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Le Jésus musulman


Rachid Maach


Découverte de l’islam


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1ère édition : 2022


Le Jésus musulman Sommaire


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Sommaire


Introduction ................................ ...................... 4


Jésus, soumis à Dieu ................................ ........ 6


Jésus, monothéiste ................................ ......... 18


Jésus annonce Muhammad et l’islam ........... 29


Jésus dans le Coran ................................ ........ 43


Jésus dans la tradition islamique .................. 58


Conclusion ................................ ...................... 65


Le Jésus musulman Introduction


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Introduction


Nul doute que le titre de cet ouvrage - Le Jésus musulman - en intriguera plus d’un, en particulier parmi les chrétiens qui, dans leur ignorance de l’islam, se demanderont quel rapport il peut bien y avoir entre le Christ et l’islam. Les musulmans, quant à eux, ne seront guère surpris par ce titre volontairement provocateur. Ils savent en effet que Jésus occupe une place centrale en islam où il figure parmi les cinq plus grands prophètes que sont Noé, Abraham, Moïse, Muhammad et donc Jésus.


Ils savent également que son nom apparaît vingt-cinq fois dans le Coran, tandis que le nom de Muhammad n’y revient que quatre fois. Ils savent aussi que Marie est le seul nom féminin cité dans le Coran où il n’est fait mention ni de la mère, ni des épouses, ni des filles du Prophète de l’islam.


Ils lisent dans le Coran ces versets qui font l’éloge de Jésus de manière bien plus sublime que beaucoup de versets des évangiles : (Les anges dirent : « Marie ! Dieu t’annonce la naissance d’un fils né d’un verbe émanant de Lui, qui aura pour nom le Messie, Jésus fils de Marie, honoré ici-bas et dans l’au-delà, et du nombre des plus proches élus du Seigneur. Il parlera aux hommes dès le berceau, prêchera la bonne parole à l’âge mûr et sera du nombre des croyants pleins de vertu. »)1


1 Sourate 3, versets 45-46. La traduction du Coran utilisée dans cette étude est celle de Rachid Maach et la traduction de la Bible, Ancien et Nouveau Testament, celle de Louis Segond (1910).


Le Jésus musulman Introduction


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Ils savent aussi que nul n’a loué le Christ ou sa mère comme le Prophète de l’islam qui a affirmé au sujet de Jésus : « Les prophètes sont des frères consanguins, leurs mères sont différentes, mais leur religion est unique. Quant à moi, je suis le plus proche de Jésus fils de Marie, car il n’y a pas eu de prophète entre lui et moi. »1 Et à propos de Marie : « La meilleure des femmes fut Marie. »2


Le Jésus musulman, s’il jouit du respect et de l’amour des musulmans, est bien différent du Jésus du christianisme. Car si les chrétiens l’ont élevé au rang de divinité, les musulmans le considèrent seulement comme le Messie promis aux juifs. Si les chrétiens prétendent qu’il a été envoyé à toute l’humanité, les musulmans affirment qu’il n’a été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël. Et si les chrétiens en font un rédempteur venu mourir pour les péchés de l’humanité, les musulmans en font un intercesseur venu intercéder pour le pardon des hommes.


1 Rapporté par Abû Dâwûd.


2 Rapporté par Al-Bukhâri et Muslim.


Le Jésus musulman 1. Jésus, soumis à Dieu


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Chapitre 1


Jésus, soumis à Dieu


1- Que signifie être musulman ?


Afin de comprendre en quoi Jésus fut fondamentalement et foncièrement musulman, il est important d’étudier le sens étymologique de ce mot qui diffère de son sens historique. Historiquement, l’islam désigne cette religion monothéiste qui naît au 6ème siècle de l’ère chrétienne en Arabie avant de s’étendre à une large partie du globe. De ce point de vue, parler d’un Jésus musulman serait clairement anachronique. En revanche, le sens étymologique du terme « islam » correspond parfaitement à l’état de Jésus durant sa vie terrestre, comme nous le démontrerons dans la suite de notre développement.


Voici ce que dit le dictionnaire le Grand Robert à l’entrée « Islam » : « Soumission, résignation, nom d’action, du verbe aslama « il s’est soumis », spécialement « il s’est soumis (à Dieu) ». Etymologiquement, le terme arabe « islam » désigne donc la soumission volontaire à Dieu. Le musulman est celui qui se soumet à son Créateur en obéissant à Ses commandements, en Lui vouant un culte exclusif et sincère et en se prosternant humblement devant lui, autant de caractéristiques qui s’appliquent parfaitement à Jésus.


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Le Christ peut donc, de ce point de vue, être décrit sans difficulté comme un musulman, à l’image d’ailleurs de l’ensemble des prophètes bibliques, et même des croyants de toutes les religions à une époque déterminée. Les juifs fidèles à la Torah étaient en effet « soumis » à Dieu jusqu’à l’avènement de Jésus-Christ, devenant ensuite mécréants pour avoir renié sa mission, à l’exception évidemment des juifs qui embrasseront la foi chrétienne. De la même manière, les chrétiens fidèles au message de Jésus furent « soumis » à Dieu jusqu’à l’avènement du prophète Muhammad, reniant ensuite la foi pour avoir rejeté son message. Si l’on excepte là encore les chrétiens, très nombreux, qui embrasseront l’islam.


Qu’en est-il du non musulman ? Celui-ci est également, par nature, soumis aux lois et à la volonté de son Seigneur, mais sans se soumettre volontairement à Ses commandements, en refusant notamment de lui obéir, de l’adorer et de se prosterner devant lui. Le Très Haut dit dans le Coran : (Désirent-ils une autre religion que celle de Dieu alors que tous les êtres qui peuplent les cieux et la terre se soumettent de gré ou de force à lui et que c’est à lui qu’ils seront ramenés ?)1 Dieu dit de même dans un autre verset coranique : (A Dieu seul sont soumis, bon gré mal gré, tous les êtres qui peuplent les cieux et la terre)2.


Tous les hommes sont donc soumis aux lois naturelles et à la volonté de leur Créateur qui a écrit leur destin et dirige leurs vies, qu’ils le veuillent ou non. Mais certains refusent de traduire cette soumission naturelle par un acte volontaire d’adoration et de soumission aux commandements divins. Ils refusent donc de lui obéir, de lui vouer un culte et de se prosterner devant lui. De ce fait,


1 Sourate 3, verset 83.


2 Sourate 13, verset 15.


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ils seront châtiés et rabaissés dans l’au-delà tandis que les croyants y seront récompensés et honorés. Car quiconque a refusé ici-bas de se plier aux commandements de Dieu, de l’adorer humblement et de se prosterner devant lui, sera humilié et rabaissé dans l’au-delà. Jésus a dit : « Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! N’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père. »1 Le Salut ne s’obtient donc pas par l’adoration de Jésus, ou par la reconnaissance de sa divinité et de son rôle de rédempteur, comme l’affirment les chrétiens, mais bien par la soumission à la volonté et aux commandements du Seigneur.


Etymologiquement, le terme « islam » est formé sur la racine sémitique « slm » qui a donné notamment l’arabe « salam » et l’hébreu « shalom ». La paix de l’âme est en effet la conséquence naturelle de la soumission de la créature à son Créateur. C’est seulement parce que l’homme refuse de se soumettre humblement à son Créateur - par arrogance ou par insouciance -, allant ainsi à l’encontre de sa nature première et du but de son existence, qu’il vit dans le malheur ici-bas et qu’il connaîtra l’humiliation suprême et les pires tourments dans l’au-delà. Le Très Haut dit dans le Coran : (Quiconque se détournera de Mon message connaîtra une existence malheureuse et sera frappé de cécité lorsque Nous le ressusciterons le Jour dernier)2. Et il dit par ailleurs : (Que celui qui désire une autre religion que l’islam sache que son culte ne sera jamais accepté et que, dans l’au-delà, il sera du nombre de ceux qui auront perdu leurs âmes)3.


1 Matthieu 7, 21.


2 Sourate 20, verset 124.


3 Sourate 3, verset 85.


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L’islam est donc la religion qui appelle l’homme à la soumission totale et volontaire au Créateur afin de connaître la paix intérieure sur terre et le salut éternel dans l’au-delà.


L’orientaliste italienne Laura Veccia Vaglieri (1893-1989) écrit dans son livre intitulé Défense de l’Islam : « Grâce à l’islam, le paganisme sous toutes ses formes fut refoulé. Les conceptions de l’univers, les pratiques religieuses et les coutumes furent entièrement débarrassées des superstitions qui les déformaient, et l’esprit humain fut libéré des préjugés. L’homme finit par retrouver sa dignité. Il devint humble et soumis au Créateur et Maître de toute l’humanité. »1


1 Apologia dell’ Islamismo, Veccia Vaglieri, A. F. Formiggini, Rome, 1925.


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2- Jésus, soumis à la volonté de Dieu


Nous avons montré dans ce qui précède que le musulman est celui qui se soumet humblement à la volonté et aux commandements de son Seigneur. Or, Jésus est décrit de cette manière dans plus d’un passage des évangiles, comme dans ce récit de Marc : « Il disait : Abba, Père, toutes choses te sont possibles, éloigne de moi cette coupe ! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »1


Le Pater, principale prière chrétienne, enseignée par Jésus lui-même à ses disciples, débute par ces mots : « Notre Père qui es aux cieux ! Que ton nom soit sanctifié ; que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. »2


Jésus insiste par ailleurs sur la nécessité pour le chrétien de se soumettre à la volonté de son Seigneur. Il dit : « Car, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère. »3


Et lui-même souligne sa totale soumission à la volonté de son Seigneur dont il précise qu’il est l’envoyé : « Je ne puis rien faire de moi-même : selon que j’entends, je juge ; et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. »4


1 Marc 14, 35-36.


2 Matthieu 6, 9-10.


3 Matthieu 12, 50.


4 Jean 5, 30.


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Il n’est donc pas étonnant d’entendre les disciples de Jésus-Christ enseigner eux-mêmes la nécessité pour le croyant de se soumettre à la volonté de son Créateur. Ainsi l’auteur du livre de Jacques ordonne à ses frères dans la foi : « Soumettez-vous à Dieu » et, quelques lignes plus loin : « Humiliez-vous devant le Seigneur, et il vous élèvera »1. Il insiste encore un peu plus loin : « Vous devriez dire, au contraire : Si Dieu le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou cela. »2


Ces paroles attribuées à Jacques font écho à la formule « Si Dieu le veut » (in chaa Allah) si chère aux musulmans, mais qui a valu de la part des chrétiens notamment tant de critiques aux musulmans parfois accusés pour cela injustement de fatalisme.


Ce qui a été dit de Jésus pourrait l’être de tous les autres prophètes qui tous furent humblement soumis à la volonté de leur Seigneur, et donc en cela foncièrement musulmans. C’est ainsi que Dieu les décrit dans le Coran. Le Très Haut dit au sujet du père des prophètes : (Abraham ne fut ni juif, ni chrétien, mais un monothéiste pur et sincère entièrement soumis au Seigneur. Il ne fut point du nombre des païens)3.


Voici comment le prophète Moïse s’est adressé à son peuple : (Moïse dit : « Mon peuple ! Si vous croyez vraiment en Dieu et si vous Lui êtes réellement soumis, alors placez votre confiance en Lui. »)4


1 Jacques 4, 7-10.


2 Jacques 4, 15.


3 Sourate 3, verset 67.


4 Sourate 10, verset 84.


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Et voici l’une des prières de Joseph telle que rapportée dans le Coran : (Seigneur ! Tu m’as investi d’une part d’autorité et m’as appris à interpréter les rêves. Toi, Créateur des cieux et de la terre, Tu es mon Maître ici-bas et dans l’au-delà. Fais-moi rejoindre, à ma mort, les croyants vertueux en homme entièrement soumis à Ta volonté !)1


C’est la création qui confère à Dieu un droit sur tous les êtres, particulièrement sur les hommes, qui doivent reconnaître ce droit en se soumettant aux volontés de leur Seigneur.


(A son Seigneur qui lui ordonna de se soumettre à Sa volonté, Abraham répondit : « Je me soumets au Seigneur de la Création. »)2


Dans la Bible, les prophètes sont décrits avec la même volonté de se soumettre à leur Créateur. On peut ainsi lire dans les Psaumes attribués à David : « Je veux faire ta volonté, mon Dieu ! Et ta loi est au fond de mon coeur. »3 Mais aussi ces paroles : « Enseigne-moi à faire ta volonté ! Car tu es mon Dieu. Que ton bon esprit me conduise sur la voie droite ! »4


Non seulement Jésus était soumis à la volonté de son Seigneur, mais aussi à ses commandements et ses lois. Car, en opposition avec les chrétiens qui, après Paul, supprimeront les commandements et affirmeront que le chrétien n’est plus tenu par les lois de l’Ancien Testament, Jésus-Christ n’a cessé d’affirmer que la Loi devait se perpétuer à jamais. Il dit très clairement : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra


1 Sourate 12, verset 101.


2 Sourate 2, verset 131.


3 Psaumes 40, 8.


4 Psaumes 143, 10.


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pas de la Loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui les observera, et qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. »1


Jésus fut donc circoncis. Il ne mangeait pas de porc, jeûnait, sacrifiait des bêtes à Dieu et accomplissait les pèlerinages imposés aux juifs. Et il portait la barbe. Autant de pratiques qui le rendent bien plus proche d’un musulman que d’un chrétien.


Non seulement Jésus n’est pas le Fils de Dieu, mais il fut, comme tous les hommes soumis à la volonté de son Seigneur devant lequel il se présentera le Jour dernier en toute soumission. Le Très Haut dit à la fin de la sourate Marie : (Ils prétendent que le Tout Miséricordieux s’est donné un enfant. Vous proférez là, assurément, un odieux blasphème. Peu s’en faut que les cieux ne s’entrouvrent à ces mots, que la terre ne se fende et que les montagnes ne s’écroulent, parce qu’ils ont attribué au Tout Miséricordieux un enfant. Or, il ne sied pas au Tout Miséricordieux de se donner un enfant. Tous les êtres qui peuplent les cieux et la terre se présenteront en toute soumission devant le Tout Miséricordieux)2.


1 Matthieu 5, 17-19.


2 Sourate 19, versets 88-93.


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3- Jésus-Christ se prosterne humblement


La prosternation est la forme la plus accomplie de soumission au Seigneur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, la prosternation est un élément fondamental du rite musulman. Dieu le Très Haut dit dans le Coran au sujet des compagnons du Prophète Muhammad : (On peut les voir s’incliner et se prosterner en prière, recherchant les grâces et la satisfaction de Dieu, le visage marqué par les prosternations)1. Les musulmans se prosternent en effet plus de trente fois par jour au cours des cinq prières obligatoires, sans parler des prières surérogatoires, des prosternations à accomplir en remerciement au Seigneur ou lors de la lecture du Coran.


Or, Jésus est décrit dans les évangiles en train de se prosterner devant son Seigneur. En Matthieu notamment : « Puis, ayant fait quelques pas en avant, il se jeta sur sa face, et pria ainsi : Mon Père, s’il est possible que cette coupe s’éloigne de moi ! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »2


Le Très Haut dit dans le Coran au sujet de Jésus : (Le Messie ne trouvera jamais indigne d’être le serviteur de Dieu, pas plus que les anges rapprochés. Quant à ceux qui, par orgueil, trouvent indigne d’adorer Dieu, Il les rassemblera tous vers Lui. A ceux qui auront cru et accompli de bonnes oeuvres, Il accordera leur entière récompense et leur ajoutera même de Ses faveurs. Quant à ceux qui auront refusé, par orgueil, de se soumettre à Lui, Il les châtiera


1 Sourate 48, verset 29.


2 Matthieu 26, 39.


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douloureusement, sans qu’ils puissent trouver contre Son châtiment ni soutien, ni protecteur)1.


Paul lui-même se prosternait devant Dieu : « A cause de cela, je fléchis les genoux devant le Père, duquel tire son nom toute famille dans les cieux et sur la terre. »2


Plus généralement, les textes bibliques montrent les prophètes en train de se prosterner. On peut ainsi lire que le patriarche « Abram tomba sur sa face »3, que Moïse et Aaron « s’éloignèrent de l’assemblée pour aller à l’entrée de la tente d’assignation où ils tombèrent sur leur visage »4. Il en va de même de David : « Aussitôt, David et les responsables, revêtus d’habits de toile de sac, tombèrent sur leur face »5 ou encore de Josué : « Alors Josué se prosterna, le visage contre terre, et lui dit : Seigneur, je suis ton serviteur, quels sont tes ordres ? »6


1 Sourate 4, versets 172-173.


2 Ephésiens 3, 14-15.


3 Genèse 17, 3.


4 Nombres 20, 6.


5 1 Chroniques 21, 16.


6 Josué 5, 14.


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Conclusion


Jésus-Christ ne fut pas musulman uniquement par sa soumission à la volonté de son Seigneur, il le fut également par son entière adhésion au dogme de l’unicité de Dieu.


D’ailleurs les deux notions : celle de soumission au Seigneur et celle d’unicité de Dieu sont liées l’une à l’autre. C’est bien parce qu’il est la seule divinité en droit d’être adorée que les hommes doivent se soumettre à la volonté de Dieu et à ses commandements.


Dieu ordonne au Prophète dans le Coran : (Dis : « Il m’a été ordonné de vouer à Dieu un culte exclusif et sincère et j’ai reçu l’ordre d’être le premier à me soumettre au Seigneur. »)1


Et dans un autre verset : (Dis : « Il m’est seulement révélé que votre Dieu est un dieu unique. Etes-vous donc disposés à vous soumettre à Sa volonté ? »)2


Or, Jésus-Christ n’a jamais contredit, mais plutôt confirmé la profession de foi employée dans l’Ancien Testament : « Ecoute, Israël ! L’Eternel, notre Dieu, est le seul Eternel. »3


Sa représentation de Dieu et ses pratiques cultuelles sont en réalité beaucoup plus proches de celles d’un musulman que de celle d’un chrétien. Car le christianisme qui fut inventé en son nom après son


1 Sourate 39, versets 11-12.


2 Sourate 21, verset 108.


3 Deutéronome 6, 4.


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ascension, au grès des conciles oecuméniques, est en vérité sans rapport avec ses enseignements.


Quant à la morale qu’il enseignait à ses disciples, elle est étonnamment proche de celle inculquée par Muhammad à ses compagnons.


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Chapitre 2


Jésus, monothéiste


1- Le monothéisme, fondement de l’islam


L’islam est la religion du pur monothéisme. Le prophète Muhammad est en vérité venu rétablir le monothéisme abrahamique dans toute sa pureté, monothéisme remis en cause par la doctrine de la Trinité. Voici ce qu’écrit à ce sujet l’orientaliste français Jules La Beaume (1806-1876) : « Mahomet n’a pas eu un seul instant le projet d’inventer un nouveau Dieu, d’instituer un nouveau culte. Il n’a prétendu, sémite d’abord, qu’à rétablir l’ancien monothéisme sémitique et qu’à restaurer le culte d’Abraham, c’est-à-dire le culte mosaïque, moins son corps sacerdotal et les pompes du temple de Jérusalem. »1


Le sociologue français Gustave Le Bon (1841-1931) écrit : « L’islamisme peut revendiquer l’honneur d’avoir été la première religion qui ait introduit le monothéisme pur dans le monde. C’est de ce monothéisme pur que dérive la simplicité très grande de l’islamisme et c’est dans cette simplicité qu’il faut chercher le secret de sa force. »2


1 Le Koran analysé d’après la traduction de M. Kasimirski et les observations de plusieurs autres savants orientalistes, Jules La Beaume, Maisonneuve, Paris, 1878, p. 8. 2 La civilisation des Arabes, Gustave Le Bon, éditions La Fontaine au Roy, 1990.


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L’historien anglais Edward Gibbon confirme : « Le symbole de Mahomet n’offre sur cette matière ni soupçon ni équivoque. Le Prophète de la Mecque rejeta le culte des idoles et des hommes, des étoiles et des planètes, sur ce principe raisonnable que tout ce qui reçoit le jour doit mourir et que tout ce qui est corruptible doit se gâter et se dissoudre. Son enthousiasme dirigé par la raison adorait dans le Créateur de l’univers un Être éternel et infini. »1


Le Coran est donc un livre entièrement dédié à l’unicité de Dieu, thème central du dernier livre révélé. Jacques Berque, traducteur du Coran, affirme très justement : « Le Coran pourrait se résumer peut-être en un seul mot, celui d’unité de Dieu. »2


1 Histoire du déclin et de la chute de l’Empire romain, Gibbon, éditions Robert Laffont, 1983, p. 487.


2 Relire le Coran, Jacques Berque, éditions Albin Michel, Paris, 1993, p. 20.


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2- Jésus et le monothéisme


Quel est - ou plutôt quel devrait être - le premier des commandements du christianisme ? La réponse à cette question se trouve dans ce récit de Marc : « Un des scribes, qui les avait entendus discuter, sachant que Jésus avait bien répondu aux sadducéens, s’approcha, et lui demanda : Quel est le premier de tous les commandements ? Jésus répondit : Voici le premier : Ecoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est l’unique Seigneur; et : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. Le scribe lui dit : Bien, maître ; tu as dit avec vérité que Dieu est unique, et qu’il n’y en a point d’autre que lui, et que l’aimer de tout son coeur, de toute sa pensée, de toute son âme et de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, c’est plus que tous les holocaustes et tous les sacrifices. »1


Jésus fait ici référence au Chema Israël, profession de foi juive tirée d’un long sermon prodigué par Moïse aux juifs peu avant sa mort et qui constitue le fondement du message mosaïque : le Dieu d’Israël est Un. Voici le passage en question : « Ecoute, Israël ! L’Eternel, notre Dieu, est le seul Eternel. Tu aimeras l’Eternel, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. Et ces commandements, que je te donne aujourd’hui, seront dans ton coeur. »2


1 Marc 12, 28-33


2 Deutéronome 6, 4-6.


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Le plus grand des commandements du christianisme devrait donc être celui-ci : « le Seigneur, notre Dieu, est l’unique Seigneur », mais il a été remplacé par le dogme de la trinité qui ne fait pas partie des enseignements de Jésus et qui est même totalement absent de la Bible. Voici ce que l’on peut lire dans l’Encyclopædia Britannica à ce sujet : « Le terme Trinité n’apparaît pas dans le Nouveau Testament, pas plus d’ailleurs que cette notion. En outre, le Christ et ses disciples n’ont jamais contredit la profession de foi employée dans l’Ancien Testament : Ecoute Israël, le Seigneur, notre Dieu, est l’unique Seigneur (Deut. 6, 4). En réalité, le dogme de la Trinité s’est élaboré sur plusieurs siècles, suscitant de nombreuses controverses. Ce n’est qu’au cours du concile de Nicée (325) qu’est affirmé que le Fils est consubstantiel au Père. Quant au Saint Esprit, une simple allusion lui est faite. Il faudra attendre la fin du quatrième siècle pour que le dogme de la Trinité soit établi. »1


Jésus a prêché le culte du Dieu unique dans d’autres passages encore des évangiles, comme en Matthieu : « Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul »2 et en Jean : « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. »3


Ces paroles de Jésus sont singulièrement proches de ce verset coranique où Jésus affirme que le salut - c’est-à-dire, la vie éternelle au Paradis - passe par l’affirmation de l’unicité de Dieu et le monothéisme dans toute sa pureté : (Jésus dit : « Dieu, en vérité, est


1 Encyclopædia Britannica, 15ème édition, vol. 11, p. 928.


2 Matthieu 4, 10.


3 Jean 17, 3.


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mon Seigneur et le vôtre auquel vous devez un culte exclusif et sincère. Telle est la voie du salut. »)1


En vérité, Jésus est venu confirmer les enseignements de la Torah, et non pas fonder une nouvelle religion. Le Très Haut dit dans le Coran : (Nous avons, à la suite de ces prophètes, suscité Jésus fils de Marie qui confirma les enseignements de la Torah)2.


Jésus l’affirme lui-même : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. »3


Pur monothéiste, comme tout bon juif qu’il était, Jésus est plus proche de l’islam que du christianisme par son dogme. Quant à la morale qu’il a enseignée à ses disciples, elle est semblable en de nombreux points à celle inculquée par le Prophète de l’islam à ses compagnons, comme le montrera le chapitre suivant.


1 Sourate 3, verset 51.


2 Sourate 5, verset 46.


3 Matthieu 5, 17-18.


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3- Jésus et la morale islamique


Nous avons vu au chapitre précédent que le premier commandement, selon Jésus, est le monothéisme. Le même passage de Marc indique que le second commandement est : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » qui est le fondement de la morale chrétienne. Or, l’amour du prochain fut également enseigné par le Prophète de l’islam.


Ainsi, le Prophète Muhammad a dit : « Vous n’entrerez au Paradis que lorsque vous aurez la foi et vous n’aurez véritablement la foi que lorsque vous vous aimerez les uns les autres. »1 Et il a dit : « Nul d’entre vous n’aura véritablement la foi tant qu’il n’aimera pas pour son prochain ce qu’il aime pour lui-même. »2 Et il a dit : « Que celui qui désire être sauvé de l’Enfer et entrer au Paradis meure en ayant foi en Dieu et au Jour dernier, et qu’il traite les autres comme lui-même aimerait être traité. »3


En écho à ces paroles du Prophète de l’islam, Jésus-Christ affirme : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. »4


Autre valeur enseignée par Jésus à ses disciples : la miséricorde qui est également une notion centrale en islam au point que toutes les sourates du Coran - à l’exception d’une seule - débutent par ces mots : « Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très


1 Rapporté par Muslim.


2 Rapporté par Al-Bukhâri et Muslim.


3 Rapporté par Muslim.


4 Matthieu 7, 12.


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Miséricordieux. Jésus a dit : « Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. »1


De même, le Prophète de l’islam a dit : « Les miséricordieux obtiendront la miséricorde du Dieu tout miséricordieux. Soyez miséricordieux envers ceux qui sont sur terre, celui qui est au ciel le sera avec vous. »2 Et il a dit : « Celui qui n’est pas lui-même miséricordieux sera privé de la miséricorde de Dieu. »3


Jésus, tout comme Muhammad, ont enseigné l’obligation pour le croyant d’être humble devant Dieu et devant les hommes.


« Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! »4 Cette « pauvreté en esprit » désigne, selon nombre de commentateurs chrétiens, une humilité volontaire face à Dieu. Le Prophète de l’islam a lui aussi fait l’éloge de l’humilité, disant notamment : « Voulez-vous savoir qui sont les élus du Paradis ? Tout être faible et humble. »5


De même, Jésus-Christ a dit : « Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé. »6 Paroles auxquelles font écho ces mots du Prophète Muhammad : « Nul ne se rabaisse pour Dieu sans que celui-ci ne l’élève ici-bas et dans l’au-delà. »7


1 Matthieu 5, 7.


2 Rapporté par Abû Dâwûd et At-Tirmidhi.


3 Rapporté par Al-Bukhâri et Muslim.


4 Matthieu 5, 3.


5 Rapporté par Al-Bukhâri et Muslim.


6 Matthieu 23, 12.


7 Rapporté par Muslim.


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Dans une image étonnement proche, Jésus et Muhammad ont incité les hommes à placer leur confiance en Dieu et à s’en remettre entièrement à leur Seigneur.


Jésus a dit : « Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit. »1


Et le Prophète Muhammad a dit : « Si vous vous en remettiez à Dieu comme il se doit, il vous accorderait votre subsistance comme il l’accorde aux oiseaux qui quittent leur nid le ventre creux le matin et y retournent le soir le ventre plein. »2


Le christianisme et l’islam incitent pareillement au pardon.


Jésus a dit : « Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. »3


Et Dieu dit dans le Coran : (Qu’ils pardonnent et se montrent indulgents. Ne désirez-vous pas vous-mêmes que Dieu vous accorde Son pardon ?)4


Jésus et Muhammad ont tous deux insisté sur la nécessité pour le croyant de se repentir.


Le Prophète de l’islam a dit : « Repentez-vous et implorez le pardon de Dieu, je me repens moi-même cent fois par jour. »5


1 Matthieu 6, 26.


2 Rapporté par At-Tirmidhi.


3 Matthieu 6, 14.


4 Sourate 24, verset 22.


5 Rapporté par Muslim.


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De même, Jésus a dit : « Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. »1


Ils ont également tous deux exhorté les hommes à dominer leur colère :


Le Prophète de l’islam a dit : « Le fort n’est pas celui qui sait dominer ses adversaires, mais au contraire celui qui sait dominer sa colère. »2 Et il répondit à plusieurs reprises à l’homme qui lui demandait de lui faire une recommandation : « Ne te mets pas en colère. »3


Jésus, pour sa part, a dit : « Quiconque se met en colère contre son frère mérite d’être puni par les juges. »4


En des termes proches, les deux prophètes ont condamné les regards remplis de convoitise.


Jésus a dit : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras point d’adultère. Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son coeur. »5


Et Muhammad a dit : « A chaque homme est destinée une part d’adultère qu’il commettra obligatoirement : l’adultère des yeux se trouve dans le regard. »6


1 Matthieu 4, 17.


2 Rapporté par Al-Bukhâri et Muslim.


3 Rapporté par Al-Bukhâri.


4 Matthieu 5, 22.


5 Matthieu 5, 27-28.


6 Rapporté par Muslim.


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Les deux prophètes ont également condamné l’ostentation en des termes très proches. Jésus ainsi : « Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite, afin que ton aumône se fasse en secret. »1


Muhammad, pour sa part, a fait l’éloge de « l’homme qui fait l’aumône si discrètement que sa main gauche ne sait pas ce que donne sa main droite »2.


De même, les deux prophètes ont loué la piété filiale, Jésus en ordonnant : « Honore ton père et ta mère. »3 Et le Prophète à travers ces paroles : « Honni ! Honni ! Honni soit celui dont les parents, ou l’un d’eux, atteignent la vieillesse de son vivant mais qui, malgré cela, n’entre pas au Paradis. »4


Bien d’autres exemples de cette concordance entre la morale enseignée par le Prophète Muhammad à ses compagnons et celle inculquée par Jésus à ses disciples, auraient pu être mentionnés ici. Jésus est donc fondamentalement musulman non seulement dans son rapport au Seigneur, puisqu’il a affirmé avec force l’unicité de Dieu, mais aussi dans sa morale qui se résume à l’obligation pour le croyant d’aimer et de respecter son prochain.


1 Matthieu 6, 3-4.


2 Rapporté par Al-Bukhâri et Muslim.


3 Matthieu 19, 19.


4 Rapporté par Muslim.


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Conclusion


Nous avons montré dans ce qui précède que Jésus fut musulman par sa totale soumission à la volonté de son Seigneur, par sa complète adhésion à l’unicité de Dieu et par ses enseignements moraux, très proches de ceux de Muhammad.


Nous montrerons, au chapitre suivant, que nul prophète n’a annoncé l’avènement de l’islam et de Muhammad de manière aussi claire et aussi explicite que Jésus, et ce, à travers l’annonce de la venue du Paraclet, de l’avènement du Royaume de Dieu et de la venue du Fils de l’homme.


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Chapitre 3


Jésus annonce Muhammad et l’islam


1- Le Paraclet


L’Evangile de Jean est le seul à rapporter le discours prononcé par Jésus lors de son dernier repas avec les apôtres. Etrangement, ce récit est absent des synoptiques1, bien qu’il soit d’une importance capitale pour l’avenir de l’humanité. Le Christ y indique en effet quel sera le guide que les hommes devront suivre après sa disparition. L’Evangile grec nomme ce guide « Parakletos », qui donnera le « Paraclet » français. Voici une partie de ce discours :


« Cependant je vous dis la vérité : il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous. Mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. Et quand il sera venu, il convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et le jugement [...] Quand le Paraclet sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité, car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. »2


Selon les chrétiens, ce Paraclet, est « l’Esprit de vérité » ou « l’Esprit Saint », comme l’indique clairement le texte. Mais cette


1 Les évangiles de Matthieu, Marc et Luc, appelés ainsi en raison de leur ressemblance qui cache mal de grandes différences, voire des contradictions insurmontables.


2 Jean 16, 7-13.


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croyance est contredite par les autres termes de ce même passage de l’Evangile qui précise que le Paraclet : « ne parlera pas de lui-même », « dira tout ce qu’il aura entendu », « annoncera les choses à venir », « convaincra le monde en ce qui concerne le péché ». Or, « parler », « entendre », « annoncer » ou « convaincre » sont les attributs d’un être humain, non d’un esprit, d’un prophète, non de l’Esprit de vérité. D’autant que le verbe « entendre » du texte français traduit le grec « akouô », qui signifie percevoir des sons et qui a donné par exemple le français « acoustique ». Même constat pour le verbe « parler » de la traduction française correspondant au grec « laleô », qui a le sens général d’émettre des sons. Ce qui fait dire à Maurice Bucaille dans La bible, le Coran et la science : « Il apparaît donc que la communication aux hommes dont il est fait état ici ne consiste nullement en une inspiration qui serait à l’actif de l’Esprit Saint, mais elle a un caractère matériel évident en raison de la notion d’émission de son attachée au mot grec qui la définit. Les deux verbes grecs akouô et laleô définissent donc des actions concrètes qui ne peuvent concerner qu’un être doué d’un organe de l’audition et d’un organe de la parole. Les appliquer par conséquent à l’Esprit Saint n’est pas possible. »1


De plus, le Paraclet annoncé ne viendra qu’après le départ de Jésus. Prétendre que le Paraclet est le Saint Esprit, c’est donc affirmer que l’Esprit Saint était absent lors de la vie publique de Jésus, ce qui contredit l’Evangile lui-même où l’on peut lire par exemple : « Tout le peuple se faisant baptiser, Jésus fut aussi baptisé. Et, pendant qu’il priait, le ciel s’ouvrit, et le Saint Esprit descendit sur lui. »2


1 La Bible, le Coran et la science. Les Ecritures saintes examinées à la lumière des connaissances modernes, Maurice Bucaille, éditions Seghers, Paris, 1976, p. 108.


2 Luc 3, 21-22.


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Il convient, pour résoudre cette double difficulté, de revenir au sens initial du grec Parakletos et à son utilisation en dehors de l’Evangile de Jean. Alexandre Westphal écrit à ce sujet dans son Dictionnaire encyclopédique de la Bible, à l’article Paraclet : « Le grec Parakletos désigne, en dehors du Nouveau Testament, celui qui est appelé comme patron d’une cause, défenseur, pour plaider, pour intercéder. » On peut aussi lire dans le Petit Dictionnaire du Nouveau Testament d’A. Tricot : « Paraclet était un terme couramment employé par les Juifs hellénistes du 1er siècle au sens d’intercesseur, de défenseur. » Rejetant les termes « avocat » ou « défenseur », qui revêtent une connotation juridique absente du terme Paraclet, David Pastorelli, après une longue étude sémantique du grec Parakletos, écrit dans la conclusion de son ouvrage intitulé Le Paraclet dans le corpus johannique : « Le sens d’intercesseur est fermement établi, aussi bien en 1 Jean 2, 1-2 que chez Philon et dans la littérature rabbinique, chrétienne primitive ou patristique. »1


La traduction la plus juste de Paraclet est donc « intercesseur », terme qui ne convient qu’à un homme. Jésus fut lui-même un Paraclet, comme l’indique cet autre passage de l’Evangile de Jean (14, 16) où il affirme : « Je prierai le Père, et il vous donnera un autre Paraclet » ou encore la première épître de Jean où celui-ci utilise le même mot, Paraclet, pour désigner Jésus en tant qu’intercesseur auprès du Seigneur : « Et si quelqu’un a péché, nous avons un Paraclet auprès du Père, Jésus Christ le juste. »2 Au sujet de ces paroles de l’épître de Jean, le Dictionnaire de la Bible Vigouroux écrit : « Le Sauveur (Jésus) remplit ici l’office de paraclet


1 Le Paraclet dans le corpus johannique, David Pastorelli, Berlin, 2006, p. 291.


2 1 Jean 2, 1.


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en intercédant pour nous et en s’interposant de manière à nous défendre efficacement contre la justice du Père. »1


Maurice Bucaille ne peut donc que conclure : « On est alors conduit en toute logique à voir dans le Paraclet de Jean un être humain comme Jésus, doué de faculté d’audition et de parole, facultés que le texte grec de Jean implique de façon formelle. Jésus annonce donc que Dieu enverra plus tard un être humain sur cette terre pour y avoir le rôle défini par Jean qui est, soit dit en un mot, celui d’un prophète entendant la voix de Dieu et répétant aux hommes son message. Telle est l’interprétation logique du texte de Jean si l’on donne aux mots leur sens réel. »2


Le Paraclet est donc un être humain de même nature que Jésus et ayant la même mission, puisque ce dernier annonce « un autre Paraclet » comme lui, un intercesseur chargé de plaider la cause des hommes auprès du Seigneur.


Comment donc expliquer la mention, dans l’Evangile de Jean, de l’Esprit de vérité (16, 13) ou de l’Esprit Saint (14, 26) immédiatement après celle du Paraclet ? Certains, pensent qu’il s’agit d’un ajout, peut-être un simple commentaire des scribes. Ainsi le bibliste André Paul écrit : « La tradition chrétienne a identifié cette figure à celle de l’Esprit Saint. Cependant, le caractère originaire de cette identification a été suspecté et l’on a parfois émis l’idée que le Paraclet était d’abord une figure salvatrice indépendante, confondue seulement ensuite avec l’Esprit Saint. »3


De même, George Johnston mentionne dans The Spirit-Paraclete in the Gospel of John un certain nombre de commentateurs selon lesquels


1 Dictionnaire de la Bible Vigouroux, tome 4, deuxième partie, p. 2118-2119.


2 La Bible, le Coran et la science. Les Ecritures saintes examinées à la lumière des connaissances modernes, Maurice Bucaille, éditions Seghers, Paris, 1976, p. 109.


3 Encyclopædia Universalis, à l’article « Paraclet ».


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le Paraclet n’est pas l’Esprit Saint : « A la suite de F. Spitta, H. Delafosse, H. Windisch, H. Sasse et R. Bultmann, Betz affirme que le Paraclet et l’Esprit Saint représentent deux réalités différentes. »1


Selon Maurice Bucaille, cet ajout pourrait bien être intentionnel : « La présence des mots Esprit Saint dans le texte que nous possédons aujourd’hui pourrait fort bien relever d’une addition ultérieure tout à fait volontaire, destinée à modifier le sens primitif d’un passage qui, en annonçant la venue d’un prophète après Jésus, était en contradiction avec l’enseignement des Eglises chrétiennes naissantes, voulant que Jésus fût le dernier des prophètes. »


Une étude détaillée de la mention du Paraclet dans l’évangile de Jean semble accréditer cette thèse :


Première mention, en Jean 14, 16-17 : « Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Paraclet, afin qu’il demeure éternellement avec vous, l’Esprit de vérité. »


Deuxième mention, en Jean 14, 25-26 : « Je vous ai dit ces choses pendant que je demeure avec vous. Mais le Paraclet, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. »


Troisième mention, en Jean 15, 26 : « Quand sera venu le Paraclet, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité, qui vient du Père. »


Quatrième mention, en Jean 16, 13 : « Quand le Paraclet sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité. »


Cinquième mention, en Jean 16, 7 : « Cependant je vous dis la vérité : il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous. »


1 The Spirit-Paraclete in the Gospel of John, George Johnston, Cambridge, 1970, p. 115.


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La mention, dans quatre de ces versets, de l’Esprit de vérité (trois fois) et de l’Esprit Saint (une fois), en explication de ce qu’est ce Paraclet ne semble pas naturelle, et n’est pas en tout cas habituelle dans la bouche de Jésus qui n’emploie d’ailleurs jamais l’expression « Esprit de vérité » en dehors des versets qui viennent d’être mentionnés. Cette mention semble de toute évidence un ajout d’un scribe désireux, au mieux, d’expliquer ce qu’est ce Paraclet selon l’enseignement de l’Eglise ou, au pire, de modifier l’annonce claire de l’avènement d’un prophète qui, comme Jésus, intercédera en faveur des hommes auprès de Dieu.


Précisons que le rôle d’intercesseur du prophète Muhammad est l’un des fondements du credo musulman, presque aussi central que le rôle de rédempteur du Messie dans le christianisme. Mais, contrairement à la Rédemption, le dogme de l’intercession, déjà présent dans le judaïsme, trouve sa source dans les textes fondateurs de l’islam. Le verbe « intercéder » et ses dérivés apparaissent ainsi plus de vingt fois dans le Coran. Et le Prophète a dit : « J’ai intercédé auprès de mon Seigneur en faveur de ma nation. » Et il a dit : « Je serai le premier à intercéder au Paradis. » Il a encore dit : « A chaque prophète a été donné de formuler une prière. J’ai, quant à moi, préféré garder la mienne comme intercession en faveur de ma nation le Jour de la résurrection. »


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