporte aux oiseaux qui partent le matin le ventre creux et rentrent le soir repus »
• « Recevez-vous d’Allah, exalté soit-Il, le soutien et les subsistances pour une autre raison que votre sollicitude à l'égard des personnes faibles parmi vous ? »
• « Ô Allah, bénis ma communauté pour les oeuvres qu'elle accomplit de bon matin»
• « Quiconque facilitera les choses à quelqu’un en difficulté, Allah fera de même avec lui ici-bas et dans l’au-delà »