Introduction
L’islam est une religion de miséricorde envers tous les êtres humains, qu’ils soient musulmans ou non. Le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a été décrit comme une miséricorde, dans le Coran, à cause du message qu’il a transmis à l’humanité :
« Et Nous ne t’avons envoyé qu’en miséricorde à l’univers. »
(Coran 21:107)
Lorsque nous étudions les lois de l’islam avec un esprit ouvert, la miséricorde mentionnée dans ce verset nous apparaît évidente. Et le traitement que réservent les lois de l’islam aux gens des autres religions constitue la quintessence de cette miséricorde. La tolérance de l’islam envers les non-musulmans, qu’ils soient dans leurs propres pays ou en terre d’islam, est clairement démontrée par les faits historiques, faits qui ont été rapportés non seulement par des musulmans, mais aussi par de nombreux historiens non-musulmans. Le patriarche Ghaytho a écrit :
« Les Arabes, à qui le Seigneur a donné le pouvoir sur le monde, nous traitent comme tu sais; ils ne sont point ennemis des chrétiens. En fait, ils louent notre communauté, traitent nos prêtres et nos saints avec respect et offrent leur aide aux églises et aux monastères. »[1]
Will Durant a écrit :
« À l’époque des Omeyyades, les peuples de l’alliance, les chrétiens, les zoroastriens, les juifs et les sabéens, étaient tous traités avec un degré de tolérance que l’on ne retrouve plus aujourd’hui, pas même dans les pays chrétiens. Ils étaient libres de pratiquer les rites de leur religion, tandis que leurs églises et leurs temples étaient préservés. Ils jouissaient d’une pleine autonomie, en ce sens qu’ils étaient assujettis aux lois religieuses des érudits et des juges. »[2]
Ces relations pacifiques entre musulmans et non-musulmans n’étaient pas que de la simple politique, de la part des dirigeants musulmans, mais une conséquence directe des enseignements de l’islam, selon lesquels les personnes de foi différente sont libres de pratiquer leur religion et ne peuvent être forcées de se convertir à l’islam. Dieu dit, dans le Coran :
« Nulle contrainte en religion. »
(Coran 2:256)
Non seulement l’islam exige-t-il que l’on laisse les autres pratiquer leur religion comme bon leur semble, mais aussi qu’ils soient traités de façon juste et équitable. Mettant en garde les musulmans contre tout abus envers les non-musulmans en terre d’islam, le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit :
« Prenez garde! Quiconque se montre dur et cruel envers une minorité non-musulmane, bafoue leurs droits, les accable au-delà de ce qu’ils peuvent supporter ou prend d’eux quoi que ce soit contre leur gré, je porterai plainte contre cette personne au Jour du Jugement. »
(Abou Daoud)
Combien cette attitude est loin de celle de la plupart des nations qui, jusqu’à nos jours, non seulement bafouent les droits des religions étrangères, mais aussi des races étrangères! Alors que les musulmans étaient torturés à mort par les païens de la Mecque, que les juifs étaient persécutés par l’Europe chrétienne, et que divers peuples, à travers le monde, étaient opprimés à cause de leur race ou de leur caste, l’islam appelait au traitement juste et équitable de tous les peuples et de toutes les religions et ce, sur la base de ses principes de miséricorde qui redonnent leur dignité aux êtres humains.
On parle beaucoup, ces jours-ci, de la reconnaissance qu’accorde l’islam aux autres religions de ce monde. Certains affirment que l’islam ordonne aux musulmans de combattre le monde entier jusqu’à ce que tout le monde devienne musulman, créant ainsi du ressentiment envers les musulmans, sans même savoir ce que dit réellement l’islam à ce sujet.
Quant à leur résidence en pays musulmans, les non-musulmans sont classés en trois catégories. Connaître ces catégories aidera à comprendre la relation entre les musulmans et les gens de religions différentes vivant en terre d’islam.
Catégories de non-musulmans
A. Les résidents permanents
Les juristes musulmans utilisent le terme « Gens de l’Alliance » (en arabe « dhimmi » ou « ahl-oul-Dhimma ») pour faire référence aux résidents non-musulmans. Il ne s’agit pas d’un terme péjoratif, comme certains pourraient le croire. Dans la langue arabe, le terme « dhimma » fait référence à un traité de protection entre les non-musulmans vivant en terre d’islam et les résidents musulmans. Un terme similaire, « ahl-oul-dhimma », signifie « gens de l’alliance », car ils sont protégés en vertu de cette alliance qui leur a été offerte, à l’origine, par le prophète Mohammed, puis par les musulmans par la suite.[1] Les non-musulmans jouissent d’une garantie de protection, au sein des sociétés islamiques, tant qu’ils s’acquittent d’une taxe leur donnant le droit à la résidence et qu’ils respectent les lois islamiques du pays. Cette protection n’est pas limitée dans le temps et demeure en vigueur tant et aussi longtemps que les gens ayant conclu cette alliance avec les musulmans respectent les conditions qui lui sont rattachées.[2] La bonne intention derrière le terme « dhimmi » devient évidente dans la lettre rédigée par le calife Abou Bakr as-Siddiq[3] à l’intention des non-musulmans de Najran :
« Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. Ceci est la déclaration écrite du serviteur de Dieu, Abou Bakr, le successeur de Mohammed, prophète et messager de Dieu. Il vous confirme vos droits à la protection en tant que voisins; protection de vos personnes, de vos terres, de votre communauté religieuse, de vos richesses, de vos serviteurs, de ceux d’entre vous qui sont présents comme ceux qui sont en voyage, de vos évêques et vos moines, de vos monastères et de tout ce que vous possédez, que ce soit important ou insignifiant. Vous n’en serez jamais dépossédés et vous en aurez toujours le plein contrôle... »[4]
Un autre exemple est la déclaration d’un grand érudit de l’islam, l’Imam Awza’i,[5] dans sa lettre au gouverneur abbasside Salih bin ‘Ali bin Abdoullah, au sujet des Gens de l’Alliance. « Ce ne sont pas des esclaves, alors prenez garde de modifier leur statut alors qu’ils sont libres. Ce sont des Gens de l’Alliance tout à fait libres. »[6]
Reconnaissant ce fait, Ron Landau a écrit :
« Par opposition à l’empire chrétien, qui tenta d’imposer le christianisme à ses sujets, les Arabes ont reconnu les minorités religieuses et ont accepté leur présence. Les juifs, les chrétiens et les zoroastriens étaient connus, parmi les musulmans, comme les Gens de l’Alliance, c’est-à-dire les nations qui jouissaient d’une protection. »[7]
B.Les résidents temporaires
Cette catégorie inclut deux types de résidents :
1) Les résidents provenant de pays non-musulmans qui sont en paix avec les musulmans grâce à des accords de paix, des traités internationaux ou autres, qui s’installent temporairement en terre d’islam pour y travailler, y étudier, y faire du commerce, qui sont en mission diplomatique, etc. Les juristes musulmans font référence à eux, en arabe, sous le terme de « mou’aahadoune », qui signifie « ceux avec qui nous avons conclu un pacte ».
2) Les résidents provenant de pays non-musulmans avec lesquels les musulmans n’ont pas conclu de traité de paix ou qui sont en guerre contre les musulmans, qui s’installent temporairement en terre d’islam pour y travailler, y étudier, y faire du commerce, qui sont en mission diplomatique, etc. Les juristes musulmans font référence à eux, en arabe, sous le terme de « mousta’minoune », qui signifie « ceux qui recherchent protection ».
Les deux groupes jouissent des mêmes droits généraux et de droits exclusifs à chaque groupe. Nous limiterons cette discussion aux droits généraux afin d’éviter de sombrer dans les détails.
Les droits généraux des non-musulmans
L’expression « droits de l’homme » est relativement nouvelle, étant devenue d’usage courant depuis la deuxième guerre mondiale, la fondation des Nations Unies, en 1945, et l’adoption, par l’Assemblée Générale des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, en 1948.[8] Bien que son apparition au sein du droit international soit relativement récente, la notion de droits de l’homme n’est pas nouvelle en soi. Si l’on étudie et que l’on compare la Déclaration universelle des droits de l’homme émise par l’islam, il y a de cela 1400 ans, on ne peut que constater le haut niveau moral atteint par l’islam, bien avant les Nations Unies.[9] Ce niveau moral n’est toutefois pas le résultat d’un effort fourni par l’intellect humain. La source de la moralité islamique est nulle autre que Dieu. Les normes divines reflètent une compréhension profonde de l’être humain et de ses besoins. Les valeurs qu’elles proposent n’apportent que des bienfaits à l’être humain et le protège contre tout mal. Une étude objective a permis à l’auteur Mutajalli de conclure qu’il « n’existe aucun code moral ou religieux, sur terre, qui n’ait accordé autant d’importance à la reconnaissance de ces droits que l’islam, qui les a détaillés, clarifiés et exprimés. »[10]
La charia, qui constitue le code légal et moral de l’islam, ne se limite pas à n’accorder des droits qu’aux musulmans. L’une de ses caractéristiques particulières est que plusieurs de ces droits sont partagés par les non-musulmans. En fait, le principe général est que les non-musulmans ont les mêmes droits et obligations que les musulmans.[11] Cet aspect de la religion est unique à l’islam et ne fait probablement partie d’aucune autre religion, en ce monde. Prenons le christianisme, par exemple : le professeur Joseph Heath, de l’Université de Toronto, a écrit : « Il va sans dire que vous pouvez parcourir toute la Bible et n’y trouver aucune mention de « droits ». Vous pouvez également faire une recherche dans les 1500 années de pensée chrétienne qui ont suivi l’époque où la Bible fut rédigée et n’y trouver, encore une fois, aucune mention de « droits ». Cela parce que l’idée même en est totalement absente. »[12]
Les non-musulmans possèdent de nombreux droits, en islam. Nous limiterons notre discussion aux plus importants d’entre eux, tels la liberté de croyance, le droit au travail, au logement et à l’éducation, de même que la liberté de mouvement.
Dieu a créé les êtres humains, musulmans et non-musulmans, avec une dignité qui les élève au-dessus de la presque totalité de la création. Dieu dit, dans la Coran :
« Certes, Nous avons honoré les fils d’Adam. Nous les transportons sur terre et sur mer et Nous leur donnons de bonnes choses comme nourriture. Nous les avons nettement préférés à plusieurs de Nos créatures. »
(Coran 17:70)
En signe d’honneur, et pour élever son statut, Dieu a ordonné aux anges de se prosterner, en toute humilité, devant Adam, père de l’humanité. Dieu nous dit, dans le Coran :
« Et lorsque Nous dîmes aux anges : « Prosternez-vous devant Adam », tous se prosternèrent à l’exception d’Iblis [Satan], qui refusa. »
(Coran 20:116)
Dieu a accordé de nombreuses faveurs à l’humanité; certaines sont évidentes, tandis que d’autres demeurent cachées. Par exemple, Il a soumis les cieux et la terre aux êtres humains afin d’honorer ces derniers. Il dit :
« Dieu est Celui qui a créé les cieux et la terre et qui, du ciel, a fait descendre une eau par laquelle Il produit des fruits pour vous nourrir. Il a soumis à votre service les vaisseaux qui, par Son ordre, voguent sur la mer. Et Il a soumis à votre service les rivières. Et pour vous, Il a assujetti le soleil et la lune à une perpétuelle évolution, de même qu’Il vous a assujetti la nuit et le jour. Il vous a accordé de tout ce que vous Lui avez demandé. Et si vous comptiez les bienfaits de Dieu, vous n’arriveriez jamais à les dénombrer. L’homme est vraiment très injuste et très ingrat. »
(Coran 14:32-34)
Le statut accordé par Dieu aux êtres humains constitue la base du principe de dignité humaine, en islam, que ces êtres humains soient musulmans ou non. L’islam met l’accent sur le fait que tous les hommes proviennent de la même origine, ce qui fait que chaque être humain a certains droits sur les autres. Dieu dit :
« Ô hommes! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, afin que vous fassiez connaissance entre vous. Certes, le plus noble d’entre vous, auprès de Dieu, est celui qui a la meilleure conduite. Certes, Dieu est Omniscient et très bien informé. »
(Coran 49:13)
Le messager de Dieu (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a déclaré, dans son sermon d’adieu, qu’il a prononcé devant le plus grand rassemblement de l’histoire arabe de l’époque :
« Ô vous qui m’écoutez! Votre Seigneur est unique et votre père est unique. Sachez qu’aucun Arabe n’est supérieur à un non-Arabe et qu’aucun non-Arabe n’est supérieur à un Arabe; qu’un homme à la peau rouge n’est pas supérieur à un Noir et qu’un Noir n’est pas supérieur à celui qui a la peau rouge, sauf en termes de piété. Vous ai-je bien transmis le message? »[1]
Un exemple de préservation de la dignité des non-musulmans est leur droit à ce que leurs sentiments soient respectés, c’est-à-dire que l’on s’adresse à eux de la meilleure manière afin de respecter cet ordre divin :
« Et ne discutez que de la meilleure façon avec les gens du Livre, sauf avec ceux d’entre eux qui ont commis des injustices. Et dites : « Nous croyons en ce qui nous a été révélé comme en ce qui vous a été révélé. Votre Dieu et le nôtre est le même, et c’est à Lui que nous nous soumettons (en musulmans). »
(Coran 21:46)
Les musulmans n’ont pas le droit de se moquer de la religion des non-musulmans. Il n’est sans doute pas exagéré de dire qu’aucune autre religion ou groupe religieux au monde n’est aussi juste que l’islam envers les personnes de foi différente. Dieu dit, dans le Coran :
« Dis : « Qui donc vous envoie votre subsistance du ciel et de la terre? » Dis : « C’est Dieu. De nous et de vous, les uns suivent certes la bonne voie tandis que les autres sont dans un égarement manifeste. »
(Coran 34:24)
Le verset se termine par ce que les linguistes arabes appellent une question rhétorique, dont la réponse est une évidence pour ceux à qui elle s’adresse. Il mêle la certitude au doute. Les musulmans qui suivent la bonne voie et l’égarement des mécréants sont présentés sous forme de doute. Ce faisant, Dieu met l’accent sur la vérité en amenant le lecteur à tirer ses propres conclusions. Dieu ne dit pas clairement qui suit la bonne voie et qui ne la suit pas. Az-Zamakhshiri, un linguiste et exégète du Coran, a écrit :
« Il s’agit d’un discours équitable en ce sens que quiconque l’entend, qu’il soit d’accord ou qu’il s’y oppose, dira à la personne à qui ce discours s’adresse que celui qui le prononce fait preuve de justice envers elle. Il amène celui qui l’écoute à tirer une conclusion évidente et à ne plus avoir de doute sur l’identité de ceux qui suivent la bonne voie et de ceux qui sont dans l’égarement. Les faits suggérés, comme si la question était une énigme, apportent une preuve encore plus convaincante; l’opposant est doucement désarmé, sans qu’il n’y ait eu de dispute animée. »[2]
Un exemple de ce style employé par le Coran pourrait être celui d’une personne déclarant, dans un débat : « Dieu sait très bien qui dit la vérité et qui ment. »[3]
Dieu a également interdit aux musulmans de parler en mal des divinités adorées par les non-musulmans, de crainte que ceux-ci, dans un esprit de vengeance, n’insultent Dieu à leur tour. Il serait difficile de trouver une règle semblable dans les écritures des autres grandes religions de ce monde. Si les polythéistes entendaient les musulmans se moquer de leurs divinités, ils pourraient à leur tour parler en mal d’Allah (véritable nom de Dieu, en arabe), ce qui heurterait, par le fait même, les sentiments des musulmans. Un tel scénario va à l’encontre de la dignité humaine et ne mènerait qu’à la haine et au rejet mutuels. Dieu dit, dans le Coran :
« N’injuriez pas ceux qu’ils invoquent en dehors de Dieu, de crainte que par rancune ils n’injurient Dieu dans leur ignorance. Nous avons embelli (aux yeux) de chaque nation ses propres actions. Ensuite, c’est vers leur Seigneur qu’ils seront ramenés ; Il leur rappellera alors ce qu’ils faisaient. »
(Coran 6:108)
Un autre exemple de la façon dont l’islam respecte la dignité humaine est l’histoire suivante, relative au traitement qu’accordaient les premiers califes de l’islam aux non-musulmans. Amr ibn al-As était gouverneur d’Égypte. Un jour, un de ses fils frappa à coups de fouet à un copte chrétien en lui disant : « Je suis le fils d’un noble! ». Le copte alla voir Omar ibn al-Khattab, le calife musulman de l’époque, qui habitait à Médine, et se plaignit à lui. Anas ibn Malik, qui avait été le serviteur du Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui), rapporte l’histoire comme suit :
« Nous étions assis en compagnie d’Omar ibn al-Khattab lorsqu’un Égyptien entra et dit : « Chef des croyants, je viens à toi en tant que réfugié. » Omar l’interrogea sur ce qui l’amenait et il répondit qu’Amr avait pour habitude de laisser ses chevaux courir librement, en Égypte. « Un jour où je montais ma jument, je passai près d’un groupe de gens, qui me regarda. Mohammed, le fils d’Amr, se leva et se dirigea vers moi, en disant : « Je jure par le Seigneur de la Ka’aba que cette jument est la mienne! ». Je lui répondis : « Je jure par le Seigneur de la Ka’aba que cette jument est plutôt la mienne! » Il s’approcha de moi et se mit à me battre avec son fouet en disant : « Et bien prends-la, car je suis le fils d’un noble! » (prétendant ainsi être plus généreux que lui). L’incident vint aux oreilles d’Amr qui, craignant que je vienne te voir, me fit mettre en prison. Je m’échappai et me voici devant toi. »
Anas poursuit :
« Je jure par Allah que l’unique réponse d’Omar fut de dire à l’Égyptien de s’asseoir. Puis, il écrivit une lettre à Amr, dans laquelle il lui dit : « Lorsque tu recevras cette lettre, viens me voir avec ton fils Mohammed. » Puis, il dit à l’Égyptien de rester à Médine jusqu’à ce qu’Amr arrive avec son fils. Quand Amr reçut la lettre, il appela son fils et lui demanda : « As-tu commis un crime? » Son fils répondit par la négative. Amr lui demanda : « Alors pourquoi Omar m’écrit-il à ton sujet? » Et ils partirent tous deux vers Médine. »
Anas poursuit ainsi l’histoire:
« Je jure par Allah que nous étions assis en compagnie d’Omar quand Amr arriva, vêtu de façon très simple. Omar chercha son fils du regard et le vit qui se tenait derrière son père afin de ne pas se faire remarquer. Omar demanda : « Où est l’Égyptien? », et ce dernier répondit : « Me voici! ». Omar dit à ce dernier : « Voici le fouet : prends-le et frappe le fils du gouverneur avec. » Il le prit et en frappa vigoureusement le fils, tandis qu’Omar répétait « bats le fils du gouverneur! ». Personne ne l’arrêta jusqu’à ce que tous soient satisfaits et considèrent qu’il l’avait suffisamment battu. Alors Omar dit : « Maintenant, prends le fouet et frappe mon crâne chauve avec. Car ce qui t’est arrivé, c’est à cause de mon pouvoir sur vous. » L’Égyptien répondit : « Je suis satisfait et ma colère s’est apaisée. » Omar lui dit : « Si tu avais choisi de me frapper, je ne t’aurais pas arrêté et t’aurais laissé faire jusqu’à ce que tu sois satisfait. Et toi, Amr, depuis quand as-tu fait de ton peuple tes esclaves? Ils sont pourtant nés libres. » Amr se confondit en excuses et dit : « Je n’étais pas au courant de ce qui était arrivé. » Alors Omar se tourna vers l’Égyptien et lui dit : « Tu peux t’en retourner, et sois bien guidé. Si quoi que ce soit de fâcheux t’arrive, écris-moi. »[1]
Tel était Omar qui, lorsqu’il avait été élu calife, avait dit : « Les faibles deviendront forts, car je serai toujours de leur côté pour défendre leurs droits. Et les puissants deviendront faibles, car je leur enlèverai ce qu’ils ne possèdent pas de plein droit. » L’histoire se souvient de lui comme d’un dirigeant juste à cause du traitement équitable dont il faisait preuve envers les opprimés, sans égard à leur statut social, et à cause de sa fermeté contre les oppresseurs, sans égard à leur rang.
« La valeur de cette histoire est qu’elle nous fait comprendre à quel point les gens, à cette époque, avaient le sens de l’humanité et de la dignité, sous le règne de l’islam. Même un coup injuste était désapprouvé et méprisé. Plusieurs incidents injustes similaires à cette histoire eurent lieu à l’époque de l’empire byzantin, mais nul ne se donna la peine de les dénoncer. Mais sous la protection de l’État musulman, nous venons de voir l’exemple d’une personne opprimée ayant une telle conviction de sa dignité et de ses droits qu’elle décida d’endurer les difficultés et les privations d’un long voyage, entre l’Égypte et Médine, à cause de la certitude qu’elle avait de trouver quelqu’un qui prendrait sa plainte en considération. »[2]
L’islam ne force pas les gens des autres religions à se convertir. L’islam leur accorde la pleine liberté de demeurer au sein de leur religion. Cette liberté est documentée à la fois dans le Coran et dans les enseignements prophétiques que l’on appelle la sounnah. Dans le Coran, Dieu s’adresse ainsi au prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) :
« Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Contraindrais-tu les gens à devenir croyants, (ô Mohammed)? »
(Coran 10:99)
Le prophète Mohammed laissait aux gens le choix d’embrasser l’islam ou de demeurer au sein de leur religion. S’il lui arrivait de leur proposer d’embrasser l’islam, ce n’était qu’après avoir conclu un accord avec eux, une fois qu’ils étaient devenus résidents de l’État islamique et qu’ils étaient assurés d’être protégés, eux et leurs biens. Cette protection leur faisait apprécier la sécurité que leur apportait leur alliance avec Dieu et Son prophète. C’est précisément pour cette raison que l’on fait référence aux citoyens non-musulmans en tant que « dhimmis ».[1] Quand le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) envoyait un commandant d’armée à la guerre, il lui recommandait de se comporter en ayant toujours conscience de la présence de Dieu et de bien traiter ses compagnons musulmans. Puis, il lui ordonnait ceci :
« Mets-toi en route pour aller te battre pour la cause de Dieu et pour combattre ceux qui refusent de croire en Lui. Bats-toi, mais ne sombre pas dans les extrêmes, ne te comporte pas en traître, ne mutile pas les corps de tes ennemis et ne tue jamais leurs enfants. Lorsque tu feras face à l’ennemi, les mécréants, présente-leur trois options et accepte celle qu’ils accepteront et cesse de les combattre :
(a) Invite-les à devenir musulmans. S’ils acceptent, cesse de les combattre. Puis, invite-les à quitter leur pays pour le pays des immigrants (Médine); et dis-leur que s’ils le font, ils jouiront des mêmes privilèges et auront les mêmes obligations que les autres immigrants. S’ils refusent d’immigrer, dis-leur qu’ils auront le même statut que les musulmans nomades; ils seront soumis à la Loi de Dieu, qui s’applique à tous les musulmans, mais n’auront pas de part dans les butins obtenus lors de conquêtes, à moins qu’ils ne participent à la guerre avec les musulmans.
(b) S’ils refusent (de se convertir), demande-leur de payer la jizyah[2]. S’ils acceptent de la payer, accepte-la et cesse de les combattre.
(c) S’ils refusent tout cela, alors demande l’aide de Dieu et combats-les. »[3]
Ces directives du Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) étaient conformes au paroles de Dieu, dans le Coran :
« Nulle contrainte en religion. La bonne voie est désormais distincte de l’erreur. Celui qui rejette les fausses divinités et croit en Dieu a saisi l’anse la plus solide, qui ne se brisera jamais. Dieu entend tout, et Il est Omniscient. »
(Coran 2:256)
Edwin Calgary, un érudit américain, a écrit, au sujet de ce verset : « Il y a un verset, dans le Coran, connu de tous les musulmans, qui est rempli de vérité et de sagesse. Tous devraient le connaître également; c’est celui qui dit qu’il n’y a nulle contrainte en religion. »[4]
Ce verset fut révélé relativement à certains résidents de Médine. Si leur femme donnait naissance à des enfants qui mouraient tous en bas âge, ils faisaient le vœu de faire de leur prochain enfant un juif ou un chrétien s’il ne mourait pas. Lorsque vint l’islam et que ces parents devinrent musulmans, ils tentèrent de forcer leurs enfants, qui étaient maintenant adultes et qui étaient soit juifs soit chrétiens, à devenir musulmans à leur tour. Ce verset fut donc révélé pour leur interdire un tel comportement. Le verset et l’histoire de sa révélation nous apprend donc qu’il n’est pas permis de forcer qui que ce soit à devenir musulman. Et tel est le cas même si les parents veulent le meilleur pour leurs enfants, mais que ceux-ci choisissent de suivre une autre voie.[5]
Dieu dit, dans le Coran :
« Dis : « La vérité émane de votre Seigneur. » Quiconque souhaite croire, qu’il croie; et quiconque refuse de croire, qu’il ne croie pas. Nous avons certes préparé, pour les mécréants, un Feu dont (la fumée et les flammes), comme les parois et le toit d’une tente, les cernera. Et s’ils implorent quelque soulagement, on leur donnera une eau semblable à du métal fondu, qui leur brûlera le visage. Quel terrible breuvage et quelle détestable retraite! » (Coran 18:29)
Non seulement l’islam accorde-t-il la liberté de culte aux non-musulmans, sa loi va jusqu’à protéger leurs lieux de culte.[6]
Dieu dit, dans le Coran :
« Dieu autorise les gens à se défendre s’ils sont agressés. Et Il est bien capable de donner la victoire à ceux qui ont été injustement chassés de leur maison uniquement pour avoir dit : « Notre Seigneur est Dieu. » Si Dieu ne repoussait pas certains peuples par d’autres, les monastères, les églises, les synagogues et les mosquées où le nom de Dieu est souvent prononcé auraient assurément été démolis. Et certes, Dieu soutient ceux qui soutiennent Sa cause. Il est certainement Fort et Puissant. » (Coran 22:39-40)
Les califes musulmans avaient pour habitude d’ordonner à leurs chefs militaires, lorsqu’ils partaient en campagne, de prendre des mesures pour garantir la protection des lieux de culte. Le premier exemple de ce genre est l’ordre donné par Abou Bakr à Oussama bin Zayd :
« Je vous ordonne dix choses: ne tuez ni femmes ni enfants ni personnes âgées; n’abattez pas d’arbres fruitiers, ne vandalisez pas de maisons, ne blessez ni moutons ni chameaux si ce n’est pour les consommer; ne noyez pas de dattiers et n’en brûlez pas; ne vous comportez pas en traîtres ni en lâches; et si vous passez près de gens qui se sont consacrés à la vie monastique, laissez-les à leurs dévotions. »[7]
Le second exemple est le traité d’Omar ibn al-Khattab avec les gens d’Iliya (Jérusalem) :
« Ceci est la garantie de sécurité accordée par le serviteur de Dieu, Omar, chef des croyants, au peuple d’Iliya. Leur sécurité est assurée quant à leurs personnes, leurs possessions, leurs crucifix, leurs églises et tous ceux qui s’y trouvent, qu’ils soient malades ou en bonne santé, de même que tous les membres de leur communauté. Leurs églises ne seront ni occupées ni démolies, et rien n’en sera dérobé, qu’il s’agisse du mobilier, des crucifix ou de l’argent. Ils ne seront point forcés à abandonner leur religion et ne seront aucunement lésés à cause d’elle. Et ils ne seront pas occupés par les colons juifs d’Iliya. »[8]
Par conséquent, depuis l’époque des califes bien guidés, les juifs et les chrétiens ont tenu leurs cérémonies religieuses en toute liberté et en toute sécurité.[9]
Les musulmans ont toujours protégé les églises chrétiennes des contrées qu’ils ont occupées. Dans une lettre à Siméon, l’archevêque de Rifardashir et chef des archevêques de Perse, le patriarche nestorien Geoff III écrit :
« Les Arabes, à qui Dieu a accordé le pouvoir sur le monde entier, savent à quel point vous êtes riches, puisqu’ils vivent parmi vous. Malgré cela, ils ne s’attaquent pas à la foi chrétienne. Au contraire, ils ont une certaine sympathie pour notre religion, un grand respect pour nos prêtres et nos saints, et ils donnent volontiers à nos églises et à nos monastères. »[1]
Une fois, un des califes musulmans, Abdoul-Malik, s’était emparé de l’Église de Jean et l’avait annexée à une mosquée. Lorsque Omar bin Abdoulaziz lui succéda comme calife, les chrétiens vinrent se plaindre à lui au sujet de ce que son prédécesseur avait fait de leur église. Omar écrivit alors au gouverneur pour lui ordonner que la partie de la mosquée qui appartenait de droit aux chrétiens leur soit rendue s’ils étaient incapables de s’entendre, avec lui, sur un dédommagement financier satisfaisant. »[2]
Le Mur des Lamentations, à Jérusalem, est connu des historiens comme l’un des lieux de culte les plus sacrés du judaïsme. Il fut un temps où ce mur était complètement enterré sous des montagnes de débris et de gravats. Lorsque le calife ottoman Sultan Sulayman apprit cela, il ordonna à son gouverneur de Jérusalem de retirer ces débris, de nettoyer les lieux, de restaurer le Mur des Lamentations et de le rendre à nouveau accessible aux juifs.[3]
Des historiens occidentaux impartiaux reconnaissent ces faits. LeBon a écrit :
« La tolérance de Mohammed envers les juifs et les chrétiens était réellement impressionnante. Les fondateurs des autres religions avant lui, ceux du judaïsme et du christianisme, en particulier, n’avaient pas prescrit une telle ouverture. Les califes qui lui succédèrent appliquèrent la même politique, et sa tolérance fut reconnue à la fois par les musulmans et par les sceptiques qui étudièrent en profondeur l’histoire des Arabes. »[4]
Robertson a écrit :
« Seuls les musulmans réussirent à combiner leur zèle pour leur religion à une tolérance envers les fidèles des autres religions. Même lorsqu’ils brandissaient leurs épées lorsqu’ils se battaient pour gagner la liberté de prêcher leur religion, ils laissaient ceux qui ne désiraient pas se joindre à eux libres de rester fidèles à leurs croyances. »[5]
Sir Thomas Arnold, un orientaliste anglais, a écrit:
« Nous n’avons jamais entendu parler d’aucune tentative organisée pour forcer des minorités non-musulmanes à accepter l’islam, ni d’aucune persécution organisée visant à supprimer la religion chrétienne. Si n’importe lequel des califes avait choisi ce type d’approche, il aurait écrasé le christianisme avec la même facilité avec laquelle Ferdinand et Isabelle ont fait sortir l’islam d’Espagne, ou avec laquelle Louis XIV a fait du protestantisme un délit en France, ou encore avec laquelle les juifs ont été expulsés d’Angleterre pour une période de 350 ans. À cette époque, les églises orientales étaient totalement isolées du reste du monde chrétien. Elles n’avaient point de défenseurs, dans le monde, car elles étaient considérées comme des sectes chrétiennes hérétiques. Le fait qu’elles existent encore de nos jours est la preuve la plus concrète de la politique de tolérance du gouvernement islamique. »[6]
« Le calife Omar prenait grand soin de préserver le caractère sacré des lieux saints chrétiens, et ceux qui lui succédèrent en tant que califes suivirent son exemple. Jamais ils ne harcelèrent les pèlerins de toutes dénominations qui venaient chaque année, des quatre coins du monde chrétien, visiter Jérusalem. »[7]
L’auteur américain Lothrop Stoddard a écrit :
« La vérité est que les non-musulmans étaient traités avec plus de tolérance par les musulmans que par n’importe quelle autre secte de leur propre religion. »
Richard Stebbins parle ainsi de l’expérience chrétienne sous le règne turc :
« Ils (les Turcs) permirent à tous, catholiques romains et grecs orthodoxes, de préserver leur religion et d’adhérer aux croyances de leur choix. Ils leur permirent de garder leurs églises pour y accomplir leurs rituels sacrés, à Constantinople et en plusieurs autres lieux. Cela diffère totalement de ce dont je peux témoigner au sujet de l’Espagne, pour y avoir vécu durant douze ans; non seulement étions-nous forcés d’assister à leurs célébrations papistes, mais nos vies et celles de nos petits-enfants étaient en danger. »[8]
Thomas Arnold mentionne, dans son « Invitation à l’islam », qu’à cette époque, de nombreuses personnes, en Italie, souhaitaient vivre sous le règne ottoman, afin de se voir accorder la même liberté et être traitées avec la même tolérance que celles accordées par les Ottomans à leurs sujets chrétiens, car elles n’espéraient plus les obtenir sous quelque gouvernement chrétien que ce soit. Il mentionne également qu’un grand nombre de juifs avaient fui les persécutions, en Espagne, à la fin du 15e siècle, pour se réfugier en Turquie ottomane.[9]
Il vaut la peine de souligner, encore une fois, le point suivant : la présence de non-musulmans, des siècles durant, au sein du monde islamique, de l’Espagne maure à l’Afrique sub-saharienne, à l’Égypte, à la Syrie, à l’Inde et à l’Indonésie est une preuve claire de la tolérance religieuse accordée par l’islam aux personnes de foi différente. Cette tolérance a même mené à l’expulsion des musulmans d’Espagne, où les chrétiens profitèrent du manque d’autorité des musulmans pour les attaquer et les faire disparaître du pays, soit en les tuant, soit en les forçant à se convertir au christianisme, ou encore en les expulsant. Étienne Denier a écrit : « Les musulmans sont à l’opposé de ce que croient bien des gens. Ils n’ont jamais utilisé la force en dehors du Hejaz.[10] D’ailleurs, la présence de chrétiens au sein de leurs sociétés en témoigne; ces derniers ont pu vivre librement leur religion durant les huit siècles de règne musulman dans leurs contrées. Certains d’entre eux occupèrent même de hauts postes à Cordoba. Mais lorsque ces mêmes chrétiens prirent le pouvoir, leur première préoccupation, tout à coup, fut d’exterminer les musulmans. »[11]
L’islam ne force pas les non-musulmans vivant en pays musulmans à se conformer aux lois islamiques. Ils n’ont pas, par exemple, à payer la zakat[1], tandis que sous la loi islamique, un musulman refusant de payer la zakat et niant son obligation devient un mécréant. Aussi, la loi islamique oblige les hommes musulmans à faire leur service militaire, s’ils en sont capables, mais en exempte les non-musulmans, malgré le fait qu’une telle obligation, pour eux, rendrait service à tous, musulmans et non-musulmans. En contrepartie de ces deux exemptions, les citoyens non-musulmans paient une taxe de résidence connue sous le nom de jizya. Sir Thomas Arnold a écrit : « La jizya était si minimale qu’elle ne constituait un fardeau pour personne, surtout si l’on considère qu’elle les exemptait du service militaire, qui était pourtant une obligation pour leurs concitoyens musulmans. »[2]
L’islam permettait également aux non-musulmans d’observer leurs lois civiles dans des domaines tels que le mariage et le divorce. Pour ce qui est de la justice criminelle, les juristes musulmans prononçaient des sentences contre les non-musulmans sur ce qui était considéré comme péché dans leur religion, mais ne les inculpaient point sur ces choses considérées comme licites, pour eux, tels que la viande de porc et le vin.[3] Cela est clairement basé sur la façon de faire du Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) lorsqu’il vint à Médine et qu’il y établit une « constitution ». Il permettait aux tribus non-musulmanes de se référer à leurs propres écritures religieuses et à leurs propres érudits en ce qui concernait leurs affaires personnelles. S’ils le souhaitaient, cependant, ils pouvaient demander au Prophète de juger entre eux. Dieu dit, dans le Coran :
« S’ils viennent à toi, (ô Mohammed), juge entre eux ou alors refuse d’intervenir. »
(Coran 5:42)
Le Prophète, donc, permettait aux membres de chaque religion de juger entre eux concernant leurs propres affaires et ce, sur la base de leurs écritures, dans la mesure où cela n’allait pas à l’encontre de principes établis dans la constitution; c’était une façon de faire qui tenait compte du bien commun et de la coexistence paisible des membres de la société.
Omar ibn Abdoulaziz, un dirigeant musulman, avait de la difficulté à accepter que les non-musulmans continuent de suivre leurs propres règles sociales lorsque celles-ci allaient à l’encontre d’injonctions islamiques. Il écrivit une lettre à Hasan al-Basri,[4] lui demandant ainsi conseil : « Comment se fait-il que les califes bien-guidés qui nous ont précédés aient laissé les Gens de l’Alliance faire comme bon leur semblait, les laissant épouser de proches parents[5], et garder du vin et des porcs? » Hasan répondit : « Ils payaient la jizya pour qu’on les laisse agir en fonction de leurs croyances. Tu ne dois suivre que la loi islamique et non pas inventer de nouvelles règles. »[6]
Les Gens de l’Alliance avaient leurs propres tribunaux où ils allaient régler leurs différends, mais s’ils le souhaitaient, ils pouvaient avoir recours aux tribunaux islamiques. Dieu dit à Son prophète, dans le Coran :
« S’ils viennent à toi, (ô Mohammed), juge entre eux ou alors refuse d’intervenir. Et si tu refuses d’intervenir, jamais ils ne pourront te faire de mal. Mais si tu les juges, alors que ce soit en toute équité car certes, Dieu aime ceux qui jugent de façon équitable. » (Coran 5:42)
Adam Metz, un historien occidental, a écrit dans son ouvrage intitulé Islamic Civilization in the Fourth Century of the Hegira (La civilisation islamique au quatrième siècle de l’hégire) :
« Comme la loi islamique s’adressait particulièrement aux musulmans, l’État islamique permettait aux membres des autres religions d’avoir leurs propres tribunaux. Ce que nous savons au sujet de ces tribunaux, c’est qu’il s’agissait de tribunaux d’église et que leurs leaders spirituels en étaient les juges. Ils écrivirent un grand nombre de livres sur le droit canon et leurs jugements ne se limitaient pas aux affaires personnelles. En effet, ils incluaient des problèmes comme l’héritage et la plupart des litiges entre chrétiens qui n’impliquaient pas l’État. »[7]
Force est donc de constater que l’islam ne sanctionnait pas les non-musulmans s’ils faisaient des choses permises par leurs lois religieuses, même si ces choses étaient interdites par l’islam. La tolérance de l’islam envers les non-musulmans demeure inégalée et aucune loi religieuse, aucun gouvernement laïque ou système politique ne peut s’y comparer, même de nos jours. Gustave LeBon a écrit :
« Les Arabes auraient facilement pu être aveuglés par leurs premières conquêtes et maltraité leurs opposants ou les forcer à embrasser l’islam, qu’ils souhaitaient répandre à travers le monde. Mais ils évitèrent cela. Les premiers califes, qui possédaient un génie politique que l’on retrouve rarement chez les adhérents aux nouvelles religions, avaient compris que la religion et les systèmes de pensée ne s’imposent pas par la force. Alors, ils traitèrent les peuples de Syrie, d’Égypte, d’Espagne et de tous les pays dont ils prirent le contrôle avec beaucoup de considération, comme on a pu le voir. Ils leur permirent de conserver intactes leurs lois, leurs règles et leurs croyances et ne leur imposèrent que la jizya, qui était d’un montant dérisoire lorsque comparé à ce qu’ils avaient du payer comme taxes, auparavant, en échange de leur sécurité. La vérité est que jamais les nations n’avaient connu de conquérants plus tolérants que les musulmans ni de religion plus tolérante que l’islam. »[8]
Dieu exige des musulmans qu’ils se montrent justes en toutes circonstances et qu’ils soient équitables envers tous. Il dit, dans le Coran :
« Et le ciel, Il l’a élevé bien haut. Et Il a établi la balance afin que vous ne commettiez pas d’excès lors de la pesée. Donnez [toujours] le poids exact, en toute équité, et ne faussez pas la pesée. »
(Coran 55:7-9)
Dieu ordonne aux musulmans de se montrer justes, même s’ils doivent, pour cela, agir contre leurs propres intérêts ou ceux de leurs proches parents. Dans le Coran, Il dit :
« Ô vous qui croyez! Observez strictement la justice quand vous témoignez devant Dieu, même si c’est contre vous-mêmes, vos parents ou votre famille proche, ou qu’il s’agisse d’un riche ou d’un pauvre. Car Dieu a leur intérêt plus à cœur que vous. Alors ne suivez pas vos passions, sinon vous vous écarterez (de la vérité). Et si vous portez un faux témoignage ou refusez de témoigner, alors sachez que Dieu sait parfaitement tout ce que vous faites. »
(Coran 4:135)
Dieu nous demande d’être justes à chaque instant :
« Certes, Dieu vous commande de rendre leurs dépôts à leurs propriétaires et de juger avec équité lorsque vous jugez entre les gens. Certes, comme est excellente l’exhortation que Dieu vous fait ! Et Dieu est, en vérité, Celui qui entend tout et voit tout. »
(Coran 4:58)
La justice islamique envers les non-musulmans possède plusieurs facettes. L’islam leur donne le droit à leurs propres tribunaux; il leur garantit aussi l’égalité si un litige les oppose à des musulmans et qu’ils choisissent de présenter leur cas à une cour islamique. Dieu dit :
« S’ils viennent à toi, (ô Mohammed), juge entre eux ou alors refuse d’intervenir. Et si tu refuses d’intervenir, jamais ils ne pourront te faire de mal. Mais si tu les juges, alors que ce soit en toute équité car certes, Dieu aime ceux qui jugent de façon équitable. »
(Coran 5:42)
Si un musulman vole un non-musulman, il est passible du même châtiment dont est passible le non-musulman qui vole un musulman. De même, un musulman est passible d’une accusation pour diffamation et des conséquences pouvant s’ensuivre s’il calomnie un homme ou une femme faisant partie des Gens de l’Alliance.[1]
Il y a, dans l’histoire de l’islam, de grands exemples de musulmans ayant agi en toute justice envers des non-musulmans. On raconte qu’un homme nommé Ta’ima avait volé une armure à Qataada, son voisin. Qataada avait caché son armure dans un sac de farine; et lorsque Ta’ima s’en empara, de la farine s’échappa du sac par un trou, laissant au sol une trace menant visiblement jusque chez lui. Pour ne pas se faire prendre, Ta’ima confia ensuite l’armure à un juif nommé Zayed, qui la garda chez lui. Ainsi, lors des recherches pour retrouver l’armure, on suivit la trace laissée par la farine jusqu’au domicile de Ta’ima, mais on ne retrouva pas l’objet volé. Lorsqu’on le confronta, il jura ne pas l’avoir pris et ne rien savoir à ce sujet. Ceux qui aidaient Qataada à retrouver son bien jurèrent pourtant avoir vu Ta’ima entrer chez Qataada, la nuit, puis avoir suivi les traces de farine jusque chez lui. Néanmoins, après avoir entendu Ta’ima clamer son innocence, ils le laissèrent tranquille. Cherchant de nouvelles preuves, ils découvrirent une légère trace de farine menant chez Zayed et l’arrêtèrent.
Le juif leur dit que Ta’ima lui avait confié l’armure et d’autres juifs, qui assistaient à la scène, confirmèrent cette information. La tribu à laquelle Ta’ima appartenait envoya quelques-uns de ses hommes chez le Messager de Dieu (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) pour lui présenter sa version de l’histoire, et le prièrent de bien vouloir le défendre. Ils lui dirent : « Si tu ne prends pas la défense du membre de notre clan, Ta’ima, il perdra sa réputation, sera sévèrement châtié, et le juif s’en sortira. » Le Prophète fut enclin à les croire et songeait à faire appeler le juif pour le châtier lorsque Dieu révéla, à ce moment, les versets ci-dessous en soutien au juif.[2] Ces verset sont toujours récités, de nos jours, par nombre de musulmans à travers le monde, pour leur rappeler que la justice doit être observée pour tous :
« Certes, Nous t’avons révélé le Livre avec la vérité, afin que tu juges entre les gens selon ce que Dieu t’a appris. Ne te fais pas l’avocat des traîtres et implore le pardon de Dieu, car Dieu est certes Pardonneur et Miséricordieux. Et ne plaide pas en faveur des gens qui se trahissent eux-mêmes. Certes, Dieu n’aime pas le traître et le pécheur. Ils cherchent à se cacher des gens, mais ils ne cherchent pas à se cacher de Dieu. Or, Il est avec eux quand, la nuit, ils tiennent des discours qui Lui déplaisent. Dieu cerne parfaitement ce qu’ils font. Certes, c’est vous qui plaidez en leur faveur dans la vie d’ici-bas. Mais qui plaidera en leur faveur auprès de Dieu, au Jour de la Résurrection, et qui sera alors leur défenseur? »
(Coran 4:105-109)