Voici une histoire parsemée d’intrigues et de duperies, de jalousie, d’orgueil et de passion. Non, il ne s’agit pas d’un épisode d’Amour, gloire et beauté. C’est une saga teintée de patience, de loyauté, de bravoure et de compassion. C’est l’histoire du prophète Joseph (que la paix soit sur lui), connu également dans les écritures juives et chrétiennes. Dieu révéla cette histoire au prophète Mohammed (que la paix soit sur lui) lorsqu’un Israélite lui demanda ce qu’il savait sur Joseph.[1] Les histoires, dans le Coran, sont généralement réparties sur plusieurs versets et plusieurs sourates. Mais l’histoire de Joseph est unique, car elle fut révélée en une seule sourate, du début à la fin. Cette sourate nous apprend les joies, les peines et les diverses épreuves de Joseph et nous fait découvrir le déroulement de sa vie sur plusieurs années, tandis qu’il s’arme de patience et de piété, pour sortir victorieux de cette incroyable saga. L’histoire de Joseph débute par un rêve et se termine par l’interprétation de ce rêve.
« Nous te racontons le meilleur récit, (ô Mohammed), en te révélant ce Coran, bien qu’auparavant tu étais du nombre de ceux qui sont inattentifs. » (Coran 12:3)
L’enfance de Joseph
Joseph était un jeune garçon heureux, très beau et très aimé de son père. Un matin, il se leva tout excité à cause d’un rêve qu’il avait fait et courut voir son père pour le lui raconter. Son père l’écouta attentivement et son visage devint rayonnant de joie, car Joseph venait de lui raconter un rêve qui parlait de la réalisation d’une prophétie.
« Joseph dit à son père : « Ô mon père ! J’ai vu, en rêve, onze étoiles, et aussi le soleil et la lune ; je les ai vus prosternés devant moi. » (Coran 12:4)
Joseph avait onze frères; son père était le prophète Jacob et son arrière-grand-père était nul autre que le prophète Abraham. Jacob interpréta ce rêve comme signifiant que Joseph serait celui de ses fils qui continuerait de porter la « lumière de la maison de Dieu »,[2] ce qui voulait dire qu’il fallait garder bien vivant l’appel d’Abraham à n’adorer qu’un seul et unique Dieu. Mais la joie, sur le visage de Jacob, s’estompa aussi vite qu’elle était apparue et il implora son fils de ne rien mentionner de son rêve à ses frères. Il dit :
« Ô mon fils, dit-il, ne parle pas de ta vision à tes frères, de crainte qu’ils n’ourdissent un complot contre toi. Satan est certainement, pour l’homme, un ennemi déclaré. Ainsi ton Seigneur te choisira et t’enseignera l’interprétation des événements. Il parachèvera Sa grâce sur toi et sur la famille de Jacob, tout comme Il l’a parachevée sur tes ancêtres, Abraham et Isaac. Ton Seigneur est certes Omniscient et Sage. » (Coran 12:5-6)
Jacob savait que ses fils, les frères de Joseph, n’accepteraient jamais son interprétation de ce rêve ni la nouvelle position de Joseph parmi eux. Il était donc en proie à une grande crainte. Les dix frères aînés de Joseph étaient déjà jaloux de lui, car ils voyaient bien l’affection particulière que lui portait leur père. Jacob était un prophète, un homme soumis à Dieu et il traitait les membres de sa famille et de sa communauté avec la plus grande équité, avec respect et amour; mais malgré lui, son cœur était attiré par les belles qualités de Joseph. Ce dernier avait également un frère plus jeune, Benjamin, qui, à cette époque, était trop jeune pour avoir pu participer, avec ses grands frères, au coup monté contre Joseph.
Tandis que les prophètes et les gens vertueux s’empressent de transmettre le message de Dieu aux hommes, le diable est toujours là, en attente, cherchant toute occasion de les appâter et de les détourner de la vérité. Il aime la duperie et la dissimulation et c’est pourquoi il ne perdit pas de temps pour semer le grain de la discorde dans le cœur des frères de Joseph. La jalousie qu’ils ressentaient envers leur frère aveugla leur cœur, les empêcha de raisonner normalement, leur fit voir les choses insignifiantes disproportionnées et les choses importantes insignifiantes. Joseph suivit le conseil de son père et ne parla point de son rêve à ses frères. Malgré cela, ils devinrent si imprégnés de leur sentiment de jalousie à son endroit que cela tourna à l’obsession. Sans même avoir eu connaissance du rêve qu’il avait fait, ils convinrent d’un plan pour le tuer.
Joseph et Benjamin étaient les fils de la seconde épouse de Jacob. Ses autres garçons se considéraient comme des hommes, car ils étaient plus âgés et plus forts, tandis qu’ils voyaient Joseph et Benjamin comme trop jeunes et ne faisant pas vraiment partie de leur vie familiale. Ils étaient incapables de comprendre pourquoi leur père les aimait tant. Le diable les amena à penser qu’ils avaient raison de vouloir tuer Joseph, avec l’intention de se repentir, par la suite!
« Lorsque (ses frères) dirent : « En vérité, Joseph et son frère sont plus chers à notre père que nous ne le sommes, bien que nous soyons nombreux. Notre père est vraiment dans l’erreur. » (L’un d’eux dit) : « Tuez Joseph ou envoyez-le au loin dans n’importe quel pays, afin que le visage de votre père ne se détourne plus de vous. Après cela, vous pourrez être des gens vertueux [en vous repentant]! » (Coran 12:8-9)
L’un des frères, cependant, se ravisa et suggéra, plutôt que de le tuer, de le jeter dans un puits. Il serait probablement trouvé par des voyageurs et vendu comme esclave, ce qui leur garantissait de ne plus jamais le revoir. Ils croyaient, dans leur aveuglement, que l’absence de Joseph finirait par l’effacer de l’esprit de leur père. Ils établirent donc leur plan, fiers d’eux-mêmes, convaincus d’avoir ourdi un complot sans faille. Ils vinrent voir Jacob et lui dirent qu’ils emmenaient Joseph avec eux, dans le désert, pour qu’il puisse jouer et prendre l’air. La crainte envahit alors le cœur de Jacob.
« Et Dieu est Souverain en Son commandement; mais la plupart des gens ne le savent pas. » (Coran 12:21)
L’histoire de Joseph confirme clairement que Dieu a le contrôle et le pouvoir sur toute chose. Car la tromperie et la trahison des frères de Joseph firent en sorte de préparer Joseph à occuper l’incroyable position qu’il allait finir par atteindre. L’histoire de Joseph nous rappelle l’omnipotence de Dieu et nous fait le récit de Son pouvoir et de Sa suprématie. L’histoire commence par une trahison, mais se termine par une grande joie, une juste récompense pour la patience et totale soumission à la volonté de Dieu dont fait preuve Joseph tout au long de son épreuve, durant laquelle il est confronté à la tromperie et aux complots des gens qui l’entourent.
La patience qu’acquit Joseph, à travers cette épreuve, en fit l’un des hommes les plus vertueux qui exista, lui qui descendait d’une lignée de prophètes : son père était Jacob, son grand-père était Isaac et son arrière-grand-père, Abraham.
Tromperie et trahison
Quand les frères aînés de Joseph demandèrent la permission de leur père pour emmener Joseph avec eux dans le désert (pour jouer, disaient-ils), la crainte envahit le cœur de Jacob. Il soupçonna immédiatement une trahison et exprima alors la crainte que le loup ne dévore Joseph. Il leur dit :
« Il [Jacob] dit : « En vérité, cela m’attriste que vous l’emmeniez avec vous; et je crains que le loup ne le dévore dans un moment où vous ne ferez pas attention à lui. » (Coran 12:13)
Mais le diable œuvre de manière très subtile et, avec ses paroles, Jacob fournit inconsciemment à ses fils un motif parfait pour expliquer la future disparition de Joseph. Jacob finit tout de même par accepter et Joseph partit avec ses frères dans le désert.
Ils se rendirent directement au puits et, sans aucun remord, saisirent Joseph et l’y lancèrent. Joseph, terrifié, se mit à crier et à pleurer, mais ils étaient trop cruels pour ressentir quelque pitié que ce fût envers leur frère. Ils avaient la conviction qu’un voyageur le trouverait et le vendrait comme esclave. Tandis que leur jeune frère continuait de crier, ils égorgèrent une petite chèvre de leur troupeau et tachèrent de son sang un vêtement appartenant à Joseph. Puis, ils firent un pacte où chacun jura de ne jamais dévoiler ce secret et s’éloignèrent, contents d’eux-mêmes. Terrifié, Joseph s’agrippa à une saillie, dans le puits, et c’est alors que Dieu lui appris qu’un jour, il confronterait ses frères; Il lui dit qu’un jour, il parlerait à ses frères de leur acte odieux, mais que ses frères ne réaliseraient pas qu’il était Joseph.
« (Un jour), tu leur parleras sûrement de cette affaire sans qu’ils se rendent compte [de ton identité]. » (Coran 12:15)
Les larmes ne sont pas une preuve de vérité
Les frères de Joseph revinrent chez leur père en larmes. Il faisait alors nuit et Jacob était assis, chez lui, attendant avec angoisse le retour de Joseph. Les pleurs de ses fils, qu’il entendit de l’intérieur avant même qu’ils n’entrent, confirma sa plus grande crainte. L’obscurité de la nuit n’avait d’égale que la noirceur de leurs cœurs. Les mensonges sortirent aisément de leurs bouches, mais Jacob n’était pas dupe.
« Ils dirent : « Ô notre père! Nous sommes allés faire une course, entre nous, et nous avons laissé Joseph près de nos effets; et le loup l’a dévoré. Mais tu ne nous croiras jamais, quand bien même nous te disons la vérité. » Ils apportèrent sa chemise tachée d’un faux sang. » (Coran 12:17-18)
Dans un recueil d’histoires sur les hommes vertueux qui vécurent après le prophète Mohammed, il y a cette histoire d’un juge musulman qui devait décider du cas d’une vieille dame. Les détails de l’affaire n’ont pas d’importance, ici, mais il suffit de dire que la vieille dame pleurait et pleurait encore. Sur la base des preuves qu’on lui avait présentées, le juge la déclara coupable. Un ami du juge lui dit, plus tard : « Mais elle pleurait et pleurait; elle est vieille, pourquoi ne l’as-tu pas crue? » Le juge répondit : « Ne sais-tu pas, par le Coran, que les larmes ne sont pas des preuves de vérité? Les frères de Joseph sont revenus voir leur père en larmes, mais ils avaient quand même commis le crime. »
Jacob et Joseph furent tous deux parmi les hommes les plus nobles qui existèrent. Le prophète Mohammed a décrit Joseph comme l’homme le plus digne et le plus généreux qui fut. Lorsqu’on lui demanda qui était l’homme qui craignait le plus Dieu, il répondit : « La personne la plus honorable qui fut est Joseph, le prophète de Dieu, fils d’un prophète de Dieu, fils du plus bien-aimé serviteur de Dieu (Abraham). »[1]
Tandis que Joseph était assis au fond du puits, terrifié mais toujours aussi soumis à Dieu, Jacob, des kilomètres plus loin, avait le cœur serré par la crainte et la douleur, car il savait que ses fils mentaient. Il leur dit :
« Non, votre âme vous a plutôt suggéré quelque chose. Il ne me reste plus qu’à m’armer d’une belle patience. Et c’est auprès de Dieu qu’il me faut chercher secours contre ce que vous racontez. » (Coran 12:18)
Jacob était dans un dilemme : qu’allait-il faire? Il savait que ses fils mentaient, mais quelles étaient ses options? Comme c’était un homme entièrement soumis à Dieu, il comprit qu’il n’avait aucun pouvoir sur cette affaire et qu’il n’avait d’autre choix que de s’en remettre totalement à Dieu et de se tourner vers Lui avec espoir et patience.
Au fond du puits, Joseph pria. Le père et le fils se tournèrent vers Dieu dans l’obscurité de la nuit, le cœur à la fois rempli de crainte et d’espoir. Pour Jacob, le jour se leva sur une période de plusieurs années durant lesquelles il n’aurait d’autre choix que de s’armer de patience et d’avoir confiance en Dieu. Pour Joseph, les premiers rayons de soleil se pointèrent sur le rebord du puits. S’il avait pu voir l’horizon, il aurait aperçu une caravane approchant. Quelques minutes plus tard, un homme fit descendre son seau dans les profondeurs du puits, s’attendant à y trouver de l’eau fraîche.
Égarés par les suggestions du diable et le cœur rempli de jalousie et d’orgueil, les frères de Joseph trompèrent leur père, Jacob, et trahirent leur jeune frère. Jeté au fond d’un puits par ses frères, Joseph, le fils bien-aimé de Jacob, s’agrippa à une saillie et passa la nuit à implorer Dieu. Le temps fila très lentement, jusqu’au lever du soleil. C’est là qu’une caravane se rendant en Égypte passa près du puits.
Lorsqu’elle s’y arrêta, et tandis que les voyageurs s’occupaient chacun de ses affaires, celui qui était responsable de rapporter l’eau du puits alla y faire descendre son seau. Joseph vit ce seau descendre vers lui avec une certaine appréhension, mais avant même qu’il ne touche l’eau, il tendit le bras et s’agrippa à la corde. Surpris par le poids du seau, l’homme se pencha au-dessus du puits pour regarder à l’intérieur. Il fut à la fois choqué et excité de voir un jeune garçon agrippé à la corde. L’homme appela ses compagnons de voyage pour qu’ils l’aident à faire remonter le garçon et tous furent saisis d’étonnement à la vue de ce beau garçon, à l’aube de l’adolescence, qui se dressait maintenant devant eux.
Regardant le garçon, celui qui l’avait trouvé ne put contenir son excitation et s’exclama : « Quelle bonne nouvelle! » (Coran 12:19) Il était content parce qu’il savait qu’il pourrait vendre Joseph et qu’il en aurait un très bon prix sur le marché de l’esclavage. Exactement comme l’avaient prédit les frères de Joseph, les hommes de la caravane l’emmenèrent avec eux, en Égypte, dans l’espoir de le vendre à bon prix. Les marchés d’esclaves d’Égypte étaient bondés; des gens achetaient, d’autres vendaient, tandis que d’autres ne faisaient qu’observer. Le très beau garçon trouvé au fond du puits attira tout de suite l’attention. Les prix proposés augmentaient sans cesse et Joseph finit par être acheté par Aziz, premier ministre d’Égypte.
Cependant, Dieu nous dit, dans le Coran, qu’ils le vendirent à bas prix (12:20). Cela semble étrange, puisque les hommes de la caravane jubilaient en pensant au prix qu’ils en tireraient. Mais Dieu décrit le prix comme dérisoire parce qu’en réalité, Joseph valait bien plus que le prix le plus élevé qu’on pouvait offrir pour l’acheter. Ils n’avaient aucune idée de ce que cet enfant allait devenir, en grandissant. Ils croyaient que, bien que très beau, il demeurerait un être insignifiant. Rien ne pouvait être plus loin de la vérité, car cet homme allait devenir un grand prophète de Dieu.
Dans la maison d’Aziz
Aziz, le premier ministre, soupçonna tout de suite que ce garçon était loin d’être insignifiant. Il l’emmena chez lui, dans sa maison, qui était un des plus grands domaines d’Égypte, et dit à sa femme :
« Accorde-lui un séjour honorable. Il se peut qu’il nous soit utile ou que nous l’adoptions comme fils. » Ainsi avons-Nous établi Joseph dans cette contrée, afin de lui enseigner l’interprétation des événements. » (Coran12:21)
Dieu avait fait entrer Joseph dans la maison de la deuxième plus importante personne d’Égypte. Aziz était plus qu’un premier ministre : il était également le trésorier d’Égypte. Dieu établit donc Joseph dans ce pays afin de lui enseigner la sagesse et l’interprétation. La force de caractère et la patience que devait déployer Joseph pour surmonter la séparation d’avec son père et sa famille, l’amertume d’avoir été trahi par ses frères, l’épreuve du puits et l’humiliation d’être vendu comme esclave étaient toutes des épreuves destinées à forger le caractère de Joseph. Elles constituaient les premiers échelons sur l’échelle de la noblesse et de la grandeur d’âme. Dieu utilisa la trahison des frères de Joseph pour réaliser Son dessein d’établir Joseph comme prophète de Dieu.
Les frères de Joseph croyaient avoir le contrôle de la situation lorsqu’ils jetèrent leur jeune frère dans le puits, mais en réalité, c’est Dieu qui contrôle tout. C’est pourquoi Son plan allait se réaliser en dépit de la trahison, de la jalousie et de l’orgueil des autres.
Joseph se retrouva donc au beau milieu du centre de décision d’Égypte, avec un homme qui semblait bon et en quelque sorte conscient des qualités très particulières de Joseph. Tandis que son père et son frère Benjamin lui manquaient terriblement, il était tout de même bien traité et vivait dans un environnement luxueux. C’est dans la maison d’Aziz qu’il devint un homme et Dieu le dota de sagesse et de savoir (prophétie).
« Et quand il eut atteint sa maturité, Nous lui accordâmes sagesse et savoir. C’est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants. » (Coran12:22)
C’est donc deux grandes qualités que Dieu donna à Joseph; l’habilité à comprendre et à interpréter et l’habilité à utiliser son bon jugement lorsqu’il fallait mettre son savoir en pratique. Cela est rarement le cas, car nombreux sont ceux qui, à travers l’histoire, ont eu du savoir sans arriver à le mettre correctement en pratique ou sans avoir suffisamment de jugement pour l’appliquer.
L’un des grands érudits de l’islam, Imam Abou Hanifa, tenait régulièrement des sessions d’apprentissage islamique au cours desquelles il proposait un sujet de débat. Le sujet était débattu, chacun donnait son opinion et Abou Hanifa donnait son verdict final. Cette manière d’enseigner était unique, à l’époque. Dans ce cercle d’étude se trouvait un spécialiste des hadiths (narrations du prophète Mohammed) et un jour, il en récita un qu’Abou Hanifa n’avait jamais entendu. Juste à ce moment, une femme s’approcha du cercle et posa une question. Le spécialiste des hadiths lui dit qu’il ne connaissait pas la réponse à sa question, mais Abou Hanifa y répondit. Puis il se tourna vers les autres membres du cercle et dit : « J’ai su la réponse à cette question grâce au hadith que notre frère venait tout juste de mentionner. »
Il est donc possible de détenir un savoir, mais de ne pas savoir le mettre en pratique. Le prophète Joseph, comme tous les prophètes de Dieu, reçut donc le savoir, puis la sagesse pour le comprendre et le mettre en pratique.
Bien que trahi par ses frères et vendu comme esclave, Joseph, le fils du prophète Jacob, fut établi dans une des plus grandes maisons d’Égypte. Son maître, al-Aziz, premier ministre d’Égypte, fit la promesse de le bien traiter et Joseph, reconnaissant pour sa sécurité relative, répondit qu’il serait loyal à son nouveau maître. Et tout au fond de lui, il remercia Dieu de l’avoir tiré de sa fâcheuse situation et de l’avoir établi dans une place où il ne serait pas maltraité ni abusé. Joseph passa donc de fils bien-aimé à prisonnier des profondeurs d’un puits, puis d’esclave menotté à esclave occupant une position enviable parmi les gens de sa catégorie. Et c’est dans la maison d’al-Aziz qu’il devint un homme.
Les érudits musulmans ont évalué que Joseph avait environ 14 ans lorsqu’il fut trahi par ses frères. L’Imam Ibn Kathir, l’un des plus grands spécialistes du Coran, explique, dans son ouvrage intitulé « Histoires des prophètes », que Joseph était l’attaché de l’épouse d’al-Aziz. Ibn Kathir décrit Joseph comme obéissant, poli et extrêmement beau. Le prophète Mohammed a également décrit Joseph et l’a appelé « la personnification de la moitié de toute la beauté existante ». Comme Joseph grandissait, Dieu lui donna la sagesse et un bon sens du jugement; al-Aziz reconnut ces qualités chez son loyal serviteur et c’est pourquoi il lui confia la charge des affaires de la maisonnée. Tous ceux qui le connaissaient, y compris l’épouse d’al-Aziz, reconnaissaient sa beauté, son honnêteté et sa noblesse. L’épouse d’al-Aziz vit Joseph grandir et devenir un homme et se sentit de plus en plus attirée vers lui au fur et à mesure que les jours passaient.
L’épreuve
« Or, celle qui l’avait reçu dans sa maison chercha à le séduire. Elle verrouilla les portes et dit : « Viens! » (Coran 12:23)
Un jour, la très belle épouse d’al-Aziz verrouilla les portes et tenta de séduire Joseph, son esclave; mais il repoussa ses avances et chercha refuge auprès de Dieu. Il dit à cette femme qu’il ne trahirait pas son mari. Il lui dit : « Il a été bon avec moi et m’a traité avec respect. » Joseph savait que ceux qui commettent le mal ne réussissent jamais. Mais l’épouse d’al-Aziz, esclave de son propre désir, fit tout pour l’assouvir. C’est alors que Joseph tenta de s’échapper. Le prophète Mohammed nous a dit que si quelqu’un a l’intention de commettre une mauvaise action et qu’il la commet, Dieu la lui inscrira comme une seule mauvaise action. Mais s’il a l’intention de commettre une mauvaise action et qu’il se ravise, Dieu la lui inscrira comme une bonne action.[1]
Joseph, donc, résista et chercha refuge auprès de Dieu, tout en cherchant un moyen de se sortir de cette situation. Cette femme, qui faisait partie de la très haute société égyptienne, était habituée à ce que tout le monde réponde à ses désirs dans l’instant. Mais Joseph n’était pas un homme ordinaire et quand il invoqua Dieu, Dieu vint à sa rescousse.
« Elle le désirait vraiment, et il l’aurait désirée aussi n’eut été ce qu’il vit comme preuve évidente de son Seigneur. Ainsi avons-Nous agi, afin d’écarter de lui le mal et l’indécence. Il était certes un de Nos serviteurs élus. » (Coran 12:24)
Joseph est l’un des leaders de ceux à qui Dieu offrira de l’ombre au Jour du Jugement. Le prophète Mohammed a expliqué que la chaleur, au Jour du Jugement, sera très intense et que les gens attendront, terrifiés, d’être jugés par Dieu. Il y aura, cependant, certaines catégories de personnes qui seront à l’abri de cette terrible chaleur. Parmi elles, un homme qui aura résisté à la tentation d’une femme belle et désirable en cherchant refuge auprès de Dieu.[2]
Le refus de Joseph, cependant, ne fit qu’intensifier le désir de cette femme. Il tenta de s’échapper et ils se mirent à courir tous deux vers la porte, l’un à la suite de l’autre. L’épouse d’al-Aziz attrapa la chemise de Joseph et la déchira à l’arrière. Juste à ce moment, la porte s’ouvrit et al-Aziz entra dans la pièce. Immédiatement, sans aucune hésitation, son épouse tenta de renverser la situation. Elle s’écria : « Quelle serait la punition pour quiconque a cherché à faire du mal à ta famille? » Elle proféra ce mensonge avec la plus grande facilité et suggéra que l’on jette Joseph en prison. Joseph tenta de se défendre et dit : « C’est elle qui a voulu me séduire. » (Coran 12:25 – 26) Mais un membre de leur famille qui passait par là et qui fut mis au fait de la situation offrit de régler ce dilemme. Il dit :
« Si sa chemise est déchirée par devant, alors elle dit la vérité tandis qu’il ment. Mais si sa chemise est déchirée par derrière, alors c’est elle qui ment, tandis qu’il dit la vérité. » (Coran 12:27 – 28)
Sa chemise était effectivement déchirée à l’arrière, ce qui signifiait qu’il avait tenté de s’échapper et qu’elle l’avait poursuivi et rattrapé par la chemise. C’était indubitable. Al-Aziz, bien que clairement en colère contre son épouse, était surtout soucieux d’étouffer cette affaire. Il ne voulait pas que son nom et son statut soient souillés par un scandale. Il demanda à Joseph de garder le silence et conseilla à sa femme de se repentir à Dieu. Cela aurait dû marquer la fin de l’affaire, mais comme c’est souvent le cas dans la haute société, les gens ont beaucoup de temps libre à passer autour d’une table, à jaser et à s’échanger les derniers potins.
Les femmes
Les femmes de la ville ne mirent pas longtemps à faire circuler la rumeur voulant que l’épouse d’al-Aziz avait tenté de séduire son esclave Joseph. La rumeur se répandait rapidement et les femmes se demandèrent comment elle avait pu éprouver du désir pour un esclave, au point de salir ainsi sa réputation. L’épouse d’al-Aziz se dit donc qu’elle devait donner une leçon à ces femmes et leur faire voir, de leurs propres yeux, à quel point Joseph était beau et désirable. Elle les invita donc pour un goûter. Elle prépara une superbe table et mis à leur disposition des couteaux pour couper la nourriture. Ces femmes, qui se croyaient probablement meilleures que l’épouse d’al-Aziz, commençaient à manger lorsque Joseph entra dans la pièce. Elles levèrent la tête, virent son incroyable beauté et, oubliant qu’elles avaient des couteaux dans les mains, littéralement en transe devant cet homme, se coupèrent accidentellement. Puis, elles décrivirent Joseph comme un ange noble. L’épouse d’al-Aziz, fière et hautaine, dit à ses invitées :
« Voilà donc celui à propos duquel vous me blâmiez. J’ai tenté de le séduire, mais il s’est avéré chaste. Mais s’il ne fait pas ce que je lui commande, il sera certainement emprisonné et sera certes parmi les humiliés. » (Coran 12:32)
Qu’allait-il advenir de Joseph? Encore une fois, plein d’humilité, il se tourna vers Dieu et Lui confia que la prison était préférable que de succomber aux désirs des femmes. Alors son Seigneur répondit à son invocation.