Les domaines de la pensée et de la culture font partie des domaines les plus importants de la lutte acharnée que se livrent le faux et le vrai. La confrontation idéologique a pris à notre époque de plus en plus de place au fur et à mesure que le son des canons a diminué. Les Etats tyranniques et dominateurs continuent à déclarer la guerre à d’autres Etats, ils submergent le monde avec leur épaisse écume et leur torrent destructeur afin de former les consciences de la manière qui va dans le sens de leurs intérêts. Etant donné que la langue a une influence essentielle sur la formation de la pensée et de la culture, les puissances malveillantes font tout ce qui est en leur pouvoir pour éloigner la langue des musulmans de leur réalité et la placer en marge de leur vie. Ainsi, le musulmans sont poussés à délaisser la langue arabe pour la remplacer par des langues étrangères ou des dialectes locaux, le but étant de faire progresser la domination idéologique sur la langue, les croyances, la pensée et le comportement.
Beaucoup de pays musulmans souffrent de cette captivité et de ces entraves idéologiques et de cette culture imposée par la force ; l’une des preuves les plus frappantes de cette réalité est le fait que de nombreux pays musulmans donnent la priorité à l’enseignement des langues étrangères sur la langue arabe dans les écoles, et ce, du début à la fin de la scolarité. Le problème ne réside pas dans le fait que les musulmans apprennent ces langues étrangères, mais il réside dans le fait qu’ils n’ont pas la volonté ou qu’ils sont incapables de faire de la langue arabe leur première langue, laquelle est sans conteste prioritaire.
La bataille linguistique que mène l’Occident dominant contre les peuples musulmans dominés est en réalité une guerre à la fois linguistique, idéologique et dogmatique dont la racine est la lutte du Bien contre le Mal. Celui qui croit que la langue est seulement un moyen de discourir ou de communiquer se trompe lourdement, en réalité la langue est l’un des éléments essentiels de la formation de l’identité, car les mots ont une grande influence sur la manière de penser. Il est regrettable de constater que les jeunes gens de notre communauté qui se trompent à l’oral ou à l’écrit dans une langue étrangère répandue sont repris, montrent qu’ils sont désolés et s’excusent, mais lorsqu’ils commettent le même type d’erreur dans leur langue maternelle (l’arabe) ils s’en contrefichent éperdument, certains d’entre eux se vantent même de leur ignorance en disant : « Je ne maîtrise pas l’arabe ».
Le but dissimulé derrière cette campagne d’imposition des langues étrangères dans les sociétés arabo-musulmanes est l’abandon progressif de la langue arabe et donc naturellement l’ignorance de l’Islam qui mène ensuite au sentiment de non-appartenance à cette religion. En dernière instance, l’objectif est qu’il ne reste plus aux musulmans une langue qui les unit et les rassemble et que leur identité s’évapore, la conséquence de cela est que leur domination en deviendra encore plus aisée.
Par conséquent, il est absolument nécessaire de fonder des institutions dont le but sera de soutenir la langue arabe. En fait, même si les efforts individuels sont importants, ils ont des effets très limités, il en est de même pour les capacités des individus, elles resteront toujours trop faibles pour s’opposer efficacement à l’agression à laquelle doit faire face la Oumma, agression qui est d’autant plus puissante qu’elle est orchestrée par des Etats qui souhaitent affermir leur domination idéologique sur des peuples affaiblis. Pour contrer efficacement cette menace, il faut qu’un Etat, soutenu par les individus, prenne la tête des opérations. Ainsi, il est devenu obligatoire de mettre en place un plan clair et précis d’arabisation des sciences afin de préserver la langue de la Oumma qui est une part importante de son identité ; à l’instar de ce qu’ont fait les Occidentaux avec la civilisation islamique, ces derniers ont traduit les sciences qui s’y rapportaient, puis les ont enseignées à leurs enfants dans leurs langues dans le but de préserver ces dernières et d’empêcher la diffusion de l’arabe dans leurs contrées. De plus, il est nécessaire de développer des études critiques qui mettraient en évidence les conséquences de ces langues sur notre jeunesse, de même qu’il faudrait s’organiser pour guider les enseignants et les mettre en garde contre le poison idéologique et éthique présent dans beaucoup de contenus pédagogiques dont la fonction est d’ébranler le dogme des enfants de la Oumma, et tout ça sous le prétexte de l’enseignement d’une langue.
Celui à qui on inculque une langue dans sa jeunesse en absorbe également sa culture, il imite les locuteurs de cette langue même quand il est chez lui. En conséquence, on trouve que certains de nos jeunes font plus allégeance aux pays étrangers qu’à leur propre pays ou à la Oumma.
Le temps est venu pour la Oumma de briser les chaînes de cet absolutisme culturel ainsi que de cette domination idéologique qui a anéanti la puissance des musulmans et a stoppé net son dynamisme réformateur et innovant. Parmi les signes positifs que nous pouvons voir aujourd’hui, il y a les appels et demandes pour instituer la langue arabe comme langue officielle dans des écoles de certains pays étrangers, ceci est le fait des émigrés musulmans de ces pays qui ont senti le danger auquel étaient exposés leurs enfants. Ces demandes sont l’une des manifestations de la prise de conscience qui est le fruit de l’éveil islamique (al-Sahwa) contemporain. Lorsque l’Occident a senti les prémices de cet éveil et a vu ses diverses langues menacées, il a tout fait pour soutenir ceux qui dans ces pays appelaient à remplacer l’arabe classique par des dialectes locaux, pour mener à bien ce projet des institutions ont été créées et des spécialistes ont été stipendiés. Le problème n’est donc pas seulement un problème de langue, mais c’est aussi un problème de dépendance et d’aliénation aveugle dans diverses domaines.
Notre jeunesse a encore plus besoin de s’attacher fermement à sa langue que les générations passées. Est-il correct que nous prenions soin des langues et cultures des autres et qu’en même temps nous délaissions notre langue et notre culture ? Celui qui accepte ce non-sens va à l’encontre de l’ordre naturel des choses, de plus il accepte d’être un suiveur soumis sans principes ni voie propre. En somme, défendre la langue arabe revient à défendre notre religion, notre histoire et notre identité.
Regardez la lutte que mènent les grands Etats entre eux à cause des langues, chaque Etat fait tout pour diffuser et développer sa langue un peu partout dans le monde, il y consacre un gros budget, car la langue joue un rôle essentiel dans les processus de domination ou de soumission. Il faut souligner que pour certains idiots utiles les langues étrangères sont un signe de progrès et de prospérité, alors qu’en réalité c’est un signe de soumission et de négation de sa propre identité. Comment est-il possible que le Chinois ou le Japonais défende sa langue et la rende obligatoire dans toutes les occasions, mêmes festives, alors que l’Arabe renie sa langue bien qu’elle soit la langue du Noble Coran et il a honte de la parler, quand celui-ci la connaît ?! Le délaissement de la langue arabe a des conséquences négatives très diverses, à ce propos il nous suffit juste de rappeler la parole d’al-Râfi’î : « Si la langue se soumet devant une autre langue, c’est tout le peuple qui se soumet, si sa langue s’affaiblit, c’est lui qui devient faible ; à partir de là, il est facile pour un étranger colonisateur d’imposer sa langue à un peuple affaibli qui devient donc colonisé, le premier contrôle le second grâce à la langue, il lui fait sentir sa puissance à travers elle, il le revendique car celui-ci parle sa langue ; en somme, par ce seul moyen, le colonisateur condamne le colonisé à trois peines : d’abord, l’enfermement à perpétuité de la langue du dominé dans les geôles de la langue du dominant ; puis, la peine de mort, par effacement et oubli, pour le passé du dominé ; enfin, l’enchaînement du futur du dominé dans le carcan que le dominant a lui-même fabriqué, une fois cette dernière chose accomplie, le dominé devient totalement soumis au dominant ».
Il ne faut pas voir dans notre démonstration la volonté de nier le droit de chacun à l’apprentissage d’autres langues ou de dénigrer ces dernières, mais nous pensons que cet apprentissage doit se faire selon des règles précises, d’autant plus que certaines personnes sont vraiment dans l’obligation (professionnelle) de les apprendre. Apprendre des langues étrangères n’est pas blâmable de manière absolue, au contraire cela est souhaitable voir nécessaire ; toutefois, cela doit se faire concomitamment avec la défense et la préservation de la langue du Coran. Le Prophète () a donné l’ordre à Zayd ibn Thâbit d’apprendre la langue des Juifs, ce dernier l’apprit donc en quinze jours ; il y a là la preuve, quand la nécessité se fait sentir, que l’on peut apprendre n’importe quelle langue. Selon la saine logique, il ne faut pas s’attaquer à l’apprentissage d’une autre langue tant qu’on ne maîtrise pas sa langue maternelle ; ainsi, comme un Arabe peut-il accepter de faire d’immenses efforts afin de maîtriser une langue étrangère et en même temps négliger sa propre langue ?!
Nous n’avons pas besoin de rappeler ici en détail le rôle qu’a joué la langue arabe à l’époque de la Djâhiliyya (période préislamique), c’est-à-dire celui d’un outil linguistique qui permettait d’exprimer les sensations les plus subtiles ainsi que les sentiments les plus délicats. Il suffit de consulter les dictionnaires ou encyclopédies ayant trait à cette langue pour se rendre compte de son immense richesse, richesse dont sont dépourvues la plupart des autres langues du monde. Parmi les manifestations de la richesse de la langue arabe on trouve le fait que les noms, notions et concepts bénéficient d’une très large palette de nuances qui permet de s’exprimer avec une extrême précision. Notons que les encyclopédies linguistiques n’ont pas encore été étudiées comme il se doit, elles recèlent encore de nombreux trésors dont les linguistes découvrent chaque jour l’étendue des liens avec des concepts modernes et de leur cohérence vis-à-vis des innovations de la pensée moderne.
Par ailleurs, à partir de l’ère islamique, les ouvrages en langue arabe traitant de mathématiques, de littérature, de philosophie ou encore de droit constituèrent un formidable réservoir linguistique qui servait de base essentielle pour l’intercompréhension des savants ainsi que pour la conceptualisation des théories les plus complexes, et ce, à une époque où la civilisation arabo-musulmane était à son apogée ; il suffit donc de feuilleter un livre de science ou de philosophie pour saisir l’étendue de la puissance et de la grandeur de la langue arabe. En somme, la langue arabe a un immense potentiel dont l’exploitation n’est limitée que par notre niveau en philologie.
Tout le monde sait que depuis la fin du premier siècle de l’Hégire « est apparu un mouvement idéologique de grande ampleur qui a essaimé dans les « universités » d’Orient ». Ce ne sont pas les Syriaques, les Perses ou les Grecs qui ont profité de ce mouvement – comme l’affirme l’auteur du livre Le miracle arabe –, mais un peuple qui vivait jusqu’à ce siècle hors des limites du monde civilisé, un peuple dont rien ne pouvait laisser présager qu’il assumerait l’immense rôle qui fut le sien dans l’histoire de la Civilisation à partir de l’avènement de l’Islam, ce peuple n’est autre que le peuple arabe.
La langue arabe est une langue littéraire et poétique depuis les origines de la Djâhiliyya, mais sa diffusion est, selon M. Fantigu, l’auteur du Miracle arabe, à mettre sur le compte des fruits matériels et spirituels qu’a produit l’Islam dont notamment la décision politique prise par les Umayyades de rendre obligatoire l’emploi de la langue arabe pour les documents officiels. Durant le deuxième siècle de l’Hégire a commencé le déclin des centres culturels grecs dans le Proche-Orient et « ce déclin a provoqué l’une des plus grandes crises que les langues aient connues », en conséquence, les peuples issus d’une ancienne civilisation comme les Egyptiens ou les Indiens se sont débarrassés de leur culture propre pour embrasser les croyances, les coutumes et les mœurs des Arabes, et ce, suite aux relations et contacts entretenus entre ces derniers et les peuples en question.
Depuis cette époque sont apparus d’autres peuples qui ont pris la place des Arabes dans des contrées que ceux-ci avaient conquises, mais, selon George Rivoire, « la puissance des adeptes de Muhammad () est restée vivace et elle n’a pas baissé ; en effet, dans toutes les régions d’Afrique ou d’Asie où les Arabes ont posé les pieds, de l’Occident à l’Inde, cette puissance a pénétré profondément et pour toujours, et les nouveaux conquérants de ces pays n’ont absolument pas réussi à annihiler ou repousser la religion des Arabes ainsi que leur langue ».
M. Fantigu a confirmé que la langue arabe devint chez les Perses la langue officielle, de même que les poètes perses eux-mêmes en firent leur outil linguistique pour composer leurs poèmes alors que leur dialecte, le bahlawi, était utilisé dans les montagnes. L’influence de la langue arabe a duré durant de nombreux siècles, elle devint même l’un des éléments essentiels de la langue urdu qui est la langue de la culture chez les Hindous dont le grand maître, Chahinama, qui est pour ces derniers ce que Homère fut pour les Grecs, était un fin connaisseur de la langue arabe. « Les Perses recommencèrent à composer leurs poèmes en langue perse à partir du Xe siècle » ; toutefois, la plupart des ouvrages scientifiques continuèrent à être écrits en arabe comme l’encyclopédie médicale d’al-Râzî ou la plupart des livres d’Ibn Sînâ.
Gustave Lebon a expliqué dans son ouvrage La civilisation des Arabes que la langue arabe est devenue la langue dominante dans toutes les contrées dans lesquelles les Arabes ont pénétré, elle a même remplacé complètement les langues locales ou les dialectes qui y étaient parlés comme le syriaque, le grec, le copte, le berbère, etc. Il s’est passé le même phénomène en Perse durant longtemps, malgré la renaissance de la langue perse, la langue arabe est restée la langue des gens cultivés et des érudits. Gustave Lebon a également affirmé que « les Perses étudient encore aujourd’hui (c’est-à-dire à la fin du XIXe siècle) les sciences classiques, les sciences religieuses et l’histoire à partir de livres écrits en arabe ».
Il est important de rappeler que les ouvrages grecs les plus importants ont été traduits en arabe durant la période des Califes abbassides, c’est-à-dire à une époque où les Arabes se sont adonnés aux études de sciences et littératures étrangères avec enthousiasme. Selon George Rivoire dans son livre Les visages de l’Islam, « cet enthousiasme a dépassé de beaucoup celui dont ont fait montre les Européens lors de la Renaissance ; la langue arabe s’est adaptée aux exigences de la nouvelle réforme, elle s’est donc propagée dans tous les coins d’Asie et a fini par remplacer les langues anciennes ». La langue arabe est même venue à bout du latin, notamment dans la péninsule ibérique où, au IXe siècle, l’homme de lettres chrétien Alvaro critiqua vivement le fait que ses concitoyens ignoraient la langue latine, celui-ci dit : « Les chrétiens jouissent de la lecture de poèmes et des œuvres littéraires arabes et ils étudient les ouvrages des savants du kalâm musulmans, pas pour les réfuter, mais au contraire pour s’imprégner du style authentique et raffiné de la langue arabe. Tous les jeune hommes chrétiens de bonne éducation ne connaissent que la langue arabe et la littérature arabe, ils lisent les livres arabes et les étudient avec une grande ferveur, par ailleurs ils font tout pour se constituer une grande bibliothèque et pour ce faire ils ne regardent pas à la dépense, enfin, ils disent à qui veut l’entendre qu’ils trouvent la littérature arabe merveilleuse…tout ceci me fait très mal ! Les chrétiens ont même oublié leur liturgie, de surcroît on en trouve pas un sur mille qui peut écrire une lettre en latin à l’une de ses connaissances ; à l’inverse, on trouve de nombreuses personnes qui maîtrisent parfaitement la langue arabe ou même qui composent des poèmes dans cette langue dont la qualité dépasse celle des poèmes des Arabes eux-mêmes ».
L’historien Dozy a affirmé dans son livre Histoire des musulmans d’Espagne : « Parmi les causes de la notoriété des chrétiens cultivés il y avait la maîtrise de la littérature arabe, ces derniers méprisaient la rhétorique latine et ils écrivaient avec la langue des conquérants arabes ». Toujours selon Dozy : « La langue arabe fut l’outil linguistique de la culture et de la pensée en Espagne jusqu’en 1570, et dans la région de Valence certains villages utilisèrent la langue arabe jusqu’au début XIXe siècle ; l’un des professeurs de l’université de Madrid a reconstitué un contrat de vente rédigé en arabe similaire aux contrats de ce type qui étaient utilisés en Andalousie ».
De son côté l’historien Fiado, qui a écrit sur l’histoire des Arabes d’Espagne il y a plus d’un siècle, a rappelé l’extraordinaire richesse de la langue et de l’art poétique des Arabes, au point que tous les habitants de Silves (qui est aujourd’hui le paradis du Portugal) étaient des poètes, ceci est confirmé par Dozy.
La langue arabe, qui avait déjà un haut niveau de richesse et de maniabilité à l’époque de la Djâhiliyya, a atteint au IVe siècle de l’Hégire, c’est-à-dire au début de l’époque abbasside, son apogée. A ce propos, Zakî Mubârak a bien décrit la beauté de la prose arabe produite durant ce siècle, de même que Victor Birar a dit de la langue arabe de ce siècle « qu’elle était la langue la plus riche, la plus simple, la plus puissante, la plus raffinée, la plus solide, la plus maniable et la plus belle ; cette langue est un trésor plein de charmes et débordant de la magie de l’imagination, un trésor aux métaphores étonnantes, d’un abord agréable et excellent pour former des images ». Ce qu’il y a de plus étonnant – est cela n’a pas son équivalent chez les autres peuples – c’est que ce sont les bédouins qui sont les gardiens de ce trésor et « les grands maîtres de la prose arabe », certains ont puisé leur richesse linguistique et leur génie littéraire dans les poèmes.
L’influence de la langue arabe s’étendit très loin de son centre, jusqu’à une partie du sud de l’Europe où les gens étaient persuadés que cette langue était « le seul vecteur de transmission des sciences et de la littérature » comme l’affirme George Rivoire. Ce dernier a également dit que « les hommes d’Eglise furent contraints d’arabiser leurs recueils de lois pour en faciliter la lecture dans les églises d’Espagne, de même que Jean Séville fut obligé d’éditer les livres saints en langue arabe afin que les gens puissent les comprendre ».
Le Français Gustave Lebon a affirmé dans La civilisation arabe que la langue arabe a eu une grande influence en France, l’historien Sadiot a fait remarqué justement que les dialectes des régions d’Auvergne et du Limousin comportent de nombreux termes arabes et que les blasons ou écussons de diverses régions françaises portent des inscriptions en arabe. Par ailleurs, il était naturel que les Arabes, qui dominaient la méditerranée depuis le VIIIe siècle et donc une partie de la France et de l’Italie, transmettent aux autres peuples du vocabulaire militaire, administratif, scientifique, ayant trait à la pêche, etc. Ce type d’influences a été constaté en Sicile où le roi, Roger le Normand, portait des vêtements orientaux, de plus étaient brodés sur ses habits officiels des mots ou phrases en langue arabe, de même que les sceaux et les pièces comportaient à la fois des inscriptions en langue arabe et en langue normande, enfin il est à noter que l’amiral de Sicile était un fin connaisseur de la langue arabe, comme le dit le professeur Fantigu : « La langue arabe était en Sicile la langue de l’Etat, du commerce et des sciences ».
Pour ce qui est de la proportion de cette influence de la langue arabe en Occident, il semblerait que selon certains chercheurs les mots arabes empruntés par la langue espagnole représente environ le quart des mots contenus dans le dictionnaire (espagnol). Quant à la langue portugaise, elle aurait emprunté environ 3000 mots à l’arabe, le père Sasa Baptiste, qui est né à Damas, a composé un dictionnaire (1789) dans lequel il a rassemblé tous les mots arabes empruntés par le portugais, ce dictionnaire se compose de 160 pages. De son côté Dozy Wanjelman a rédigé un dictionnaire comportant tous les mots de l’espagnol et du portugais qui ont une racine arabe. Il y a d’autres langues, comme le maltais, qui ont emprunté la plupart de leurs mots à la langue arabe. Il y a peu de temps, on a pu entendre un discours prononcé par une personnalité maltaise officielle, lequel discours était parfaitement compréhensible par un locuteur arabe, d’autant plus que le dialecte maltais partage de nombreuses similitudes avec le dialecte maghrébin, d’ailleurs il est bien connu que beaucoup de dialectes parlés dans le monde arabe sont assez proches les uns des autres. A ce propos, Gustave Lebon a affirmé que « l’arabe est l’une des langues les plus harmonieuses ; en effet, si d’elle découlent divers dialectes comme celui du Châm, celui du Hedjaz, celui d’Egypte ou celui d’Algérie, ceux-ci ne se différencient les uns des autres que par d’infimes détails. Ainsi, si des habitants des habitants d’un village du nord de la France ne comprennent pas certains mots des dialectes utilisés dans le sud, on constate qu’à l’inverse des habitants du Maghreb peuvent parfaitement communiquer avec des gens d’Egypte ou du Hedjaz ». Le grand voyageur Burckard avait affirmé quant à lui que « celui qui connaît l’un de ces dialectes pouvait comprendre tous les autres sans difficulté ».
Il a été découvert en Sicile une tablette de liturgie chrétienne rédigée en langue arabe et datée selon le calendrier hégirien, laquelle date montre que cette tablette a été écrite 60 ans après la fin de la présence musulmane sur l’île.
Notons également que la langue grecque a également emprunté beaucoup de termes à l’arabe, mais ces empreints ont tellement été modifiés qu’il est difficile de déceler dans ces mots leur origine arabe.
Il est reconnu maintenant que les universités européennes ont été un facteur important de la diffusion de la langue arabe, laquelle devint durant le Moyen-âge la langue de la philosophie, de la médecine et de divers arts et sciences. L’arabe devint même la langue internationale vectrice de civilisation ; ainsi, au début du XIIIe siècle existait dans le sud de l’Europe un institut où la langue arabe était enseignée, puis un peu plus tard, une ordre chrétien installé dans différents pays organisa l’apprentissage de l’arabe un peu partout en Europe, et ce, en créant des chaires d’arabe dans les plus grandes universités européennes. Au XVIIe siècle l’Europe septentrionale a commencé à s’intéresser particulièrement à l’enseignement en langue arabe et à sa diffusion, en 1632, le gouvernement de Suède a décidé d’instaurer l’enseignement de l’arabe, puis ce pays a commencé à éditer et publier des ouvrages islamiques. De son côté la Russie a commencé à s’intéresser aux études orientales et à la langue arabe à partir de l’époque de Pierre le Grand, ce dernier avait envoyé cinq étudiants russes en Orient, puis en 1769 la reine Catherine II a rendu obligatoire l’enseignement de la langue arabe.
L’empreint de mots arabes par les langues européennes a également concerné le domaine scientifique ; ainsi, ces langues empruntèrent des mots comme « alcool » (al-kuhûl), « élixir » (al-iksîr), « algèbre » (al-djabr) ou encore « algorithme » (al-lûghrîtm). Par ailleurs, selon Levy Provençal, l’espagnol aurait emprunté à l’arabe la plupart des termes ayant trait aux plantes aromatiques et aux fleurs, puis des Pyrénées le vocabulaire des sciences naturelles est passé en France comme par exemple les mots « pruneau » (al-burqûq), « jasmin » (al-yasmîn), « coton » (al-qutn), « safran » (al-za’frân), etc. ; de même que presque tous les termes espagnols en rapport avec l’irrigation sont d’origine arabe, même chose pour les termes de la bijouterie ou ceux de l’architecture. L’Espagne et naturellement l’Amérique latine ont emprunté de nombreux termes arabes concernant les domaines culturel, économique ou encore sociologique.
Enfin, il est intéressant de noter qu’un grand érudit italien avait fait remarquer que la plupart des expressions arabes qui ont pénétré de manière étonnante dans la langue du Vatican n’ont pas été imposées par la colonisation, mais cela s’est fait naturellement grâce au rayonnement culturel de l’Islam.