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De nombreux athées répondent à cette question sur la moralité en citant le dilemme d’Euthyphron : Une chose est-elle moralement bonne parce que Dieu la commande ou Dieu commande-t-Il une chose parce qu’elle est moralement bonne?





Le dilemme pose un problème pour le théiste qui croit en un Dieu Tout-Puissant parce qu’il le contraint à croire en l’une ou l’autre de ces prémisses : soit la moralité est définie par le commandement de Dieu, soit elle est indépendante de Son commandement.  Si la moralité est basée sur le commandement de Dieu, le bien et le mal deviennent arbitraires.  Si tel est le cas, il n’y a rien que nous, humains, puissions reconnaître comme objectivement mauvais.  Cela impliquerait qu’il n’y ait rien d’intrinsèquement mal dans le fait, par exemple, de tuer des gens innocents, car Dieu n’aurait apposé à cet acte une étiquette « mauvais » que de façon arbitraire.  L’autre facette de ce dilemme implique que des normes morales existeraient de façon indépendante, sans lien avec l’essence et la nature de Dieu, et que Dieu Lui-même serait obligé de se plier à ces normes.  Cette idée est inacceptable pour le théiste, car elle le contraint à reconnaître que Dieu n’est pas Tout-Puissant ni indépendant et qu’Il doit se plier à des normes indépendantes de Lui.





À prime abord, ces arguments peuvent sembler valides.  Mais une bonne réflexion nous le fait voir comme un faux dilemme.  Car il y a une troisième possibilité: Dieu est bon.  Dans son ouvrage intitulé The Qu’ran and the secular mind (Le Coran et la pensée laïque), Shabbir Akhtar, professeur de philosophie, explique :





« Il y a une troisième alternative : un Dieu moralement stable, tel qu’on Le retrouve dans les écritures, un être suprême qui ne change pas d’avis de manière arbitraire sur le caractère bon de la compassion et le caractère mauvais des comportements sexuels déplacés.  Un tel Dieu commande toujours le bien parce que Son caractère et Sa nature sont empreints de bonté inhérente. »[1]





Ce que dit le professeur Akhtar, c’est qu’il existe bel et bien des normes morales, mais contrairement à ce que laisse entendre le dilemme, elles ne sont pas indépendantes de Dieu, mais découlent de Sa nature.  Les musulmans et les théistes en général croient que Dieu est bon et parfait.  Ainsi, des normes morales parfaites et non-arbitraires sont inhérentes à Sa nature.  Cela signifie que les actions d’un individu – par exemple, le meurtre d’innocents – ne sont pas arbitrairement mauvaises, car elles sont jugées sur la base de normes morales objectives.  Mais il ne faut pas croire que Dieu serait soumis à ces normes morales parce qu’elles font partie de Son essence.  Elles définissent Sa nature, mais ne sont pas indépendantes de Lui.





La réponse habituelle d’un athée serait : « Il faut d’abord savoir ce qu’est le bien pour pouvoir définir Dieu comme bon; il est donc impossible de résoudre ce problème ».  Une réponse simple serait plutôt que c’est Dieu qui définit ce qu’est le bien.  Il est le seul Être qui mérite d’être adoré, car Il est parfait.  Le Coran affirme :





« Votre Dieu est un Dieu unique.  Nul ne doit être adoré en dehors de Lui, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. » (Coran 2:163)





« C’est Lui, Dieu, en dehors de qui il n’y aucune autre divinité, le Connaisseur de l’invisible et du visible; Il est le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. C’est Lui, Dieu, en dehors de qui il n’y aucune autre divinité, le Seigneur souverain, le Pur, l’Apaisant, le Rassurant, le Gardien, le Puissant, le Contraignant, le Suprême.  Gloire à Dieu! [Il est] bien au-dessus de tout ce qu’ils Lui associent. C’est Lui, Dieu, le Créateur, Celui qui donne un commencement à toute chose et qui en détermine la forme.  Les plus beaux noms Lui appartiennent.  Tout ce qui est dans les cieux et sur la terre Le glorifie, et c’est Lui le Puissant, le Sage. » (Coran 59:22-24)





En résumé, les vérités morales sont dérivées de la volonté de Dieu, laquelle s’exprime à travers Ses commandements.  Et Ses commandements ne contredisent point Sa nature, qui est parfaitement bonne, sage, pure et parfaite.





Existe-t-il des fondements alternatifs aux règles morales objectives?





De nombreux athées affirment qu’il existe des explications alternatives pouvant expliquer pourquoi certaines règles morales sont objectives.  Ces explications incluent la biologie, la pression sociale et le réalisme moral.





 





Biologie





La biologie peut-elle expliquer la moralité objective?  Une réponse simple est non.  Charles Darwin fournit un « exemple extrême » intéressant de ce qui se produit lorsque la biologie ou la sélection naturelle constitue le fondement de la moralité.  Il affirme que si nous étions le résultat d’un ensemble différent de conditions biologiques, alors ce que nous considérons comme moralement objectif pourrait être totalement différent.  Il écrit : « Si l’homme était élevé dans exactement les mêmes conditions que les abeilles, il ne fait aucun doute que les femmes non-mariées considèreraient, comme les abeilles ouvrières, qu’il est de leur devoir sacré de tuer leurs frères.  Les mères, elles, tueraient leurs filles fertiles et personne ne songerait à intervenir. »[2]





Autrement dit, si les règles morales dépendaient de la biologie qui, elle, est constamment sujette aux changements, elles seraient elles aussi sujettes à ces changements et ne sauraient donc être objectives.  Si l’on s’inspire de l’exemple de Darwin, si nous étions élevés dans les mêmes conditions que le requin-nourrice, nous trouverions acceptable de violer notre partenaire, puisque ce type de requin se bagarre toujours avec son partenaire.[3]  Certains répondent à cela en affirmant que c’est justement la sélection naturelle qui constitue la base de notre sens de l’objectivité morale.  Mais c’est faux.  Conceptuellement, tout ce que peut faire la sélection naturelle est de nous donner la possibilité de formuler des règles morales qui nous aideront à survivre et à nous reproduire.  Comme l’écrit le philosophe Philip Kitcher: « Tout ce que la sélection naturelle peut avoir fait, pour nous, c’est de nous doter d’une capacité pour divers agencements sociaux et pour formuler des règles éthiques. »[4]





Maintenir que la biologie procure des bases pour établir des règles morales dépouille de tout sens ces mêmes règles; elles deviennent insensées, car elles ne sont que le résultat de changements biologiques non-rationnels et inconscients.  Cependant, le fait que la moralité provienne de commandements divins lui donne un sens, car être une personne morale revient à respecter ces commandements.  Autrement dit, nous avons des devoirs moraux envers Dieu.  Nous ne pouvons devoir quoi que ce soit à un ensemble de molécules.





Pression sociale





La seconde alternative est la pression sociale, ou le consensus.  C’est là que nombre d’athées et d’humanistes trouvent difficile de s’en sortir, philosophiquement parlant.  Si la pression sociale constitue réellement la base de la moralité objective, cela la rend très relative, car elle est sujette à des changements sociaux inévitables.  Ensuite, cela mène à des absurdités morales.  Si l’on accepte le consensus comme fondement à la moralité, comment justifier notre position morale envers les Nazis lors de la Seconde Guerre Mondiale?  Comment pouvons-nous prétendre que ce qu’ils ont fait était, objectivement, moralement mauvais?  C’est impossible.  Même si l’on souligne que certaines personnes, en Allemagne, ont combattu les Nazis, il demeure qu’il existait un consensus important ayant permis de soutenir ce mal.  Il existe, dans l’histoire de l’humanité, de nombreux autres exemples similaires.





Le réalisme moral





La dernière alternative est le réalisme moral.  Le réalisme moral, que l’on appelle aussi l’objectivisme moral, est cette vision selon laquelle les règles morales sont objectives et indépendantes de notre esprit et de nos émotions.  Mais la différence entre le réalisme moral et ce que cet article défend est que ceux qui soutiennent le réalisme moral affirment qu’il ne nécessite aucun fondement.  Ainsi, des vérités morales telles la compassion, la justice et la tolérance n’existeraient que de façon objective.





Il y a certains problèmes avec cette position.  D’abord, comment affirmer que la justice ou que les valeurs morales objectives existent d’elle-même?  Ces affirmations sont contraires à l’intuition et dépourvues de sens.  Il faut comprendre que si les règles morales sont objectives (en ce sens qu’elles existent en dehors des opinions personnelles des individus), elles requièrent forcément une explication rationnelle.  Ensuite, la moralité ne se limite pas à reconnaître des valeurs comme la compassion ou la justice; elle implique un sens du devoir : nous sommes obligés d’être compatissants et justes.  Dans un contexte de réalisme moral, de telles obligations sont impossibles, car reconnaître qu’une vérité morale est objective n’assure pas que nous soyons obligés de la mettre en pratique.  Une obligation morale ne découle pas spontanément du fait de reconnaître qu’elle est objective.  Mettre en pratique une obligation morale n’a de sens que si elle est due.  Le réalisme moral n’apporte aucun incitatif à se sentir obligé d’être moral.  Mais si ces vérités morales sont issues de commandements divins, non seulement sont-elles objectives, mais elles justifient l’obligation d’être moral, i.e. un devoir d’obéir aux commandements de Dieu.





Il est donc évident que l’objectivité morale requiert l’existence de Dieu, car Il est extérieur à l’univers.





En dernier recours, certains athées tentent d’éviter l’embarrassement intellectuel en répondant à la conclusion qui précède en niant que la moralité soit objective.  Très bien.  Je suis d’accord.  Si quelqu’un n’accepte pas l’axiome selon lequel les règles morales sont objectives, l’argument ne tient pas.  Mais c’est une lame à double tranchant.  Dès que l’athée nie l’objectivité de la morale, il n’a pas le droit de pointer du doigt la religion ou, plus précisément, l’islam, de manière objective.





Il ne peut même pas pointer du doigt le KKK ou ISIS.  Mais l’ironie, ici, est que c’est exactement ce que font beaucoup d’athées.  Ils établissent des jugements moraux à saveur objective.  Ils devraient rattacher une mise en garde à tous leurs jugements moraux et dire, simplement : « Ceci est mon point de vue subjectif ».  Mais faire cela rendrait leurs désaccords ou leur outrage vains.  Au fond, la majorité des êtres humains sains d’esprit ne nient pas l’objectivité de certaines règles morales de base, comme l’interdiction de tuer ou d’abuser d’autrui.





Mal comprendre l’argument





Certains athées, et même certains universitaires, comprennent mal l’argument en associant l’épistémologie morale et l’ontologie morale.  L’argument que j’ai présenté jusqu’ici ne s’intéresse pas à comment définir ce qui est bien, ce qui concerne l’épistémologie morale – il s’intéresse à la provenance et à la nature des règles morales, ce qui concerne l’ontologie morale.  Les commandements de Dieu fournissent la base ontologique pour que les règles morales soient objectives. 





Cet article ne s’intéresse pas à l’épistémologie morale, mais à l’ontologie morale, qui concerne les fondements et la nature de la moralité.  Pour simplifier : si quelque chose est bon, est-il objectivement bon?  S’il est objectivement bon, ce fait requiert l’existence de Dieu, car Il est le fondement du bien objectif.  Cet argument ne s’intéresse pas à la façon dont nous pouvons déterminer qu’une chose est bonne.





Absolu vs objectif





Une question qui pourrait être soulevée par des théologiens en herbe est qu’au sein du discours théologique islamique (et pratiquement tous les systèmes de justice au monde), le fait de tuer devient permis dans certaines situations bien précises (comme se défendre ou défendre sa famille).  Par conséquent, rien n’est objectivement mauvais.  C’est là une réflexion intéressante, mais elle associe la moralité absolue et la moralité objective, alors que les deux sont très différentes.  La moralité absolue implique le fait qu’un acte moral soit bon ou mal indépendamment du contexte.  Par exemple, une personne qui croit que le meurtre est absolument mal croira également qu’il est absolument mal même en contexte de défense.  La moralité objective, cependant, reconnaît que certains actes moraux sont liés à certains contextes.  Un fait moral objectif pourrait être : tuer des êtres humains sans justification appropriée est mal.  Cela laisse également entendre que le meurtre est, généralement, un acte injustifié. 





Remarque sur le relativisme éthique





Un relativiste moral, qui maintient que la moralité est relative aux normes culturelles, affirmerait qu’une discussion sur la moralité absolue et objective démontre que les règles morales ne sont pas objectives.  Ceux qui maintiennent que les règles morales sont objectives affirmeraient que ce que les gens croient ou ressentent n’est pas pertinent et ne change rien aux vérités morales objectives (et c’est précisément là la définition de l’objectivité).  De ce point de vue, le relativisme éthique est invalide, car il désigne les pratiques culturelles pour réfuter ce qui est objectivement vrai.  Cela est voué à l’échec parce que la définition de la moralité objective est que les règles morales sont indépendantes des sentiments, des croyances et des pratiques culturelles.  Alors les utiliser pour nier l’objectivité morale est insensé.





Cet article a des conséquences saisissantes pour l’athée.  S’il considère certaines règles morales comme objectives, il doit admettre que Dieu existe – car Il est l’unique fondement rationnel pour l’existence de la moralité objective – et il doit donc fournir une alternative convaincante.  S’il en est incapable, il doit ignorer sa disposition innée à reconnaître le bien et le mal objectifs et rejeter la notion de moralité objective.  Une fois cela fait, ses jugements moraux envers l’islam seront réduits au niveau de subjectivité personnelle.  Du point de vue de la moralité, cet argument rend sensé le concept islamique du divin.  Dieu est parfaitement bon et sage et Ses commandements ne contredisent pas Sa nature parfaite.  Par conséquent, Ses commandements sont parfaitement bons.  Savoir cela, au sujet de Dieu, apporte une base aux règles morales objectives.  Autrement dit, connaître Dieu, c’est connaître le bien.





 



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