Je pensais, l’autre jour, à quel point la sourate al-Fatihah[1] est riche de sens. Prenez le sixième verset, par exemple : « Guide-nous vers le droit chemin ».
Lorsque nous le récitons, nous ne faisons pas cette invocation uniquement pour nous, mais pour tous ceux et celles qui font la même invocation. Ce faisant, nous mettons de côté notre tendance égoïste.
La personne qui prononce cette invocation ne cherche pas à passer pour la seule possédant la vérité, tout en exposant les fautes des autres. Lorsque nous faisons cette invocation, nous demandons à ce que les autres soient guidés comme nous le demandons pour nous-mêmes. Il s’agit d’une prière collective, que nous faisons humblement ensemble.
Ce verset du Coran nous rappelle que le fait d’être guidé n’est pas qu’une affaire personnelle. Cela concerne tout le monde : l’individu, la famille et la communauté. Au niveau individuel, cela se traduit surtout au niveau des croyances personnelles, de l’adoration et du comportement éthique envers les autres. Au niveau social, cela concerne surtout la justice sociale et les droits de l’homme et se traduit par l’enseignement aux autres et l’établissement de bases solides pour fonder une civilisation de croyants.
Lorsque nous demandons à Dieu de nous guider sur la bonne voie, nous Lui demandons, en fait, de répondre aux efforts que nous faisons pour suivre cette voie et de les compléter avec Son assistance. Mais, à la base, nous devons faire nos propres efforts pour réfléchir, apprendre et méditer. Comme il est écrit dans le Coran : « Ceux qui ont embrassé l’islam (en se soumettant à Dieu) sont ceux qui ont choisi le droit chemin. » (Coran 72:14)
Puis, nous faisons suivre nos efforts d’invocations pour demander à Dieu de nous aider à remédier à nos faiblesses et à notre manque de volonté dans nos efforts visant à atteindre ce droit chemin.
Nous comprenons qu’il s’agit de la voie de notre salut dans l’au-delà. Mais notre but, dans la vie, est d’atteindre les bons objectifs et ce, de la meilleure façon possible et en prenant la voie la plus aisée. Chaque fois que nous faisons face à plusieurs options et que nous ne savons quelle décision prendre, il y a toujours une option qui est plus « droite » et d’autres options qui le sont moins ou qui sont carrément tortueuses.
Lorsque nous devons prendre une décision relative à nos études, à un mariage, un contrat d’affaires, un projet, un voyage à l’étranger ou toute autre décision majeure, nous avons toujours plus d’une option et certaines sont meilleures que d’autres. L’invocation « guide-nous vers le droit chemin » couvre toutes ces affaires de notre quotidien. De même, cette invocation peut également s’appliquer au domaine des idées, des points de vue et des opinions.
Le « droit chemin » est décrit comme étant « plus fin qu’un cheveu et plus tranchant qu’une lame ». Cette description vise-t-elle à nous décourager et à nous faire sentir que nous n’arriverons jamais à marcher sur un tel chemin? Pas du tout! Il s’agit plutôt d’une invitation à toujours chercher à nous améliorer afin d’atteindre ce qu’il y a de meilleur pour nous. Et nous pouvons l’atteindre par la grâce de Dieu, en continuant à Le supplier humblement pour qu’Il nous guide, et cela peut se faire, entre autres, en lisant la sourate al-Fatihah et le Coran en général. Nous pouvons également y arriver en lisant tout ce qui peut nous être bénéfique et en déployant tous les efforts nécessaires pour parfaire notre conduite, tout en prenant garde à ne pas sombrer dans la vanité de croire que nous y sommes « arrivés ». Marcher sur le droit chemin, sur le chemin de Dieu, est un processus qui s’étale sur toute une vie. Dieu dit : « Et adore ton Seigneur jusqu’à ce que te vienne la certitude [de la mort]. » (Coran 15:99)
Nombreux sont ceux qui atteignent un certain niveau, dans leur foi, et qui cessent de s’améliorer. Ils croient avoir atteint le sommet et, plutôt que de continuer à s’améliorer, ils se permettent de juger les autres, sans tenir compte de leurs propres faiblesses. C’est par l’expérience que nous réalisons qu’atteindre un certain niveau de foi ne se fait pas du jour au lendemain. Et cela ne vient pas par une simple profession prononcée avec les lèvres ni avec un désir sincère qui n’est pas suivi d’actions concrètes. Cela prend des efforts continus et des tentatives répétées. S’améliorer sans cesse demande toute une vie.
Le problème ne consiste pas uniquement à corriger nos erreurs; il s’agit de passer d’un point d’équilibre à un autre encore plus précis. Cela requiert une continuelle auto-évaluation critique et une volonté de toujours supplier Dieu pour Son aide. Dans le Coran, Dieu dit :
« Alors annonce la bonne nouvelle, (ô Mohammed), à Mes serviteurs qui écoutent attentivement Ma Parole et suivent ce qu’elle contient de meilleur. Voilà ceux que Dieu guide ; ce sont eux les doués d’intelligence. » (Coran 39:18)
« Et suivez le meilleur de ce qui vous a été révélé par votre Seigneur. » (Coran 39:55)
« Et Nous écrivîmes pour lui, sur des tablettes, la leçon à tirer de toute chose, ainsi qu’une explication détaillée de toute chose. Puis Nous lui ordonnâmes : « Prends-les et tiens-les fermement. Et commande à ton peuple d’en adopter le meilleur. » (Coran 7:145)
Nous devons nous efforcer de faire les meilleurs choix possibles tout en demeurant objectifs, sincères et libres de toute motivation peu honorable. Nous devons sans cesse aspirer à atteindre l’excellence.
Mentir fait maintenant partie intégrante des rapports sociaux. Les gens mentent pour toutes sortes de raisons. Ils peuvent mentir lorsqu’ils se présentent, afin de projeter une image plus positive. Ils peuvent également mentir pour désamorcer des conflits, car mentir peut faire sentir à l’autre que le désaccord est moins important qu’il ne l’est en réalité. Bien que mentir puisse paraître utile, en de telles circonstances, cette habitude peut aussi nuire aux relations humaines. Car un mensonge exposé au grand jour ébranle la confiance et sème la méfiance, la personne à qui on a menti étant susceptible de constamment soupçonner la personne qui lui a menti, par la suite.[1] Certaines personnes mentent carrément par habitude. « Les mensonges quotidiens font vraiment partie du tissu de la vie sociale », affirme Belle DePaulo, psychologue et experte du mensonge à l’Université de Virginie. Ses recherches ont démontré que les hommes, autant que les femmes, mentent dans près du cinquième de leurs échanges sociaux dont la durée dépasse 10 minutes. En l’espace d’une semaine, ils trompent ainsi environ 30 pourcent de ceux avec qui ils communiquent en tête à tête. De plus, certains types de rapports, comme ceux entre les adolescents et leurs parents, sont empreints de duplicité. Le mensonge fait partie intégrante de certaines professions : il est commun, pour les avocats, d’inventer des théories tirées par les cheveux en faveur de leurs clients ou encore, pour les journalistes, de se faire passer pour quelqu’un d’autre afin d’avoir accès à certains lieux ou à certaines personnes.[2]
Le mensonge est un vice méprisable, très répandu dans nos sociétés. Tromper les autres en usant de ruse est perçu comme un signe d’intelligence. Les personnages publics mentent. Le politiciens mentent. L’une des caractéristiques de notre époque est que le mensonge n’est plus stigmatisé comme il l’était, par le passé. De nos jours, le mensonge est devenu institutionnalisé. C’est devenu un mode de vie pour plusieurs d’entre nous, car nous avons réalisé que si nous arrivons à être suffisamment convaincants, mentir fonctionne. Des pays sont envahis et des guerres éclatent sur la base de mensonges. « Nous » ne mentons jamais, nous ne faisons que déguiser un peu la vérité, sans intention d’induire en erreur; mais les « autres », eux, sont véritablement menteurs. Nous vivons dans un monde qui a perfectionné l’art de mentir. Elle est désormais loin l’époque où un mensonge portait atteinte à l’honneur du menteur et le rendait indigne de confiance.
Le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a souligné l’importance de toujours dire la vérité et le danger de mentir de façon compulsive. Il a dit :
« La sincérité mène à la piété et la piété mène au Paradis. Un homme, à force de se montrer sincère, finit par être inscrit comme sincère auprès de Dieu. Mentir mène aux écarts de conduite et les écarts de conduite mènent à l’Enfer. Un homme, à force de mentir, finit par être inscrit comme menteur auprès de Dieu. »[3]
La sincérité consiste à dire des choses qui correspondent à la réalité et elle se situe à l’opposé du mensonge. Le mensonge est lié à l’hypocrisie, tel que l’a affirmé le prophète Mohammed :
« Si l’un de vous possède ces quatre caractéristiques, il est un pur hypocrite; et s’il ne possède qu’une d’entre elles, ils possède en lui une part d’hypocrisie jusqu’à ce qu’il s’en débarrasse. Ces quatre caractéristiques sont : chaque fois qu’on lui fait confiance, il trahit cette confiance; quand il parle, il ment; lorsqu’il fait une promesse, il la rompt; et lorsqu’il se dispute, il devient grossier. »[4]
Il est donc essentiel de faire de notre mieux pour nous débarrasser des traits de l’hypocrisie en ne trahissant pas la confiance que l’on nous accorde, en disant toujours la vérité, en respectant nos promesses et en ne nous montrant point grossiers.
Du point de vue de l’islam, le pire mensonge qu’une personne puisse proférer est un mensonge sur Dieu, Ses prophètes et Sa révélation, ou encore faire un faux témoignage. D’une manière générale, nous devrions prendre garde à ne pas utiliser de faux prétextes comme « j’étais trop occupé » ou « j’ai oublié », ou encore dire des choses qui ressemblent à des promesses, comme « je te rappellerai demain », sans avoir aucune intention de le faire. De même, le fait de ne pas mentir ne devrait pas être perçu comme de l’impolitesse (dire les choses comme elles sont). Mais nous devons prendre garde à ne pas mentir au sujet de « petites choses » sous prétexte que cela ne cause de tort à personne. Pour éviter cela, il est essentiel de toujours bien choisir nos mots.
Éviter le mensonge à tout prix est-il un principe absolu, en islam, ou y a-t-il des exceptions? Supposons qu’un homme voulant commettre un meurtre frappe à votre porte, à la recherche de sa victime. Moralement, devriez-vous lui dire : « Elle se cache là-haut, espérant que vous partiez »? Des philosophes tels que Kant ont laissé entendre que, moralement, c’était la bonne chose à répondre. Mais l’islam, lui, affirme que mentir, en de telles circonstances, est plus que justifié.